COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 20.7.2021
COM(2021) 700 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS EMPTY
Rapport 2021 sur l’état de droit
La situation de l’état de droit dans l’Union européenne
{SWD(2021) 701 final} - {SWD(2021) 702 final} - {SWD(2021) 703 final} - {SWD(2021) 704 final} - {SWD(2021) 705 final} - {SWD(2021) 706 final} - {SWD(2021) 707 final} - {SWD(2021) 708 final} - {SWD(2021) 709 final} - {SWD(2021) 710 final} - {SWD(2021) 711 final} - {SWD(2021) 712 final} - {SWD(2021) 713 final} - {SWD(2021) 714 final} - {SWD(2021) 715 final} - {SWD(2021) 716 final} - {SWD(2021) 717 final} - {SWD(2021) 718 final} - {SWD(2021) 719 final} - {SWD(2021) 720 final} - {SWD(2021) 721 final} - {SWD(2021) 722 final} - {SWD(2021) 723 final} - {SWD(2021) 724 final} - {SWD(2021) 725 final} - {SWD(2021) 726 final} - {SWD(2021) 727 final}
1.INTRODUCTION
L’Union européenne est fondée sur un ensemble de valeurs communes, dont le respect des droits fondamentaux, la démocratie et l’état de droit. Ces valeurs fondamentales sont perçues par les Européens comme l’une des principales richesses de l’UE, et leur préservation relève de la responsabilité partagée de toutes les institutions de l’UE et de tous les États membres. Si l’UE est reconnue comme ayant des normes très élevées dans ces domaines, ces valeurs ne devraient jamais être considérées comme acquises. La promotion et le respect de l’état de droit requièrent une vigilance et une amélioration constante car il existe toujours un risque de régression.
L’état de droit fait non seulement partie intégrante de l’identité démocratique de l’UE et des États membres, mais il est également essentiel au fonctionnement de l’Union, ainsi que pour maintenir la confiance des citoyens et des entreprises dans les institutions publiques. Si les États membres ont des systèmes et des traditions juridiques différents, la substance de l’état de droit est la même dans l’ensemble de l’UE. Les principes clés de l’état de droit, à savoir, légalité, sécurité juridique, interdiction de l’exercice arbitraire du pouvoir exécutif, protection juridictionnelle effective par des juridictions indépendantes et impartiales respectant pleinement les droits fondamentaux, séparation des pouvoirs, soumission permanente de toutes les autorités publiques aux lois et procédures établies, et égalité devant la loi, sont communs à tous les États membres, sont inscrits dans les constitutions nationales et traduits dans la législation.
La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur l’état de droit et l’indépendance de la justice fournit un ensemble clair d’exigences légales que les États membres sont tenus de respecter dans le cadre de leurs réformes liées à l’état de droit. Le respect de l’état de droit suppose le respect du droit de l’Union et du principe de primauté du droit de l’Union, qui constituent les fondements de l’Union.
Le rapport sur l’état de droit est conçu sur cette base commune et objective, sous la forme d’un cycle annuel visant à promouvoir l’état de droit, à éviter que des problèmes ne surviennent ou ne s’aggravent et à y remédier, en accordant une attention égale à tous les États membres. Il vise à renforcer l’état de droit dans le plein respect des traditions et des spécificités nationales, en stimulant un débat constructif et en encourageant tous les États membres à examiner les moyens de remédier aux problèmes et à tirer les enseignements de leurs expériences respectives.
L’état de droit est également une dimension importante et un principe directeur de l’action extérieure de l’UE. La crédibilité de nos politiques extérieures dépend du respect de l’état de droit dans l’UE elle-même. Dans le monde entier, les pressions s’intensifient sur l’état de droit, et l’UE s’emploie activement à protéger, inspirer et soutenir les démocraties de par le monde. Des événements observés à proximité de nos frontières, l’exemple le plus récent étant celui de la Biélorussie, ont rappelé la nécessité de promouvoir avec détermination nos valeurs dans notre voisinage. L’UE continuera de mener une approche ferme et cohérente dans son action extérieure et, en particulier, d’intégrer l’état de droit dans ses travaux sur l’élargissement dans son voisinage et dans le monde entier.
Il existe également un lien étroit avec les politiques de l’UE visant à relancer l’économie: des systèmes judiciaires solides, un cadre solide de lutte contre la corruption et un système législatif clair et cohérent, la protection des intérêts financiers de l’UE et une croissance durable. Il s’agit d’un moteur essentiel des travaux des instruments de l’UE qui encouragent les réformes structurelles dans les États membres. En outre, la qualité de l’administration publique et la culture de l’État de droit, telles qu’elles ressortent de la manière dont les autorités appliquent la loi et mettent en œuvre les décisions de justice, sont essentielles.
L’approfondissement des travaux dans le domaine de l’état de droit requiert une coopération étroite et permanente entre les institutions de l’UE et les États membres. La Commission a été encouragée par la réponse que le rapport 2020 sur l’état de droit a suscitée au sein du Parlement européen et du Conseil ainsi que des parlements nationaux et elle attend avec intérêt de renforcer la coopération interinstitutionnelle dans le domaine de l’état de droit.
Le rapport s’inscrit également dans le cadre plus large des efforts déployés par l’UE pour promouvoir et défendre ses valeurs fondatrices. Ces travaux comprennent le plan d’action pour la démocratie européenne et la nouvelle stratégie visant à renforcer l’application de la Charte des droits fondamentaux dans l’Union européenne, ainsi que des stratégies ciblées visant à progresser vers une «Union de l’égalité». Un autre aspect connexe est le contrôle de l’application du droit de l’Union et de la protection des droits fondamentaux au titre de la Charte, notamment par le recours à des procédures d’infraction.
Le rapport 2021 sur l’état de droit couvre les mêmes domaines que celui de l’année dernière (systèmes judiciaires, cadre de lutte contre la corruption, pluralisme et liberté des médias et autres mécanismes institutionnels d’équilibre des pouvoirs), consolidant l’exercice entamé par le rapport de 2020 tout en approfondissant l’évaluation de la Commission. Il décrit également plus en détail l’impact de la pandémie de COVID-19 et les difficultés qui y sont liées. Les chapitres par pays, qui font partie intégrante du présent rapport, analysent l’évolution de la situation depuis le premier rapport et le suivi des problèmes et évolutions recensés dans le rapport de 2020.
2.LA PANDÉMIE DE COVID-19 ET L’ÉTAT DE DROIT
La pandémie de COVID-19 a causé des difficultés particulières dans le domaine de l’état de droit. Les impératifs de santé ont nécessité l’adoption de mesures extraordinaires pour lutter contre la pandémie, en bouleversant souvent la vie quotidienne et en restreignant ainsi les droits fondamentaux. Le caractère urgent des mesures peut mettre à rude épreuve la légitimité démocratique ainsi que le fonctionnement normal des systèmes constitutionnels et juridiques et des administrations publiques.
La Commission a suivi l’évolution de la situation dans tous les États membres et analysé les mesures exceptionnelles qui ont été adoptées. Leur incidence sur l’état de droit est exposée dans les chapitres par pays. Il convient essentiellement de déterminer si les mesures liées à la pandémie de COVID-19 ont été limitées dans le temps, si elles étaient nécessaires et ont été proportionnelles, quelle a été l’ampleur du contrôle continu exercé par les parlements et les tribunaux nationaux et sur quelle base juridique reposaient les mesures. La capacité qu’ont eue les États à maintenir l’équilibre des pouvoirs dans le respect de l’état de droit est tout aussi cruciale. Il s’agit notamment du rôle des parlements, des cours constitutionnelles et des autres juridictions nationales, ainsi que des médiateurs et des institutions nationales de défense des droits de l’homme qui examinent le régime juridique et les mesures prises. Est également examinée la mesure dans laquelle le rôle des médias et de la société civile dans l’exercice du contrôle public a pu être maintenu et la manière dont les autorités ont pris des mesures pour atténuer l’impact de la pandémie sur ces acteurs. Étant donné que les mesures prises pour lutter contre la pandémie ont souvent nécessité un assouplissement des règles administratives et des contrôles dans l’intérêt d’une réaction rapide, les mesures prises pour éviter la corruption et les conflits d’intérêts dans les dépenses publiques pendant la pandémie sont également pertinentes.
Dans l’ensemble, le suivi indique que les systèmes nationaux ont fait preuve d’une résilience considérable. Toutefois, au-delà de la réponse immédiate, il est nécessaire de réfléchir à la manière de mieux se préparer à l’impact, qui pourrait se faire sentir durant de longues périodes, des situations de crise sur l’état de droit. Certains États membres disposaient déjà d’un cadre juridique inscrit dans leur constitution, dans leur législation en matière de santé publique ou dans d’autres lois destinées à être utilisées en situation de crise. Cette prévoyance a contribué à renforcer la légitimité des mesures liées à la COVID-19, qui ont pu être élaborées sur la base d’un cadre préexistant. D’autres États membres ont mis en place un nouveau régime d’urgence spécifique pour cette pandémie. Au cours de la pandémie, la plupart des États membres ont modifié, souvent à plusieurs reprises, le régime juridique d’adoption de mesures liées à la pandémie. Ces modifications ont souvent eu lieu dans des circonstances politiques tendues, en recourant à des procédures accélérées, avec des contrôles constitutionnels et des débats parlementaires limités. Dans certains États membres, le régime juridique en vertu duquel les droits fondamentaux ont été restreints n’avait pas été clairement établi. Dans son rapport intérimaire de 2020, la Commission de Venise a souligné l’importance de disposer d’un régime juridique clair avant une crise, de sorte que le respect de l’état de droit, ainsi que des droits fondamentaux et des exigences constitutionnelles, soit assuré dès le départ
.
Le caractère urgent des exigences de la crise a exercé une pression sur les systèmes constitutionnels en place. Certains États membres ont maintenu la responsabilité du Parlement en matière de contrôle législatif pour toutes les mesures liées à la pandémie. D’autres ont rétabli un contrôle parlementaire renforcé après une période initiale où celui-ci avait été réduit. En ce qui concerne le contrôle de l’exécutif, de nombreux parlements ont également modifié les règles relatives à la présence physique et au vote afin de permettre la participation démocratique. D’autres institutions essentielles à l’équilibre des pouvoirs ont également été en mesure de s’adapter, malgré les graves répercussions que la pandémie a eues sur leur capacité à fonctionner. Dans de nombreux États membres, les tribunaux et les cours constitutionnelles ont joué un rôle important dans le maintien du contrôle juridictionnel. Les médiateurs et les institutions de défense des droits de l’homme ont déployé des efforts considérables pour poursuivre leurs activités et ont relevé un certain nombre de difficultés afin d’examiner les mesures d’urgence. Il s’est avéré plus difficile de maintenir la capacité de la société dans son ensemble à participer à l’élaboration des mesures du fait que la consultation publique, le dialogue social institutionnalisé et la consultation des parties prenantes ont été généralement limités.
Les activités réglementaires et administratives des gouvernements ont elles aussi été grandement entravées mais des mesures ont également été prises pour atténuer les incidences sur leur fonctionnement. Un niveau élevé de numérisation, notamment, a contribué à limiter les perturbations. Le soutien à la transition numérique de l’administration publique et du système judiciaire et à l’amélioration de l’élaboration des politiques figure dans les plans pour la reprise et la résilience de nombreux États membres. Pour les administrations publiques, des procédures allégées dans des domaines tels que les marchés publics ont été introduites afin d’accélérer la prise de décision. Cet allègement des procédures a constitué une menace pour l’état de droit et la lutte contre la corruption, un effet qui a pu toutefois être atténué dans certains cas en intégrant des garanties dans les régimes d’urgence.
Le tissu démocratique protégeant l’état de droit repose également sur les médias et la société civile, dont les activités ont été lourdement entravées par les restrictions liées à la pandémie. Le rôle des médias dans la transmission d’informations fiables et la mise en lumière des actions des autorités est plus que jamais essentiel en cas de crise. Les médias d’information ont joué un rôle essentiel dans l’information des citoyens et dans la fourniture d’informations vérifiées sur la pandémie mais, dans le même temps, nombre d’entre eux ont été confrontés à de graves difficultés économiques. Plusieurs États membres ont pris des mesures en conséquence, notamment au moyen de régimes d’aide en faveur des médias et des journalistes. La transparence et l’équité dans la distribution de ce soutien sont essentielles. Le travail des journalistes a également été entravé par des contraintes d’accès à l’information publique et au grand public. La transparence et l’accès du public à l’information ont constitué une préoccupation générale, laquelle a conduit la société civile et les citoyens à contester devant les tribunaux des mesures liées aux pandémies à plusieurs occasions.
Dans l’ensemble, de nombreuses évolutions et exemples positifs peuvent être mis à profit pour améliorer la réponse juridique et politique en temps de crise, de manière à renforcer l’état de droit et la résilience démocratique. L’expérience a permis de sensibiliser davantage à l’importance de l’état de droit et à la manière dont les pouvoirs publics agissent en temps de crise. Il serait utile que cette question soit débattue au niveau de l’UE, par le Parlement européen et le Conseil, ainsi qu’au niveau national. Le débat peut également s’appuyer sur les analyses en cours dans des organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe
.
3.PRINCIPAUX ASPECTS DE LA SITUATION DE L’ETAT DE DROIT DANS LES ETATS MEMBRES
Pour chacun des quatre piliers du rapport sur l’état de droit, les quatre sections ci-après mettront en évidence un certain nombre de thèmes et de tendances communs, de problèmes spécifiques et d’évolutions positives. Y sont mentionnées, à titre d’exemple, des évolutions observées dans des États membres spécifiques qui reflètent ces tendances, tirées de l’évaluation de l’ensemble des 27 États membres présentée dans les chapitres par pays.
Orientations à l’intention du lecteur — méthodologie
L’évaluation figurant dans la présente section doit être lue en liaison étroite avec les 27 chapitres par pays présentant les évaluations nationales spécifiques. Des exemples sont tirés des chapitres par pays pour illustrer les conclusions générales, mais le contexte détaillé est présenté dans les chapitres nationaux, ce qui permet de mieux comprendre l’évolution de la situation et les débats qui se déroulent au niveau national et européen.
L’évaluation qui figure dans les chapitres par pays a été élaborée conformément au champ d’application et à la méthodologie qui ont fait l’objet de discussions avec les États membres
. Les chapitres par pays reposent sur une évaluation qualitative effectuée de manière autonome par la Commission et axée sur une synthèse des évolutions importantes intervenues depuis septembre 2020. Cette évaluation présente à la fois les problèmes, les aspects positifs et les bonnes pratiques recensées dans les États membres. Lorsqu’elle se réfère à l’évolution de la situation depuis le dernier rapport, l’évaluation examine dans quelle mesure les problèmes recensés en 2020 ont été résolus, s’ils persistent ou si la situation s’est encore détériorée/aggravée.
La Commission adopte une approche cohérente et uniforme en appliquant la même méthodologie et en examinant les mêmes thèmes dans chacun des États membres, tout en faisant preuve de proportionnalité au regard de la situation. Dans chaque chapitre par pays, l’analyse se concentre en particulier sur des thèmes pour lesquels des évolutions importantes ont été constatées ou concernant lesquels des problèmes graves ont été recensés dans le rapport précédent et qui persistent au cours de la période de référence. Les termes utilisés dans les évaluations visent à être comparables et uniformes d’un chapitre par pays à l’autre et à mesurer le niveau de gravité, compte tenu du contexte général propre à chaque pays. Les chapitres par pays n’ont pas l’ambition de fournir une description exhaustive de tous les problèmes liés à l’état de droit qui ont été recensés dans chaque État membre mais de présenter les évolutions significatives. L’appréciation se réfère aux exigences du droit de l’Union, notamment celles résultant de la jurisprudence de la CJUE. De plus, les recommandations et avis du Conseil de l’Europe constituent un cadre de référence utile en ce qui concerne les normes et les bonnes pratiques pertinentes.
Le rapport est le fruit d’une collaboration étroite avec les États membres et s’appuie sur diverses sources nationales et autres. Tous les États membres ont participé au processus en fournissant des contributions écrites
et en participant aux visites spécifiques dans les pays qui se sont déroulées entre mars et mai
. Une consultation ciblée des parties prenantes a également apporté de précieuses contributions horizontales et spécifiques à chaque pays
. Le Conseil de l’Europe a en outre fourni un aperçu de ses récents avis et rapports concernant les États membres de l’UE. Avant l’adoption du présent rapport, chaque État membre a eu la possibilité de fournir des informations factuelles actualisées sur le chapitre qui lui est consacré.
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3.1 Systèmes judiciaires
Quels que soient le modèle auquel obéit le système judiciaire national et la tradition juridique dans laquelle il s’inscrit, indépendance, qualité et efficience sont des paramètres essentiels au bon fonctionnement d’un système de justice. L’indépendance des juridictions nationales est une condition nécessaire pour assurer une protection juridictionnelle effective, une obligation pour les États membres en vertu des traités. Ainsi que la CJUE l’a réaffirmé, l’existence d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l’Union est inhérente à un État de droit
. Des systèmes judiciaires efficaces constituent le fondement de la confiance mutuelle, qui est la pierre angulaire de l’espace commun de liberté, de sécurité et de justice. Les thèmes qui ressortent de l’analyse des 27 chapitres par pays sont des paramètres clés aux fins de l’évaluation de l’indépendance de la justice: Les réformes des conseils de la magistrature, des procédures de nomination des juges et de l’indépendance du ministère public. Dans de nombreux États membres, une attention particulière a également été accordée à l’intégrité et à la responsabilité des juges et des procureurs, ainsi qu’aux progrès réalisés dans le passage au numérique. Les professions juridiques jouent un rôle fondamental dans la protection des droits fondamentaux et le renforcement de l’État de droit. Un système judiciaire efficace exige que les avocats soient libres d’exercer leurs activités de conseil et de représentation de leurs clients et que les barreaux contribuent dans une mesure importante à garantir l’indépendance et l’intégrité professionnelle des avocats.
Presque tous les États membres restent engagés dans des réformes de la justice, ce qui témoigne de la grande importance politique de ce sujet. Les chapitres par pays montrent que les objectifs, la portée, la forme et l’état de mise en œuvre de ces réformes varient. L’organisation des systèmes judiciaires relève de la compétence des États membres et les juridictions nationales agissent également en tant que juridictions de l’UE lorsqu’elles appliquent le droit de l’Union. Dans le cadre de la réforme de leur système judiciaire, les États membres sont tenus de respecter les exigences fixées par le droit de l’Union et la jurisprudence de la CJUE, garantissant ainsi l’effectivité des droits énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Depuis le premier rapport sur l’état de droit, la CJUE a réaffirmé, dans plusieurs arrêts, l’importance capitale d’une protection juridictionnelle effective pour le respect de l’état de droit et des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée.
Perception de l’indépendance de la justice dans l’ensemble de l’UE
Selon le tableau de bord de la justice dans l’UE, les enquêtes Eurobaromètre menées en 2021 auprès du grand public et des entreprises montrent que, par rapport à 2020, les mêmes États membres continuent de se regrouper autour du haut et du bas de l’échelle de l’indépendance perçue de la justice. Parmi le grand public, en Autriche, en Finlande, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg, le niveau perçu d’indépendance de la justice reste très élevé (supérieur à 75 %), tandis qu’en Croatie, en Pologne et en Slovaquie, le niveau perçu d’indépendance de la justice reste très faible (inférieur à 30 %).
Conseils de la magistrature et procédures de nomination des juges en tant que garanties essentielles pour l’indépendance de la justice
Le rapport 2020 sur l’état de droit constatait que, dans un certain nombre d’États membres, des mesures étaient en cours pour renforcer l’indépendance de la justice et réduire l’influence des pouvoirs législatif et exécutif sur le système judiciaire. Le rôle important des conseils de la magistrature dans la préservation de l’indépendance de la justice est de plus en plus reconnu. Les nouveaux conseils de la magistrature établis en
Irlande
et en
Finlande
sont désormais opérationnels. Au
Luxembourg
, la proposition visant à mettre en place un Conseil de la magistrature indépendant progresse et des consultations sont en cours, notamment en ce qui concerne la manière d’adapter la composition du Conseil aux recommandations du Conseil de l’Europe. En
Suède
, la commission d’enquête sur le renforcement de la «protection de la démocratie et de l’indépendance du pouvoir judiciaire» poursuit ses travaux et a l’intention de proposer des réformes législatives et constitutionnelles en 2023.
Dans d’autres États membres, des réformes visant à renforcer les conseils de la magistrature existants sont en cours ou ont été achevées. Par exemple, en
Slovaquie
, les réformes ont apporté des modifications à la méthode de nomination et de révocation des membres du Conseil de la magistrature et ont étendu les pouvoirs du Conseil. En
Italie
, des réformes de la procédure d’élection des juges au Conseil supérieur de la magistrature visant à renforcer son indépendance sont en cours d’examen au Parlement. À
Chypre
, des réformes sont en cours pour améliorer la représentativité des membres du Conseil de la magistrature. Aux
Pays-Bas
, les débats se sont poursuivis en ce qui concerne la révision de la procédure de nomination des membres du Conseil, afin de renforcer son indépendance par rapport à l’exécutif. En
France
, une réforme visant à renforcer l’indépendance du Conseil avait été envisagée mais n’a pas progressé sur la voie de l’adoption. En
Bulgarie
, une réforme du Conseil, qui s’inscrivait dans le cadre d’une réforme constitutionnelle plus complète, n’a pas été approuvée par le Parlement. Le Conseil de l’Europe a établi des normes concernant la composition et les compétences des conseils de la magistrature, qui peuvent constituer un guide important lorsque des réformes sont entreprises.
La méthode de nomination des juges est susceptible d’avoir une incidence majeure sur l’indépendance de la justice et la perception de l’indépendance par le public. La CJUE a précisé que, en vertu du droit de l’Union, afin de garantir l’indépendance de la justice, les conditions de fond et les règles de procédure régissant la nomination des juges doivent exclure la présence de doutes raisonnables quant à l’imperméabilité des juges concernés à l’égard de facteurs externes et quant à leur neutralité en tant que juges
. Depuis le dernier rapport, les réformes visant à renforcer les procédures de nomination des juges se sont poursuivies dans plusieurs États membres. Par exemple, la
Tchéquie
a adopté un nouveau système transparent et uniforme de nomination des nouveaux juges et présidents de tribunaux. En
Lettonie
, les nouvelles procédures de nomination mises en place l’an dernier sont désormais mises en œuvre et appliquées. À
Malte
, les réformes globales de 2020 sont désormais en place et appliquées et ont contribué à renforcer l’indépendance de la justice.
Les réformes des procédures de nomination, notamment pour les postes de haut niveau dans le système judiciaire, ont suscité d’importants débats au niveau national. En
Irlande
, par exemple, un projet de loi visant à réformer le système des nominations et promotions judiciaires atténue les préoccupations antérieures, mais la réforme laisserait encore beaucoup de latitude au gouvernement. En
Allemagne
, après que des critiques ont été émises, des discussions sont en cours sur les critères de sélection des juges présidant les tribunaux fédéraux. À
Chypre
, le Parlement poursuit l’examen d’un projet de loi sur les procédures de nomination des juges et des présidents des nouvelles Cour constitutionnelle et Haute Cour proposées. En
Autriche
, la participation limitée du pouvoir judiciaire à la nomination des présidents et vice-présidents des tribunaux administratifs continue de susciter certaines inquiétudes.
Renforcer l’autonomie et l’indépendance des ministères publics
Bien qu’il n’existe pas de modèle unique dans l’UE pour la structure institutionnelle du ministère public, des garanties institutionnelles peuvent contribuer à faire en sorte que le ministère public soit suffisamment indépendant et exempt de pressions politiques intempestives. L’indépendance du ministère public a des implications importantes pour la capacité à lutter contre la criminalité et la corruption. À
Chypre
, la restructuration du ministère public est en cours de mise en œuvre avec la création de directions distinctes et autonomes afin de rendre plus efficace la séparation des deux principales fonctions du procureur général. En
Autriche
, une réforme visant à créer un parquet fédéral indépendant est en cours d’élaboration. Au
Luxembourg
, des propositions ont été présentées pour limiter la possibilité pour l’exécutif de donner des instructions dans des cas individuels.
Au
Portugal
, le régime des instructions hiérarchiques aux procureurs fait l’objet d’un contrôle juridictionnel à la suite des préoccupations exprimées par les procureurs quant à l’ingérence dans leur autonomie interne. En
Espagne
, des questions subsistent en ce qui concerne le système de nomination du procureur général. Il n’y a pas eu de changement en
Pologne
, où le double rôle du ministre de la justice, qui est également le procureur général, continue de susciter des inquiétudes. En
Hongrie
, bien que l’indépendance du ministère public soit consacrée par la loi, aucun changement n’a été enregistré quant aux problèmes liés à certaines caractéristiques du ministère public présentant des garanties insuffisantes contre l’influence politique.
Garantir l’obligation de rendre des comptes dans le système judiciaire et préserver l’indépendance de la justice dans les procédures disciplinaires
Un certain nombre d’États membres ont renforcé le cadre d’intégrité des juges et des procureurs. En
Belgique
, le cadre d’intégrité a été renforcé par l’application de principes éthiques généraux à toutes les catégories de membres du pouvoir judiciaire, ainsi que par une formation en matière de déontologie pour les juges ordinaires et non professionnels. En
Autriche
, un système complet de gestion de la conformité est mis en œuvre pour les tribunaux et les ministères publics, et en
Lettonie
, un nouveau code de déontologie à l’intention des juges a été adopté. En
Lituanie
et en
Italie
, des initiatives visant à renforcer les règles en matière d’intégrité sont en cours, qui prévoient l’introduction de mesures relatives aux déclarations de patrimoine. De telles initiatives sont susceptibles de contribuer à renforcer la confiance du public dans le système judiciaire. Au
Portugal
, en
Croatie
, en
Slovaquie
, et en
Italie
, les autorités judiciaires, dont les conseils de la magistrature, ont pris des mesures importantes afin de répondre aux allégations de violation du code de déontologie judiciaire, de faute disciplinaire ou de corruption au sein du système judiciaire.
Des réformes visant à renforcer les garanties d’indépendance de la justice dans les procédures disciplinaires sont en cours dans un certain nombre d’États membres. En
France
, une réflexion a débuté sur d’éventuelles réformes de la responsabilité et de la protection des magistrats, tandis qu’une réforme plus large du régime disciplinaire visant à améliorer l’indépendance de la justice est en cours d’examen. En
Irlande
, des travaux sont en cours pour mettre en place un régime disciplinaire pour les juges mais le Parlement reste chargé de révoquer les juges. En
Slovénie
, le pouvoir judiciaire a entamé des discussions sur l’amélioration du cadre des procédures disciplinaires. En
Tchéquie
, un projet de loi introduisant la possibilité d’un réexamen dans le cadre des procédures disciplinaires est en cours d’examen au Parlement. À
Malte
, la réforme de 2020 de la procédure de révocation des magistrats et des juges prévoit des garanties supplémentaires.
L’indépendance de la justice reste un sujet de préoccupation dans certains États membres
L’intensité et la portée des problèmes relatifs à l’indépendance de la justice varient. Dans quelques États membres, des problèmes structurels majeurs existent et se sont aggravés tandis que, dans d’autres, des problèmes de moindre ampleur doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Dans quelques États membres, la réforme est allée dans le sens d’une baisse des garanties d’indépendance de la justice. Ces changements ont suscité de sérieux problèmes, qui se sont aggravés dans certains cas, car ils ont entraîné une influence croissante du pouvoir exécutif et législatif sur le fonctionnement du système judiciaire. Les réformes des procédures disciplinaires et de la responsabilité des juges soulèvent des préoccupations particulières. En réaction à ces évolutions, des juges nationaux ont saisi la CJUE à titre préjudiciel. En
Pologne
, les réformes, notamment les nouveaux développements, continuent de susciter de vives inquiétudes, comme indiqué en 2020. En particulier, l’indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême ne peut être garantie, mais elle continue à prendre des décisions ayant une incidence directe sur les juges et sur la manière dont ils exercent leurs fonctions, ce qui crée un «effet dissuasif» pour les juges. En outre, les préoccupations concernant l’indépendance et la légitimité du Tribunal constitutionnel demeurent toujours, comme l’a confirmé la Cour européenne des droits de l’homme dans sa conclusion selon laquelle la composition d’une formation du Tribunal constitutionnel ne satisfaisait pas à l’exigence d’un «tribunal établi par la loi». En
Hongrie
, le changement continue de tendre vers une réduction des garanties existantes. Le système judiciaire a fait l’objet de nouveaux développements, par exemple en ce qui concerne la nomination du nouveau président de la Cour suprême (Kúria), qui s’ajoutent aux préoccupations existantes en matière d’indépendance de la justice, exprimées également dans le cadre de la procédure engagée par le Parlement européen au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE.
D’autre part, en
Roumanie
, des mesures sont prises pour remédier aux changements adoptés entre 2017 et 2019, qui ont eu une incidence négative sur l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption. Certaines de ces réformes ont été examinées dans une décision préjudicielle de la CJUE, qui définit les critères à respecter pour garantir le respect du droit de l’Union. Des modifications législatives sont en cours pour remédier à ces problèmes.
Des problèmes en matière d’indépendance de la justice subsistent dans d’autres États membres. En
Bulgarie
, la composition et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature et de l’inspection du Conseil supérieur de la magistrature continuent de susciter des inquiétudes. Une nouvelle loi visant à traiter la question ancienne de l’obligation de rendre des comptes et de l’absence de responsabilité pénale effective du procureur général a été déclarée anticonstitutionnelle. La question n’est donc toujours pas résolue, ce qui a des conséquences sur l’influence du poste de procureur général sur le système judiciaire. En
Slovaquie
, des mesures importantes ont été prises dans le domaine législatif et dans le domaine de la lutte contre la corruption au sein du système judiciaire afin de renforcer l’intégrité et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Toutefois, d’importants problèmes subsistent, notamment en ce qui concerne les incidences éventuelles de certaines réformes sur l’indépendance de la justice, telles que la réforme de la procédure de révocation des membres du Conseil de la magistrature et le nouveau régime de responsabilité pénale des juges.
Les attaques politiques contre le pouvoir judiciaire et les tentatives répétées de porter atteinte à la réputation des juges se poursuivent dans certains États membres. Il arrive que ces attaques visent des juges et des procureurs qui ont pris des positions publiques ou qui ont introduit des saisines judiciaires contre les réformes judiciaires qu’ils considéraient comme ayant des conséquences négatives sur l’indépendance de la justice. De telles attaques peuvent avoir un effet dissuasif sur les juges et les procureurs et nuire à la confiance du public dans le système judiciaire.
Les tensions relatives à l’indépendance de la justice prennent également la forme d’impasses, de retards et de débats publics divisés en ce qui concerne les nominations à des postes élevés dans le système judiciaire. En
Croatie
, le processus de nomination du nouveau président de la Cour suprême en cours a donné lieu à des controverses marquées par des déclarations publiques dénigrantes répétées à l’encontre des juges. En
Slovénie
, les nominations des procureurs de l’État accusent un retard injustifié et l’absence de nomination en temps utile de procureurs européens délégués suscite des inquiétudes. En
Espagne
, le Conseil de la magistrature exerce ses fonctions par intérim depuis décembre 2018, ce qui nourrit les inquiétudes quant au fait qu’il pourrait être perçu comme vulnérable à la politisation. En
Lituanie
, la nomination d’un nouveau président de la Cour suprême est en suspens depuis septembre 2019 et le président en exercice reste en fonction par intérim.
Investir dans la justice et dans la numérisation
La pandémie de COVID-19 a perturbé le fonctionnement des systèmes judiciaires nationaux et l’activité des tribunaux. En particulier, des interruptions ou des retards dans le traitement des affaires et des procédures judiciaires ont eu lieu lors de la première phase de la pandémie, lesquels ont entraîné d’importants retards supplémentaires au sein des tribunaux d’un certain nombre d’États membres. Malgré les mesures prises par les États membres et les autorités judiciaires pour aider les systèmes judiciaires à s’adapter, la pandémie a mis en évidence leur vulnérabilité face aux perturbations créées par une situation d’urgence. Le traitement des enquêtes et des procédures pénales en audience durant la pandémie a posé des difficultés dans de nombreux États membres, notamment pour veiller à ce que les droits des suspects et des inculpés, ainsi que les droits des victimes, soient pleinement respectés et que tous les témoins soient entendus, sans créer de retards excessifs. Les restrictions limitant la liberté de circulation et l’accès aux locaux ont constitué un défi supplémentaire pour le travail des procureurs et de la police.
D’une manière générale, dans les États membres où le niveau de numérisation était déjà élevé et où des règles de procédure et des garanties appropriées étaient en place, les systèmes judiciaires ont fonctionné plus efficacement et le risque de retards a été atténué. En
Estonie
, par exemple, la numérisation avancée du système judiciaire, notamment la création d’une salle de justice virtuelle spécifique, a été un facteur déterminant pour garantir la résilience du système judiciaire. En
Hongrie
, le niveau élevé de numérisation des procédures dans les affaires civiles, commerciales et administratives et dans les affaires pénales a permis au système judiciaire de s’adapter. En
Finlande
, l’administration judiciaire nationale a veillé particulièrement à fournir des orientations et une assistance technique relatives aux possibilités existantes telles que les connexions à distance lors des procès.
La pandémie a entraîné une réelle prise de conscience de l’urgence de procéder à la numérisation des systèmes judiciaires
et elle a suscité un vif intérêt pour les enseignements tirés des meilleures pratiques. Des initiatives visant à permettre la communication électronique entre les juridictions et les utilisateurs des tribunaux ont été lancées dans de nombreux États membres. En
Belgique
, le programme du gouvernement fédéral comprend des initiatives ambitieuses visant à améliorer la numérisation du système judiciaire d’ici à 2025. En
France
, des projets globaux visant à numériser tous les domaines de la justice progressent, notamment la création d’un bureau pénal numérique, qui constituera un point d’accès unique pour les procédures pénales, et la possibilité d’introduire des recours en ligne dans certains domaines du contentieux ainsi que de demander une aide juridique. Au
Danemark
, une nouvelle base de données améliorera l’accès en ligne aux décisions de justice. Parmi les projets en cours en
Espagne
on peut citer la création d’un outil informatique permettant de transformer automatiquement en texte les enregistrements d’audiences et d’auditions. Aux
Pays-Bas
, le pouvoir judiciaire et le ministère public élaborent conjointement un plan numérique pour la justice pénale. Le renforcement de la résilience des systèmes judiciaires grâce à des réformes structurelles et à la numérisation est une priorité de la facilité pour la reprise et la résilience, et un certain nombre d’États membres ont intégré ces éléments dans leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience.
L’efficacité des systèmes de justice repose sur des ressources humaines et financières adéquates. Les systèmes judiciaires à
Malte
, en
Belgique
, en
Italie
, en
Grèce
, au
Portugal
et à
Chypre
présentent toujours d’importants problèmes d’efficacité. Il est indispensable d’investir dans les ressources humaines et financières et dans la numérisation du système judiciaire, ainsi que de s’attaquer aux obstacles structurels, pour améliorer de manière significative l’efficacité des systèmes judiciaires et l’efficacité de la protection judiciaire.
3.2 Cadre de lutte contre la corruption
La lutte contre la corruption est fondamentale pour garantir l’état de droit et préserver la confiance des citoyens dans les institutions publiques. La présente section porte sur les différentes étapes de l'action des États pour lutter contre la corruption, sur les stratégies de lutte contre la corruption, sur la capacité du système judiciaire pénal de combattre la corruption et sur les mesures mises en place par les États membres pour prévenir la corruption.
La perception de la corruption dans l’UE
L'indice de perception de la corruption (IPC) 2020 montre que les États membres de l'Union européenne continuent d'obtenir des résultats qui sont parmi les meilleurs au monde. Dix États membres figurent parmi les vingt pays considérés comme les moins corrompus au monde. Six États membres (le Danemark, la Finlande, la Suède, les Pays-Bas, l'Allemagne et le Luxembourg) obtiennent un résultat supérieur à 80/100 dans l'indice, et cinq autres (l'Autriche, la Belgique, l'Estonie, l'Irlande et la France) obtiennent un résultat supérieur à 69/100. Certains États membres (l'Espagne, l'Italie et la Grèce), bien qu'ils restent sous la moyenne de l'UE (63/100), ont amélioré leur résultat au cours des cinq dernières années. D'autres ont enregistré une détérioration significative des niveaux de corruption perçue (la Pologne, Malte et la Hongrie).
Les stratégies nationales de lutte contre la corruption doivent donner des résultats tangibles
Un cadre stratégique de lutte contre la corruption permet de traduire les engagements politiques en actions concrètes et contribue à combler les lacunes législatives ou institutionnelles de façon cohérente, globale et coordonnée. Des objectifs clairs et mesurables, des ressources budgétaires suffisantes, des évaluations régulières et des responsabilités bien définies confiées à des institutions spécialisées, ainsi qu'un engagement fort des acteurs concernés, sont autant d'éléments importants pour que de telles stratégies soient efficacement mises en œuvre et produisent des résultats tangibles.
Depuis septembre 2020, la
Finlande
et la
Suède
ont adopté pour la première fois des stratégies ou des plans d'action de lutte contre la corruption, et une proposition du gouvernement en vue d'une telle stratégie doit être approuvée par le parlement au
Portugal
. La
Bulgarie
, la
Tchéquie
, l'
Estonie
, la
Lituanie
et
Malte
ont révisé leurs stratégies existantes et les plans d'action qui les accompagnent, et en
Croatie
, en
Allemagne
, en
Grèce
et en
Lettonie
, le processus de révision est en cours. La
Roumanie
a réalisé une évaluation interne et un audit externe, et prépare une nouvelle stratégie de lutte contre la corruption pour la période 2021-2025.
En
Hongrie
, le programme de lutte contre la corruption se limite à la promotion de l'intégrité dans le service public, sans prendre en compte d'autres domaines à risque. Dans d'autres États membres, des stratégies sont certes prévues, mais leur mise en œuvre a pris du retard. C'est le cas, par exemple, en
Tchéquie
, où plusieurs initiatives-clés de réforme dans le domaine de la prévention de la corruption n'ont pas encore été adoptées.
Réformes visant à renforcer la capacité de lutte contre la corruption
La plupart des États membres ont adopté des mesures législatives ambitieuses qui fournissent au système de justice pénale des outils pour combattre la corruption sous toutes ses formes. Plusieurs États membres ont poursuivi leurs efforts pour combler les lacunes et pour mettre leurs cadres de lutte contre la corruption en conformité avec les normes internationales et la législation de l'Union en la matière. Par exemple, la
Slovaquie
a complété son cadre juridique pénal avec l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur la saisie des avoirs, qui crée également de nouvelles infractions pénales telles que le délit consistant à accepter ou à proposer des avantages injustifiés ou indus. L'
Italie
a introduit des sanctions plus strictes en matière de fraude et a élargi le champ d’application personnel de la corruption internationale. La
Hongrie
a adopté des mesures législatives de lutte contre la corruption active d'origine étrangère et de criminalisation des paiements informels dans les soins de santé. Des réformes de la législation pénale sur le plan matériel ou procédural sont en discussion dans d'autres États membres. La
Suède
révise ainsi actuellement ses délais de prescription pour tous les délits, notamment les délits de corruption, de sorte que des obstacles à la résolution efficace des affaires de corruption complexes pourraient être supprimés.
Des mesures visant à renforcer la capacité des autorités de lutter contre la corruption et à réduire les obstacles aux enquêtes et aux poursuites effectives ont été introduites dans certains États membres. La
Lituanie
a renforcé son unité de police spéciale chargée d'enquêter sur les affaires de corruption et d'apporter un soutien stratégique aux autorités grâce à des travaux d'analyse. À
Chypre
, les services du procureur général ont été considérablement renforcés pour poursuivre les délits financiers, et notamment la corruption. Le
Danemark
prépare la création d'une nouvelle unité nationale d'enquête en vue de mieux appréhender la criminalité grave, et notamment les affaires de corruption complexes. En
Slovénie
, des modifications législatives ont amélioré l'indépendance, l'organisation et le fonctionnement de la commission de prévention de la corruption.
Dans certains États membres, des changements structurels et organisationnels ont eu lieu ou sont envisagés. À
Malte
, le procureur général a pris en charge les poursuites contre certains délits graves, notamment la corruption à haut niveau, et une task force pour les délits financiers complexes a été créée. L'
Autriche
révise actuellement son système d'obligations déclaratives, qui est considéré comme induisant des charges et des retards inutiles ayant une incidence négative sur les enquêtes en matière de corruption.
Difficultés en matière d'enquêtes pénales, de poursuites et d'infliction de sanctions pour faits de corruption
De nouvelles affaires de corruption de grande envergure ou très complexes, dans lesquelles sont parfois impliqués des hauts fonctionnaires, ont été révélées dans divers États membres. Les efforts déployés par la
Slovaquie
pour réprimer la corruption ont été considérablement renforcés, ce qui a donné lieu à des enquêtes et des poursuites dans plusieurs affaires de corruption à haut niveau. En
Estonie
, une affaire en cours d'instruction a provoqué la démission de l'ancien gouvernement en janvier 2021. En
Tchéquie
, des enquêtes et des audits aux niveaux national et européen sur l’utilisation des fonds de l’UE ont récemment permis de mettre au jour des conflits d'intérêts au sommet de l'exécutif, et le Parquet européen a accepté d'ouvrir un dossier. En
Autriche
, les enquêtes sur la corruption politique à haut niveau se sont intensifiées à la suite de récents scandales politiques. En
Roumanie
, l'efficacité des enquêtes et des sanctions en matière de corruption à haut niveau s'est améliorée, même si des modifications du code pénal et du code de procédure pénale ainsi que de la législation judiciaire demeurent indispensables pour que la lutte contre la corruption soit effective.
Dans de nombreux États membres, l'insuffisance des ressources consacrées aux enquêtes sur la corruption et aux autorités chargées des poursuites a créé des difficultés particulières pour recruter ou retenir du personnel hautement spécialisé. Des problèmes de ressources humaines ont été signalés en
Lettonie
, avec des conséquences sur l'efficacité opérationnelle de certains parquets. La
Croatie
et le
Luxembourg
éprouvent des difficultés à recruter des candidats qualifiés. En
Espagne
, les autorités chargées des poursuites relèvent que l'insuffisance de ressources ralentit les enquêtes et les poursuites dans les affaires de corruption, et notamment les affaires de corruption à haut niveau, dont un grand nombre se trouvent au stade de l'instruction depuis plusieurs années. En
Slovaquie
et en
Pologne
, quelques cas ont été signalés dans lesquels des contraintes juridiques pour accéder à des données financières ont entravé les enquêtes.
Dans certains États membres, l’efficacité des enquêtes, des poursuites et des jugements dans les affaires de corruption à haut niveau continue de susciter des inquiétudes. L'
Italie
envisage des mesures destinées à accélérer les mises en accusation et le traitement judiciaire des affaires. En
Croatie
, les affaires de corruption à haut niveau font toujours l'objet de poursuites et d'enquêtes, mais en raison de la longueur des procédures, les condamnations sont souvent retardées. À
Malte
, si les services d'instruction et de répression ont amélioré leur capacité de traitement des affaires de corruption, le nombre de dossiers ouverts ayant augmenté, les enquêtes restent néanmoins longues et il n'existe pas encore de bilan des condamnations dans les affaires à haut niveau. En
Bulgarie
, malgré une intensification de l'activité d'instruction et le renforcement des ressources, les progrès dans les affaires de corruption à haut niveau restent lents et un bilan solide des condamnations définitives doit encore être établi. En
Hongrie
, le taux de mise en accusation pour des faits de corruption est élevé et quelques nouveaux dossiers à haut niveau dans lesquels sont impliqués des hommes ou des femmes politiques ont été ouverts depuis 2020, mais le bilan des enquêtes à la suite d'allégations contre des hauts fonctionnaires et leur entourage immédiat demeure limité.
Renforcement du cadre relatif à la prévention de la corruption et à l’intégrité
Le rapport sur l’état de droit de 2020 a fait apparaître que de nombreux États membres avaient pris des mesures pour renforcer les cadres relatifs à la prévention de la corruption et à l'intégrité, et nombreux sont ceux qui ont poursuivi ces efforts.
-Prévenir les conflits d’intérêts et promouvoir l'intégrité dans les institutions publiques
Dans certains États membres, le cadre relatif à l'intégrité a été complété par des codes de conduite à l'intention des parlementaires, comme en
Espagne
, ou par des règles plus claires ou codifiées sur les cadeaux, les conflits d'intérêts et les incompatibilités pour les hauts fonctionnaires, par exemple en
Finlande
, en
Italie
et au
Portugal
. De plus, certains États membres, comme la
Belgique
,
Chypre
, les
Pays-Bas
et
Malte
, ont lancé des programmes d'intégrité et de sélection ou créé des entités de surveillance dans les services répressifs qui contribuent à renforcer l'intégrité dans les services de police.
-Représentation d'intérêts et pantouflage
La représentation d'intérêts est un acte légitime de participation à la vie politique. Elle doit s'accompagner d'exigences strictes de transparence et d'intégrité pour garantir que la prise de décision est responsable et inclusive. Certains États membres ont révisé leurs cadres afin d'accroître la transparence et d’améliorer l'accès à l’information sur la représentation d'intérêts. L'
Allemagne
, par exemple, a adopté une nouvelle loi en vue d'introduire un registre électronique de la représentation d'intérêts au niveau fédéral. De nouvelles règles sont entrées en vigueur en
Lituanie
; elles prévoient un mécanisme de déclarations croisées dans lequel les représentants d'intérêts, le personnel politique et les fonctionnaires doivent déclarer leurs réunions dans un registre ad hoc. En
Espagne
, les discussions sur la création d'un registre de transparence se poursuivent. Des lignes directrices non contraignantes sur la représentation d'intérêts et les conflits d'intérêts ont été adoptées en
Estonie
. En
Tchéquie
, l'adoption d'un nouveau projet de législation sur la représentation d'intérêts n'a pas encore abouti.
Autre domaine faisant l'objet d'un contrôle public dans de nombreux États membres: la réglementation du «pantouflage» entre les secteurs public et privé, et l'application effective des règles en la matière. L'instauration de restrictions plus fortes en cas de changement d'emploi, notamment des périodes d'attente, est en discussion, par exemple en
Finlande
et en
Italie
. La
France
a récemment modifié sa législation en vue de faire relever le pantouflage de la compétence de l'agence chargée de la transparence et de l’intégrité dans la vie publique. De nouvelles règles instaurant des périodes d'attente relativement longues et des sanctions dissuasives en cas de non-respect ont été récemment introduites au
Portugal
, mais elles doivent encore faire l'objet d'un suivi et d'une application effective.
-Déclarations de patrimoine et d’intérêts
Tous les États membres disposent de règles permettant de soumettre certaines catégories d'agents du secteur public à des obligations de déclaration de leur situation patrimoniale et de leurs intérêts. Ces obligations varient toutefois par l'étendue, la transparence et l'accessibilité des informations communiquées, ou par le système utilisé pour vérifier et garantir le respect des règles. Des réformes récemment adoptées dans plusieurs États membres visent à améliorer le système. L'
Estonie
a étendu aux conseillers politiques des ministres la liste des personnes tenues de déposer une déclaration d'intérêts financiers, et la
Croatie
a rendu publiquement accessibles les déclarations de patrimoine des juges et des procureurs. Le
Portugal
a instauré des obligations de publier en ligne des déclarations de patrimoine complètes et agrégées. En
Lituanie
, un nouveau registre, désormais opérationnel, permet de relier les informations figurant dans les déclarations d'intérêt à plusieurs autres registres nationaux. Enfin, d'autres États membres qui avaient introduit des réformes auparavant établissent un bilan du suivi et des vérifications. En
France
, les autorités compétentes effectuent des contrôles systématiques et réguliers, dont certains donnent lieu à la transmission au parquet pour d'éventuelles suites pénales. En
Roumanie
, la présentation électronique de déclarations de patrimoine et d'intérêts est opérationnelle depuis avril 2021 et devrait encore faciliter les activités de vérification.
Des lacunes subsistent dans certains États membres. En
Belgique
, les déclarations ne sont pas publiées et leur exactitude n'est pas vérifiée; elles ne sont accessibles qu'aux juges d'instruction dans le cadre d'enquêtes pénales. En
Grèce
, les déclarations des fonctionnaires et des députés sont certes rendues publiques, mais on constate des retards et les données pouvant être publiées demeurent limitées. En
Hongrie
, bien qu'il existe des obligations de déclaration étendues, des préoccupations subsistent en ce qui concerne l'absence de vérification systématique et le caractère insuffisant du suivi des déclarations de patrimoine et d'intérêts, et des soupçons d'enrichissement indu ne donnent lieu à une vérification par les autorités fiscales que si les autorités judiciaires ont ouvert une instruction pénale. En
Slovénie
, les catégories d'agents du service public soumis à des obligations de déclaration sont certes de plus en plus nombreuses, mais les ressources consacrées au suivi et à la vérification n'ont pas augmenté au même rythme. Une pénurie d'effectifs est toujours à déplorer aussi à la commission pour la résolution des conflits d’intérêts en
Croatie
.
-Protection des lanceurs d’alerte
Dans le contexte de la transposition de la directive de l'UE de 2019 sur la protection des lanceurs d'alerte, les États membres s'emploient à réviser la législation nationale existante ou à introduire de nouvelles règles. Certains États membres ont rationalisé le cadre institutionnel pour le traitement des signalements effectués par des lanceurs d'alerte. C'est le cas en
Slovaquie
, où le parlement a désigné le dirigeant d'un nouvel office indépendant de protection des lanceurs d'alerte dont les activités couvrent le secteur privé comme le secteur public. Aux
Pays-Bas
, à la suite d'une évaluation, la loi relative à l'autorité chargée des lanceurs d'alerte sera modifiée en vue de renforcer la protection des lanceurs d'alerte.
-Financement des partis politiques
Le financement des partis politiques est susceptible d'être exploité à des fins de corruption, aussi la transparence et une réglementation rigoureuse constituent-ils des facteurs importants à cet égard. Des réformes en vue d'accroître la transparence et le contrôle du financement des partis politiques ont été mises en œuvre ou sont en cours d'examen dans plusieurs États membres. Au
Luxembourg
, la réglementation relative au financement des partis politiques a été révisée dans le but d'accroître la transparence. En
Finlande
, un groupe de travail parlementaire planche sur l'évolution de la législation en la matière. En
Tchéquie
, une analyse plus approfondie du système de financement des partis est envisagée, afin d'identifier les lacunes législatives et les défis pratiques. Aux
Pays-Bas
, des propositions législatives actuellement examinées au parlement visent à protéger le fonctionnement et l'organisation des partis politiques contre les ingérences étrangères.
Neutraliser l'incidence de la pandémie sur la lutte contre la corruption
Dans certains États membres, la pandémie de COVID-19 a ralenti le rythme des réformes ou les jugements dans les affaires de corruption parce que les autorités ont été confrontées à la nécessité absolue de répondre à l'urgence sanitaire. Le GRECO a recommandé de rationaliser les mesures de lutte contre la corruption dans les processus liés à la pandémie, notamment l'affectation et le versement de fonds pour la relance, les mesures législatives d'urgence et les soins médicaux. Parallèlement, la Commission et le Conseil ont souligné qu'il était important de poursuivre la lutte contre la corruption. De la même manière, l'OCDE a mis en garde contre le fait que les violations de l'intégrité et les pratiques de corruption étaient susceptibles de fragiliser la relance, et elle a souligné en particulier la nécessité de s'attaquer aux risques immédiats en matière de marchés publics liés à l'urgence, et d'intégrer aux mesures de relance des évaluations des risques dans le cadre de la lutte contre la corruption.
Il s'avère que les risques de corruption ont augmenté pendant la pandémie, notamment du fait du recours accru à des procédures accélérées de passation de marchés publics, qui ont donné lieu à des attributions directes ou à l'absence de mise en concurrence. Ces circonstances exceptionnelles ont incité les autorités d'audit et de contrôle de plusieurs États membres, par exemple
Chypre
, le
Portugal
, la
France
, l'
Italie
et la
Lituanie
, à publier des lignes directrices pour contrer ces risques ou à effectuer des audits ciblés, comme en
Autriche
ou en
Roumanie
.
3.3 Pluralisme et liberté des médias
Le pluralisme et la liberté des médias sont des vecteurs essentiels de la primauté du droit, de la responsabilité démocratique et de la lutte contre la corruption. Les États membres ont l’obligation de garantir un environnement favorable aux journalistes, de protéger leur sécurité et de promouvoir la liberté et le pluralisme des médias. La présente section met l’accent sur les domaines dans lesquels décisions politiques et stratégies peuvent avoir des conséquences importantes sur la capacité des médias à jouer leur rôle.
L’instrument de surveillance du pluralisme des médias
L’instrument de surveillance du pluralisme des médias évalue les risques pesant sur la liberté et le pluralisme des médias dans tous les États membres, en mettant l’accent sur quatre domaines, à savoir la protection fondamentale de la liberté des médias, la pluralité du marché, l’indépendance politique et l’inclusion sociale des médias. Les derniers rapports de l’instrument de surveillance (MPM 2021) font état d’une détérioration de la situation par rapport au MPM 2020 pour trois indicateurs clefs: liberté d’expression, protection du droit à l’information et de la profession de journaliste et protection des journalistes. Une fois de plus, la réponse apportée par plusieurs gouvernements à la pandémie de COVID-19 a eu une incidence sur ce résultat. Si les résultats confirment que tous les régulateurs des médias ne sauraient être considérés comme soustraits à toute influence, tant en ce qui concerne le mode de nomination de leur conseil d’administration que l’exercice de leurs compétences, on observe toutefois une légère amélioration. La transparence en matière de propriété des médias continue de présenter en général un risque moyen dans les États membres, en raison d’un manque d’efficacité des dispositions juridiques et du fait que les informations sont fournies uniquement aux organismes publics, mais pas au public lui-même. Comme énoncé dans les chapitres par pays, pour un certain nombre de raisons, l’indépendance politique des médias est considérée comme un domaine à haut risque dans les six mêmes États membres que ceux répertoriés dans le MPM 2020.
Réformes entreprises pour renforcer l’indépendance des régulateurs des médias
Les autorités nationales de régulation des médias jouent un rôle déterminant pour ce qui est de préserver et de faire respecter le pluralisme des médias. Ainsi qu’il était souligné dans le rapport 2020 sur l’état de droit, lors de la mise en œuvre de la réglementation propre aux médias et de la prise de décisions en matière de politique des médias, leur indépendance par rapport aux intérêts économiques et politiques a une incidence directe sur la pluralité du marché et sur l’indépendance politique de l’environnement médiatique. Tous les États membres disposent d’une législation précisant les attributions et l’indépendance des régulateurs des médias. La directive «Services de médias audiovisuels» (directive SMA)
comprend des exigences spécifiques qui renforcent l’indépendance des autorités nationales de régulation des médias. Depuis la publication du premier rapport, dans le contexte de la transposition de la directive, certains États membres, tels que la
Belgique
, la
Bulgarie
, la
Grèce
, la
Lettonie
, le
Luxembourg
et la
Suède
, ont introduit dans leur législation de nouvelles lois visant à renforcer encore l’indépendance de leurs régulateurs des médias. D’autres États membres (
République tchèque
,
Chypre
,
Estonie
,
France
et
Pologne
) ont annoncé qu’ils allaient élaborer de telles lois ou étaient en train de les élaborer.
Des préoccupations subsistent en ce qui concerne l’indépendance fonctionnelle et l’efficacité de certains régulateurs. Ainsi, en
Roumanie
l’action du régulateur a été entravée par le fait qu’aucun nouveau membre n’a été nommé à l’expiration de plusieurs mandats, en raison de ressources insuffisantes. En
Espagne
et en
Slovénie
, des inquiétudes ont également été exprimées quant au caractère adéquat des ressources mises à la disposition du régulateur. L’influence du pouvoir politique sur le processus de nomination ou l’absence de garde-fous contre l’ingérence politique restent autant de sujets de préoccupation dans certains États membres, malgré l’indépendance officielle inscrite dans la loi. Il en va ainsi de certains États membres, tels que la
Croatie
,
Malte
, la
Slovaquie
et la
Hongrie
.
Améliorations et obstacles liés à la transparence quant à la propriété des médias
La transparence en matière de propriété des médias est un préalable essentiel à toute analyse fiable de la pluralité des marchés des médias et pour permettre au public d’évaluer les informations et les opinions que diffusent les médias. Les normes internationales et le droit de l’UE encouragent les États membres à adopter des mesures particulières dans ce domaine. Depuis le dernier rapport, une nouvelle législation visant à renforcer la transparence en matière de propriété des médias et la divulgation au public des informations relatives à la propriété des médias a été adoptée en
Grèce
. En
Finlande
, une nouvelle législation spécifique oblige les prestataires de services de médias à mettre à la disposition du public des informations relatives à leur structure de propriété. Dans plusieurs autres États membres, des lois visant à renforcer la transparence quant à la propriété des médias sont en phase de préparation, tandis que dans de rares États membres l’accessibilité des informations a été renforcée. Ainsi, l’
Irlande
a mis en place une base de données consultable concernant les informations relatives à la propriété des médias, facilitant la supervision publique.
La Lituanie
élabore un système d’informations accessible au public destiné à divulguer des informations relatives à la propriété des médias, puis, progressivement, aux recettes découlant de la publicité publique.
Des inquiétudes existent quant à l’absence de transparence des structures de propriété finale dans plusieurs États membres, due en particulier à des problèmes pratiques d’identification des propriétaires finaux.
La Slovénie
a des dispositions particulières en matière de transparence, mais des préoccupations subsistent, étant donné que les bénéficiaires effectifs ne sont pas toujours identifiables dans le registre des médias.
La République tchèque
a adopté une législation garantissant l’accès du public à un nombre restreint d’informations relatives à la propriété concernant toutes les entreprises, médias compris, au moyen d’un registre; des préoccupations subsistent toutefois quant au fait que le système n’oblige par les entreprises du secteur des médias à divulguer leur structure de propriété complète. L’absence de transparence quant à la propriété des médias demeure une source d’inquiétude en
Bulgarie
, les données sur la propriété des médias n’étant toujours pas totalement accessibles au public.
Risques pour la transparence et la répartition équitable de la publicité publique
Des règles transparentes et des critères équitables réduisent le risque de favoritisme dans la répartition de la publicité publique. L’absence de telles règles accroît le risque de voir des fonds publics alloués à certains médias de manière biaisée et permettent qu’une influence politique indirecte soit exercée sur les médias, ce qui a pour effet de saper leur indépendance.
Le rapport de 2020 avait noté l’absence de législation spécifique en la matière dans de nombreux États membres. C’est toujours le cas, même si, dans un certain nombre d’États membres, les autorités centrales ou locales ont continué d’affecter aux médias d’importants montants de recettes publicitaires. En
Autriche
, l’allocation d’importants montants de publicité publique aux médias n’a de cesse de susciter des interrogations quant à sa transparence et à son caractère équitable, ainsi qu’au manque d’attention accordée au pluralisme des médias. En
Croatie
, alors que la publicité publique est partiellement réglementée, des parties prenantes rapportent qu’elle sape régulièrement l’indépendance politique de médias économiquement dépendants de tels financements, notamment sur le plan local. En
Bulgarie
, le manque de garanties réglementaires d’une répartition équitable et transparente de la publicité publique vient s’ajouter aux préoccupations suscitées par le manque de transparence dans l’allocation de fonds publics aux médias. En
Hongrie
, la répartition de la publicité publique continue de permettre au gouvernement d’exercer une influence politique indirecte sur les médias, l’État étant le principal publicitaire du pays et l’essentiel des recettes allant aux entreprises du secteur des médias qui soutiennent le gouvernement. En
Pologne
, la publicité publique semble être principalement dirigée vers les entreprises du secteur des médias considérées comme favorables au gouvernement.
Pressions politiques et influence exercées sur les médias
Les vulnérabilités et les risques augmentent lorsque l’indépendance politique des médias est menacée, en l’absence de réglementation visant à lutter contre les ingérences politiques ou lorsque des règles permettent aux acteurs politiques de posséder des médias. Depuis la publication du dernier rapport, la pression politique exercée sur les médias a été manifeste dans un certain nombre de cas. En
République tchèque
, les controverses politiques ont continué de porter préjudice au conseil de surveillance de la télévision nationale. À
Malte
, où les deux principaux partis politiques possèdent chacun leur propre chaîne de télévision et leur propre station de radio, un pourvoi constitutionnel a été formé qui conteste la section correspondante de la loi sur la radiodiffusion maltaise et la façon dont les règles sont appliquées par le régulateur des médias. En
Slovénie
, des parties prenantes estiment que de possibles modifications dans le financement du service public de radiodiffusion et la pression exercée sur l’agence de presse nationale sont motivées politiquement. En
Pologne
, l’acquisition potentielle d’un important groupe de presse privé par une compagnie pétrolière publique fait peser une menace éventuelle sur le pluralisme du marché des médias. En
Bulgarie
, l’influence politique sur les médias continue d’être préoccupante, en raison notamment de l’absence de règles interdisant aux responsables et aux partis politiques de détenir des médias. En
Hongrie
, le Conseil des médias a adopté un certain nombre de décisions à la suite desquelles une des dernières stations de radio hongroises indépendantes a dû cesser d'émettre.
L’accès à l’information est un instrument essentiel pour les médias et la société civile et pour avoir la confiance du public
Le droit d’accès à l’information détenue par les autorités publiques est une condition préalable fondamentale pour permettre aux médias, à la société civile et aux citoyens en général de jouer leur rôle dans le débat démocratique et dans le contrôle des institutions publiques. Une nouvelle législation établissant le cadre et les conditions d’accès aux informations publiques est entrée en vigueur à
Chypre
en 2020, et plusieurs autres États membres prévoient d’introduire une législation complète sur l’accès à l’information (
Autriche
) ou de mettre en place des mécanismes de médiation pour le traitement des plaintes (
Pays-Bas
). Si l’accès à l’information est garanti par la loi dans tous les États membres, des obstacles pratiques subsistent bien souvent. En
Roumanie
, un suivi régulier assuré par les autorités nationales a révélé des différences sur le plan de la mise en œuvre par l’administration, ainsi qu’une prise en compte insuffisante du caractère prioritaire des mesures de transparence par les organismes publics, en particulier par les autorités locales. En
Croatie
, des lacunes ont été mises en exergue dans l’application des décisions du commissaire à l’information. Au
Luxembourg
, la lenteur des procédures d’accès aux documents officiels demeure préoccupante. Au
Danemark
, les restrictions actuelles appliquées au droit d’accès aux dossiers publics font l’objet d’un débat.
Protéger les journalistes des menaces et des attaques
Des affaires récentes, qui font actuellement l’objet d’enquêtes, notamment le meurtre du journaliste grec Giorgios Karaivaz, en avril 2021, et l’assassinat du journaliste néerlandais Peter R. de Vries, en juillet 2021, ont souligné la nécessité de régler la question de la sécurité des journalistes dans l’UE. De nombreux journalistes continuent d’être l’objet de menaces et d’attaques, surtout lorsqu’ils enquêtent sur des affaires criminelles ou de corruption. En
Slovaquie
, plusieurs personnes mêlées à l’assassinat, en 2018, du journaliste d’investigation Ján Kuciak et de sa fiancée ont été condamnées, tandis que le procès du cerveau présumé se poursuit. À
Malte
, l’enquête publique concernant l’assassinat de la journaliste d'investigation Daphne Caruana Galizia en 2017 a été menée à bien. Un certain nombre de développements sont survenus dans les procédures pénales liées à son meurtre.
En 2020, la plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes a enregistré le plus grand nombre d’alertes jamais atteint, soit une hausse de 40 % par rapport à 2019. En 2020, la plateforme Mapping Media Freedom (cartographie de la liberté des médias) a également enregistré 280 affaires de violation de la liberté des médias, touchant au total 908 personnes ou entités médiatiques dans 23 États membres. Entre autres violations, on citera des cas de harcèlement ou de violence psychologique, des menaces de poursuites judiciaires, des agressions physiques, des atteintes aux biens, des discours haineux, des campagnes de dénigrement et de la censure. Des agressions physiques ont été rapportées, en particulier dans le cadre de manifestations publiques en
France
, en
Allemagne
, en
Grèce
et en
Pologne
, au cours desquelles des journalistes ont été pris à partie par des manifestants, voire dans certains cas par des forces de police. Les menaces en ligne sont en progression dans toute l’UE, les femmes journalistes et les journalistes appartenant à une minorité étant particulièrement visés. Cette situation est particulièrement préoccupante lorsque ces attaques sont orchestrées par des responsables politiques ou de puissants personnages publics. En
Slovénie
, par exemple, un certain nombre d’affaires importantes ont concerné le harcèlement et les menaces en ligne perpétrés par des responsables politiques à l’encontre de journalistes. Au
Portugal
, une affaire de surveillance policière visant à rechercher les sources de journalistes et menée sans mandat judiciaire fait actuellement l’objet d’une enquête. En
Italie
, une alerte a récemment été lancée concernant la prétendue mise sous écoute téléphonique de plusieurs journalistes travaillant sur des questions liées à la migration, dans le cadre d’une enquête du ministère public sur les relations entre les ONG et les trafiquants d'êtres humains.
Des mécanismes apportant un soutien pratique aux journalistes ayant besoin d’aide existent dans plusieurs États membres. Aux
Pays-Bas
, le projet «PersVeilig», destiné à réduire les menaces, la violence et les agressions dirigées contre les journalistes, a été révisé en 2021, des améliorations ayant été proposées à cette occasion. En
Italie
, un centre de coordination chargé des actes perpétrés contre les journalistes, créé en 2017, continue d’être considéré comme une bonne pratique à l’échelle de l’UE. D’autres États membres envisagent l’introduction de nouvelles garanties législatives en matière de protection des journalistes. En
Finlande
, le gouvernement prévoit de modifier le code pénal afin de faciliter les poursuites en cas de menaces et de ciblage illégaux de victimes vulnérables, comme les journalistes indépendants, de renforcer la sévérité des peines pour les infractions sexistes, et de lutter contre les discours haineux à l’égard des femmes journalistes.
La Suède
prend également des mesures pour améliorer la protection des journalistes dans le cadre de la révision en cours de la protection pénale de certaines fonctions vitales de la société.
Les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique (poursuites-bâillons), qui sont une forme particulière de harcèlement utilisée contre des journalistes et d’autres personnes qui œuvrent en faveur de la protection de l’intérêt public, souvent accompagnées de menaces pour l’intégrité physique des personnes qui en sont victimes, sont une grave source de préoccupations dans plusieurs États membres. Ainsi, en
Croatie
, le recours intensif aux poursuites-bâillons a eu d’importantes répercussions sur les médias, surtout pour ceux de taille modeste ou au rayonnement local, ainsi que sur les journalistes indépendants. Dans d’autres pays, tels que la
Pologne
, la communauté des médias d’information a observé une augmentation des poursuites assorties d’intimidations contre des journalistes, ainsi que des lettres d’avertissement adressées à des journalistes et à des salles de rédaction en vue de mettre un terme aux reportages critiques à l’encontre d’entreprises ou d’institutions publiques. Il semble que ces manœuvres aient particulièrement touché les médias d’information et les journalistes indépendants, avec un risque élevé d’autocensure à la clef.
L’incidence de la pandémie sur la liberté et le pluralisme des médias
Les médias d’information européens ont joué un rôle essentiel pour tenir les citoyens informés durant la pandémie de COVID-19. La demande d’informations vérifiées s’est considérablement accrue, comme noté dans le plan d’action de la Commission sur l’audiovisuel et les médias. Dans le même temps, la pandémie a posé de graves difficultés économiques au secteur des médias, ainsi qu’aux journalistes et aux professionnels des médias.
Plusieurs chapitres par pays font état d’une perte inédite de revenus et de problèmes de liquidités financières pour certains médias, voire de faillites et de fermetures. Il semble que les médias régionaux et locaux aient été les plus durement touchés, ce qui fait que certains États membres n’ont désormais plus de médias d’information locaux dans de larges pans de leur territoire. Les journalistes indépendants ont vu leur situation économique et leurs conditions de travail se détériorer dans plusieurs États membres. Le chômage a augmenté dans ce secteur et de nombreux professionnels des médias et journalistes – notamment ceux soumis à des conditions d’emploi précaires ou les indépendants – se sont retrouvés sans revenu. Leur vulnérabilité face aux pressions s’en trouve accrue.
Pour faire face aux conséquences de la pandémie et les atténuer, la moitié environ des États membres ont mis en place des régimes d’aide spécifiques en faveur des médias, qui octroient pour l’essentiel des fonds ou des subventions à tout ou partie du secteur des médias. Les médias locaux ont été explicitement inclus dans ces régimes dans certains États membres, tels que
l’Estonie
,
la Suède
,
la Finlande
,
le Danemark
,
les Pays-Bas
,
la France
et
l’Italie
. Plusieurs États membres, dont
Chypre
,
la Lituanie
,
le Portugal
et
la Roumanie
, ont soutenu à la fois les médias et les informations publiques au moyen d’une publicité publique en faveur de campagnes d’information liées à la COVID-19. Dans certains pays, les journalistes ont pu bénéficier d’une prestation de chômage généralisée (
Irlande
), tandis que dans d’autres, la situation s’est souvent avérée difficile pour les journalistes indépendants. La majorité de ces mesures ont été saluées par les parties prenantes de la sphère médiatique, même si certains aspects ont été remis en cause, comme, par exemple, leur transparence (
Malte
), l’équité des critères de répartition (
Autriche
) ou les possibles conséquences sur la confiance des citoyens dans les médias (
Roumanie
).
Cependant, l’incidence de la pandémie sur les médias et les mesures prises pour atténuer cette incidence ne se cantonnent pas aux aspects économiques. Une série de restrictions mises en place pour combattre la pandémie ont rendu le travail des journalistes plus difficile et parfois entravé leur accès aux informations publiques. Si des perturbations ou des dérogations aux règles régissant l’accès général à l’information ont le plus souvent été limitées aux tout premiers stades de la pandémie (comme en
Espagne
ou en
Italie
, par exemple), dans certains États membres comme la
Hongrie
l’accès aux informations publiques a été restreint à la suite de l’adoption de mesures d’urgence durant la pandémie, ce qui a rendu l’accès en temps utile à ces informations plus difficile pour les médias indépendants. Les journalistes ont aussi continué à rencontrer des obstacles pour accéder à certains événements ou à des conférences de presse virtuelles ou physiques dans certains États membres. En
Pologne
, l’exercice du droit d’accès aux informations publiques risque d’être limité davantage encore consécutivement à un recours en inconstitutionnalité toujours en cours, et la pandémie a entraîné la suspension des délais stipulés par le droit administratif, limitant ou retardant ainsi l’accès aux informations publiques. En
Roumanie
, la pandémie a été vue comme un prétexte pour justifier retards et refus concernant la communication d’informations, et les règles de protection des données ont été utilisées pour en limiter l’accès. À l’opposé, certains États membres, dont la
Lituanie
et les
Pays-Bas
, ont exempté les journalistes des interdictions de déplacements liées à la COVID-19, afin qu’ils puissent continuer à suivre les différentes manifestations et communiquer des informations de première main.
3.4 Autres questions institutionnelles liées à l’équilibre des pouvoirs
L’état de droit dans une démocratie repose sur l’équilibre des pouvoirs entre les organes de l’État, garantissant leur fonctionnement, leur coopération et leur contrôle mutuel, afin que le pouvoir soit exercé par une autorité publique sous le contrôle des autres, conformément à la tradition politique et juridique de chaque État membre. La société civile joue aussi un rôle essentiel dans le système de l’équilibre des pouvoirs.
La présente section examine les grandes évolutions concernant cet équilibre des pouvoirs. Elle comprend la description du processus d’élaboration, d’adoption et de révision des lois, ainsi que celle du rôle des autorités indépendantes dans la préservation de l’état de droit. Un thème sous-jacent à cet égard est la qualité de l’administration publique et la manière dont les autorités appliquent la loi et mettent en œuvre les décisions de justice. Un cadre facilitateur pour la société civile permet de débattre et de contrôler les personnes au pouvoir. Le rétrécissement de l’espace qui leur est dévolu est le signe que l’état de droit est en péril. La présente section présente aussi les évolutions du régime juridique au titre duquel les mesures relatives à la COVID-19 ont été prises, ainsi que les rôles des parlements, des Cours constitutionnelles, des juridictions et des médiateurs.
Réformes constitutionnelles et débats visant à renforcer l’équilibre des pouvoirs entre les institutions
Les processus de réforme constitutionnelle visant à renforcer les sauvegardes et l’équilibre des pouvoirs mentionnés l’an passé ont continué leur progression. À
Chypre
, la création d’une Cour constitutionnelle distincte reprenant de la Cour suprême le contrôle de la constitutionnalité des lois est actuellement en instance devant le Parlement. À
Malte
, la réforme constitutionnelle sur les nominations à certaines commissions indépendantes a été finalisée, mais les progrès sont lents pour ce qui est de la convention constitutionnelle censée se charger du renforcement du rôle du Parlement. Au
Luxembourg
, la réforme constitutionnelle annoncée ne sera pas menée à bien: l’approche désormais retenue consiste à introduire des révisions ciblées de sujets particuliers, concernant par exemple le conseil de la magistrature. Des débats approfondis sur le bon fonctionnement de l’équilibre des pouvoirs ont lieu actuellement aux
Pays-Bas
, consécutivement à une enquête parlementaire sur la mise en œuvre du système d’allocations de garde d’enfant.
Pour parvenir à un système équilibré, un certain nombre d’États membres s’appuient sur différentes opinions et expertises, y compris celles d’organismes spécialisés internationaux, tels que la Commission de Venise. La Commission estime qu’il s’agit là d’une approche constructive.
La qualité, la transparence et le caractère inclusif du processus d’élaboration des lois demeurent autant de défis
Un certain nombre d’États membres prennent des mesures pour améliorer encore les processus d’élaboration de politiques fondées sur des données factuelles, pour ce qui est de la consultation et de la participation des parties prenantes, afin de faire en sorte que les lois soient le fruit d’une large discussion au sein de la société. Le projet innovant de la convention citoyenne pour le climat en
France
a suscité une grande attention et un vif intérêt dans d’autres États membres. Au
Portugal
, le Parlement a pris des mesures visant à renforcer la transparence du processus d’élaboration des lois et la qualité de la législation. En
Grèce
, un nouveau cadre est en voie d’élaboration pour examiner l’incidence et la qualité des projets de lois, tandis que des parties prenantes font état d’une amélioration de la qualité et d’une réduction sensible du nombre d’amendements non pertinents ou de dernière minute déposés au Parlement. En
Estonie
, en
Lettonie
et en
Autriche
, des mesures sont prises actuellement en vue de renforcer la participation des citoyens et des parties prenantes à l’élaboration des politiques. En
Espagne
, un nouveau plan gouvernemental ouvert, le quatrième, pour la période 2020-2024, a été approuvé en vue de renforcer les liens entre les citoyens et les autorités publiques, ainsi que d’accroître la participation des citoyens à l’élaboration des politiques publiques.
Le dialogue avec les parties prenantes a révélé qu’un certain nombre d’États membres avaient du mal à faire en sorte que les règles en matière d’inclusivité, de transparence et de qualité du processus d’élaboration des lois soient systématiquement mises en pratique. En
Slovaquie
, des parties prenantes ont fait part de leurs inquiétudes face à l’absence de débat approfondi et éclairé sur les principales caractéristiques de la récente réforme constitutionnelle, en regrettant que les autorités n’aient pas demandé l’avis de la Commission de Venise sur la réforme judiciaire et constitutionnelle du pays. En
République tchèque
, il a été fait état d’un nombre élevé de procédures d’urgence, et des parties prenantes redoutent que ces procédures aient aussi été utilisées pour des textes de loi n’ayant pas trait à la lutte contre la pandémie. En
France
, le nombre de procédures accélérées au Parlement a sensiblement augmenté, ce qui n’est pas sans conséquences sur la consultation des parties prenantes ni sur les travaux parlementaires. En
Belgique
, le Conseil d’État éprouve des difficultés à formuler des avis sur des projets de loi, faute de ressources suffisantes et en raison de délais de consultation fréquemment raccourcis.
Dans une poignée d’États membres, le processus législatif a suscité des interrogations concernant le respect de l’état de droit. En
Hongrie
, des modifications fréquentes et soudaines de la législation continuent de saper la prévisibilité de l’environnement réglementaire, et une accélération de la cadence d’apparition de nouvelles législations a été observée, dans certains cas. En
Pologne
, l’adoption d’actes législatifs selon une procédure rapide continue d’être utilisée, y compris pour les importantes réformes structurelles du système judiciaire, telles que les récentes modifications apportées à la loi sur la Cour suprême. En
Bulgarie
, la pratique consistant à introduire d’importantes modifications législatives au moyen d’amendements d’autres actes juridiques isolés, qui échappent aux consultations publiques et se soustraient aux exigences en matière d’analyses d’impact, reste une source de préoccupation. En
Roumanie
, des craintes subsistent quant à la stabilité et à la prévisibilité de la législation, celle-ci étant régulièrement modifiée et les lois qui en résultent pouvant être contradictoires, même si le Parlement a envoyé des signaux encourageants durant cette législature.
Importantes évolutions relatives aux Cours suprêmes et constitutionnelles dans l’équilibre des pouvoirs
Les Cours suprêmes et constitutionnelles jouent un rôle central dans le système de l’équilibre des pouvoirs. Certaines dérives dans quelques États membres suscitent toutefois des inquiétudes. En
Slovaquie
, la réforme constitutionnelle de décembre 2020 retire explicitement à la Cour constitutionnelle sa compétence en matière de contrôle de constitutionnalité des lois. Cette réforme particulière est à son tour révisée par la Cour constitutionnelle à présent. En
Hongrie
, des inquiétudes ont été exprimées quant au rôle joué par la Cour constitutionnelle dans la révision des décisions de justice définitives, faisant office d’autre cour d’appel, se prononçant sur le fond de l’affaire de la même manière que les cours d’appel ordinaires, bien que ne faisant pas partie du système judiciaire, et suscitant des interrogations en matière de sécurité juridique.
Un certain nombre d’évolutions récentes ont aussi suscité des inquiétudes au sujet du principe de primauté du droit de l’UE. Le respect de l’état de droit et de l’égalité des États membres dans l’UE suppose que le droit de l’UE prime sur le droit national et que les arrêts de la CJUE soient contraignants pour toutes les autorités des États membres, juridictions nationales comprises. Le 9 juin 2021, la Commission a décidé d’ouvrir une procédure d'infraction contre l’
Allemagne
pour violation du principe de primauté du droit de l’Union consécutive à l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 5 mai 2020. En
Pologne
, cet arrêt a été invoqué pour contester la compétence de la CJUE pour traiter les affaires liées à l’indépendance judiciaire, et le gouvernement a saisi le Tribunal constitutionnel polonais en vue d’une déclaration sur la primauté de la Constitution polonaise sur le droit de l’UE. Le 14 juillet 2021, le Tribunal constitutionnel a jugé que les ordonnances provisoires rendues par la CJUE qui portent atteinte à l’organisation des juridictions polonaises ne sont pas compatibles avec la Constitution polonaise et, le 16 juillet 2021, le premier président de la Cour suprême polonaise a abrogé un décret mettant en œuvre une ordonnance précédente de la CJUE suspendant les activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême dans les affaires disciplinaires contre les juges. En
France
, une décision du Conseil d’État relative à la conservation des données a suscité des inquiétudes quant à son interaction avec l’ordre juridique de l’Union. En
Roumanie
, une décision de la Cour constitutionnelle n’a pas accepté les conclusions d’une décision préjudicielle de la CJUE et a remis en question le principe de la primauté du droit de l’UE, ce qui pourrait constituer un obstacle important pour les juridictions appelées à faire respecter les exigences du droit de l’Union énoncées dans la décision préjudicielle en statuant sur des affaires.
Rôle clef joué par le médiateur et les institutions nationales de défense des droits de l’homme
Le médiateur et les institutions nationales de défense des droits de l’homme jouent un rôle important en faisant office de contre-pouvoirs, en défendant le droit à une bonne administration et à un traitement équitable et en attirant l’attention sur les violations des droits fondamentaux. Aux
Pays-Bas
, le médiateur a été parmi les premiers à alerter l’administration au sujet du traitement inéquitable des remboursements d’allocations pour enfants, et a critiqué le gouvernement pour son manque de suivi en la matière. En
Grèce
, les pouvoirs de l’institution du médiateur ont été renforcés, notamment en lui confiant le soin d’enquêter sur les incidents liés à l’arbitraire dont ont fait preuve des autorités répressives, à la suite de quoi il est intervenu dans des affaires de violation des droits fondamentaux. À
Malte
, une réforme constitutionnelle a renforcé les procédures de nomination, de suspension et de révocation du médiateur, et les nouvelles règles seront appliquées pour la première fois lors de la nomination d’un nouveau médiateur, qui est en instance.
Dans certains États membres, la nomination et la révocation du médiateur ont déclenché des querelles politiques et juridiques. En
Pologne
, le médiateur a continué de jouer un rôle capital en tant que garant de l’état de droit. Le mandat du dernier titulaire a pris fin en 2020, mais il est resté en poste faute d’accord politique sur son remplaçant. En juillet 2021, il a été mis fin à l’exercice ininterrompu de ses fonctions par le médiateur sortant, une décision du Tribunal constitutionnel et des travaux parlementaires prévoyant désormais une nomination bénéficiant du soutien de tous les partis. En
Roumanie
, la Cour constitutionnelle a jugé anticonstitutionnelle la décision du Parlement de révoquer la médiatrice nommée lors d’un précédent mandat parlementaire, et cette dernière a été rétablie dans ses fonctions.
Les organisations de la société civile en tant qu’acteurs essentiels pour l’état de droit
Dans la majorité des États membres règne un environnement favorable et porteur pour la société civile et l’espace qui lui est dévolu continue de passer pour ouvert. Qui plus est, dans certains États membres, les autorités ont apporté un soutien financier supplémentaire afin de venir en aide aux organisations de la société civile. En
Estonie
, un nouveau programme gouvernemental pour la période 2021-2024 a été composé pour consolider l’élaboration d’un partenariat stratégique entre les organisations de la société civile et les institutions publiques. Dans plusieurs États membres, la société civile s’investit davantage dans des actions sur l’état de droit sur le terrain.
Dans certains États membres, toutefois, les organisations de la société civile sont confrontées à de graves difficultés. On citera, par exemple, des menaces intentionnelles, y compris au moyen de restrictions ou de contrôles financiers, de la part des autorités, ou une protection inadaptée face aux attaques physiques ou verbales, aux décisions arbitraires, aux poursuites-bâillons, ou encore un abaissement du niveau de protection des droits fondamentaux garantissant le travail de la société civile. Ainsi, en
Hongrie
, des pressions continuent d’être exercées contre les organisations de la société civile critiques à l’égard du gouvernement et, alors même que la loi sur la transparence des organisations de la société civile dotées de fonds étrangers était abrogée à la suite d’un arrêt de la CJUE, de nouvelles mesures étaient introduites. En
Pologne
, des ONG critiques envers les politiques gouvernementales font l’objet de harcèlement et d’intimidations par les autorités publiques et les responsables. En
Grèce
, le processus d’enregistrement des ONG spécialisées dans l’asile, la migration et l’inclusion sociale continue de susciter des inquiétudes. Bien que des progrès modestes aient été réalisés, les difficultés en matière d’enregistrement sont également une source de préoccupation à
Chypre
. À
Malte
des organisations de la société civile se sont montrées inquiètes face aux nouvelles règles relatives aux appels de fonds, qui pourraient compliquer l’exercice de leurs activités. En
Slovaquie
, des attaques verbales de la part des autorités publiques et des responsables politiques à l’égard de militants et d’organisations de la société civile, ainsi que la diminution des fonds publics octroyés aux organisations aux fins de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, soulèvent des interrogations quant au respect du rôle démocratique joué par la société civile. En
France
et en
Espagne
, des préoccupations se sont fait jour en ce qui concerne l’incidence de la législation en matière de sécurité publique sur l’action des organisations de la société civile, eu égard à la liberté d’expression et d’information et au droit de manifester.
L’incidence de la pandémie de COVID-19 sur l’équilibre des pouvoirs et le débat public
Des mesures relatives à la COVID-19, dont des restrictions en matière de droits fondamentaux, ont été adoptées sous des régimes juridiques différents: un régime d’urgence constitutionnel, un nouveau régime d’urgence propre à la pandémie, des lois en matière de santé publique ou aucun régime spécial. Ces régimes juridiques ont souvent été modifiés au fil du temps. Aux
Pays-Bas
et en
Suède
, par exemple, les régimes ont été renforcés pour faire en sorte que les mesures restrictives reposent sur une base juridique solide. En
Belgique
, une «loi pandémie», qui donne une nouvelle base légale aux mesures d’urgence, a été adoptée. Dans un certain nombre d’États membres, la constitutionnalité des régimes d’urgence et les lois en matière de santé publique ont fait l’objet d’un examen. En
Slovaquie
, la Cour constitutionnelle a examiné la constitutionnalité du régime d’urgence, à ses débuts et lors de son extension, confirmant sa conformité avec la Constitution. Dans la plupart des États membres, les régimes spéciaux ont une date limite, nombre d’entre eux ayant déjà pris fin au printemps 2021 ou étant sur le point d’être clôturés.
Le contrôle démocratique continu exercé par les parlements a pris la forme de débats réguliers sur la prolongation des régimes d’urgence. Le contrôle des différentes mesures relatives à la COVID-19 par le Parlement a revêtu divers aspects. En
Italie
, tous les décrets-lois pris par le gouvernement en cas d’urgence sont à effet immédiat, mais doivent être convertis en lois par le Parlement dans un délai de 60 jours. En
Finlande
, l’ensemble des mesures d’urgence sont soumises à l’approbation du Parlement et à un contrôle de constitutionnalité par le chancelier de la justice et par la commission parlementaire du droit constitutionnel. Au
Portugal
, une commission parlementaire ad hoc a été constituée pour suivre les mesures adoptées en vue d’apporter une réponse à la pandémie, le gouvernement étant prié de produire un rapport sur chaque période de l’état d’urgence, ce qui permet également au Parlement d’exercer un contrôle ex post.
Dans un certain nombre d’États membres, le contrôle parlementaire exercé à l’égard des mesures relatives à la COVID-19 s’est renforcé au fil du temps. En
Allemagne
, le contrôle parlementaire s’est trouvé renforcé par l’introduction d’une liste standard de mesures pouvant être prises par ordonnance.
L’Autriche
a demandé que des ordonnances plus restrictives soient validées par le Parlement avant leur entrée en vigueur et qu’elles soient limitées dans le temps, tout en renforçant les obligations de consultation. Le Parlement de la
Croatie
a exigé l’élaboration d’un rapport trois fois par an sur les mesures relatives à la COVID-19. Au
Danemark
, en février 2021, une nouvelle législation a été adoptée, prévoyant un contrôle parlementaire renforcé, et surtout, une commission parlementaire spéciale a été constituée pour examiner les décrets présidentiels.
Quant aux parlements eux-mêmes, leur fonctionnement a aussi été perturbé par la pandémie, mais la plupart ont adapté leur règlement intérieur pour assurer la continuité des débats, le vote et une représentation adéquate, même si ces règles imposaient un nombre réduit de personnes présentes et des dates auxquelles les parlementaires devaient se placer en isolement. Certains États membres disposaient déjà de plateformes informatiques très élaborées, ce qui a facilité la transition, comme c’était le cas en
Lettonie
.
Le contrôle de la légalité, de la justification et de la proportionnalité des mesures relatives à la COVID-19 par les juridictions a constitué un contre-pouvoir essentiel face aux pouvoirs du gouvernement de prendre des décisions susceptibles d’avoir une incidence disproportionnée sur les droits fondamentaux des citoyens. En
Estonie
, toutes les ordonnances gouvernementales relatives à la COVID-19 contiennent des informations sur la manière dont elles peuvent être attaquées en justice et les citoyens ont d’ailleurs saisi les tribunaux administratifs à plusieurs reprises. En
Allemagne
, certaines mesures ont fait l’objet d’un contrôle juridictionnel complet, principalement par les tribunaux administratifs supérieurs et les Cours constitutionnelles des Länder, plus de 6 000 affaires ayant été enregistrées à la fin de 2020. En
France
, le Conseil d’État s'est prononcé dans de nombreuses procédures urgentes, contestant la gestion de la pandémie par le gouvernement et ordonnant un certain nombre de mesures ou de suspensions d’actes juridiques, notamment au regard des droits fondamentaux. En
Pologne
, les tribunaux considèrent certaines mesures comme illégales, la Constitution polonaise prévoyant explicitement que la moindre restriction des droits fondamentaux et des libertés fondamentales ne saurait être imposée que dans le cadre de l’état d’urgence (qui n’avait pas été déclaré).
Des autorités indépendantes ont joué un rôle actif tout au long de la pandémie, en évaluant l’incidence de certaines mesures sur les droits fondamentaux et en alertant les autorités. En
France
, la commission nationale des droits de l’homme a passé au crible les mesures relatives à la COVID-19 et publié plusieurs avis. En
Lituanie
, les médiateurs du Parlement ont examiné la conformité des mesures d’urgence avec les droits fondamentaux et les libertés fondamentales. En
Irlande
, la commission irlandaise des droits de l'homme et de l'égalité a recommandé de réduire la durée des prolongations accordées aux mesures relatives à la COVID-19 et de faire en sorte que la durée maximale de toute prolongation soit précisée en droit.
Les organisations de la société civile ont été touchées par la pandémie, non seulement pour ce qui est des limites assignées à la liberté de circulation et à la liberté de réunion, mais aussi du point de vue des financements. Dans l’ensemble, la participation de la société civile à l’élaboration et la mise en œuvre des mesures relatives à la COVID-19 a été très limitée. En
Autriche
, le gouvernement a consenti à des efforts afin de poursuivre plus avant le dialogue avec la société civile, notamment en la consultant quant au soutien alloué pendant la pandémie.
Dans certains États membres, l’expérience a d’ores et déjà suscité des réflexions relatives à des modifications (de la Constitution), afin d’être mieux préparés à des crises futures. En
Finlande
, la commission parlementaire du droit constitutionnel a demandé qu’un examen approfondi du règlement sur l’état d’urgence ait lieu dès la fin de la pandémie. En
Suède
, une commission d’enquête sera créée afin d’examiner la nécessité d’ajouter à la Constitution des dispositions en cas d’état d’urgence en temps de paix. En
Italie
, le Sénat a proposé la création d’une commission consultative bicamérale spéciale destinée à accorder au Parlement un rôle central en situation d’urgence. En
Hongrie
, une modification constitutionnelle limitera les pouvoirs du gouvernement en ce qui concerne les régimes d’ordre juridique spéciaux dès juillet 2023. Le régime d’urgence constitutionnel actuel, qui donne des pouvoirs étendus au gouvernement, est toujours en place et le restera jusqu’à ce que le gouvernement décide d’y mettre un terme.
4.ÉLÉMENTS NOUVEAUX ET ACTIONS ENTREPRISES AU NIVEAU DE L’UE EN CE QUI CONCERNE L’ÉTAT DE DROIT
Au cours de l’année écoulée, l’état de droit a continué de figurer en bonne place dans la liste des préoccupations de l’UE. La publication du premier rapport annuel sur l’état de droit en septembre 2020 a été suivie d’importants débats au Parlement européen et au Conseil. Des actions visant à établir un contact avec la société civile et les États membres, y compris les parlements nationaux, ont également été menées. Ces éléments nouveaux au niveau de l’UE sont le reflet d’une consolidation progressive du processus lié à l’état de droit selon plusieurs axes: le dialogue interinstitutionnel, le dialogue avec et entre les États membres, le dialogue avec les parties prenantes et la coopération internationale. Parallèlement, les travaux visant à faire respecter l’état de droit se sont poursuivis à la CJUE, la Commission remplissant son rôle de gardienne des traités, au moyen de procédures d’infraction. La panoplie d’instruments en matière d’état de droit s’est également étoffée après qu’un accord a été trouvé sur un régime général de conditionnalité visant à protéger le budget de l’UE.
Renforcement de l’action interinstitutionnelle
L’un des principaux objectifs du rapport sur l’état de droit consiste à sensibiliser aux questions liées à l’état de droit et à favoriser une discussion ouverte entre les États membres sur ces questions. Comme indiqué dans le rapport de 2020, un examen du dialogue annuel du Conseil sur l’état de droit réalisé en 2019 a permis de dégager un large consensus en faveur du renforcement de ce dialogue, à partir du rapport de la Commission. Par conséquent, à l’automne 2020, la présidence a suivi une approche en deux étapes et organisé une discussion horizontale sur l’évolution générale de la situation en matière d’état de droit ainsi que des discussions distinctes par pays, portant en premier lieu sur cinq États membres, sur la base du rapport sur l’état de droit. Au printemps 2021, les dialogues par pays se sont poursuivis, couvrant cinq États membres supplémentaires. Un cycle annuel de discussion a ainsi été instauré au sein du Conseil des affaires générales. La présidence actuelle a annoncé qu’elle poursuivrait cette approche au cours du second semestre de 2021. Il ressort des discussions qui ont eu lieu au Conseil jusqu’à présent que les États membres souhaitent clairement échanger sur les éléments nouveaux et partager leurs bonnes pratiques, afin de contribuer à prévenir les problèmes de manière inclusive et constructive. Parallèlement, des échanges thématiques sur des questions liées à l’état de droit ont également eu lieu au sein de différentes formations du Conseil, aux fins, notamment, du partage de bonnes pratiques.
Le Parlement européen exerce un rôle de plus en plus important dans l’orientation du débat sur l’état de droit, une tendance qui s’est confirmée au cours de l’année écoulée. En octobre 2020, le Parlement a adopté une résolution invitant la Commission et le Conseil à entamer des négociations sur un accord interinstitutionnel relatif au renforcement des valeurs de l’Union. La Commission a salué cette résolution et souscrit pleinement à l’avis du Parlement européen concernant l’importance de renforcer la capacité de l’UE à surveiller et à défendre les valeurs communes de l’Union. Le rapport annuel sur l’état de droit joue un rôle important à cet égard, car il aborde des questions qui présentent également un intérêt direct pour d’autres valeurs de l’Union, telles que la démocratie et les droits fondamentaux, ce qui est aussi lié aux travaux concernant le plan d’action pour la démocratie européenne, le soutien à la charte des droits fondamentaux et la promotion d’une Union de l’égalité. L’évolution du dialogue sur l’état de droit entre les institutions devrait être considérée dans ce contexte plus large et se poursuivra au cours des prochaines années. Le Parlement européen a adopté une résolution dans laquelle il a salué le rapport 2020 sur l’état de droit, tout en réclamant de nouveau des améliorations, concernant notamment l’inclusion de recommandations propres à chaque pays. La Commission se félicite de cette résolution et y réfléchira en profondeur lors de l’élaboration des futurs rapports. Elle reste déterminée à approfondir le dialogue avec le Parlement européen.
En ce qui concerne la situation dans certains États membres, le Parlement européen a adopté, au cours de l’année écoulée, des résolutions sur la situation en matière d’état de droit en Bulgarie, à Malte et en Pologne. Le groupe de surveillance de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen joue un rôle important dans l’approfondissement du débat sur l’état de droit au Parlement européen. Il a procédé à des échanges de vues sur la situation en Bulgarie, à Malte, en Pologne, en Slovaquie et en Slovénie, sur un dossier particulier en Belgique et sur l’espace dévolu à la société civile dans l’UE. Il suit aussi activement la situation dans l’Union pour ce qui est des mesures liées à la COVID-19.
Enfin, le Comité économique et social européen, par l’intermédiaire de son groupe ad hoc sur les droits fondamentaux et l’état de droit, et le Comité des régions, par l’intermédiaire de sa commission de la citoyenneté, de la gouvernance et des affaires institutionnelles et extérieures (CIVEX), contribuent également au dialogue sur l’état de droit au niveau de l’UE.
Renforcement du dialogue avec les États membres
À la suite de la publication du rapport 2020 sur l’état de droit, des efforts particuliers ont été déployés pour établir une communication avec les États membres. Au niveau politique, les parlements nationaux jouent un rôle essentiel dans la protection de l’état de droit, à la fois en tant que législateurs et parce que l’exécutif est tenu de leur rendre des comptes. Au cours de l’année écoulée, la Commission s’est rendue dans la plupart des parlements nationaux afin de présenter et d’examiner la méthodologie et les conclusions propres à chaque pays du rapport 2020 sur l’état de droit.
La Commission a également organisé des réunions bilatérales, comprenant à la fois un dialogue au niveau politique et des réunions techniques, afin de recueillir des informations sur l’état d’avancement des réformes clés faisant suite aux conclusions du rapport 2020 sur l’état de droit. Ces contacts ont été limités à quelques États membres au cours de cette première année, mais pourraient prendre de l’ampleur à l’avenir.
Le réseau de points de contact en matière d’état de droit, rassemblant des représentants de tous les États membres, a continué de se réunir régulièrement. Initialement chargée de contribuer à la mise en place du mécanisme et de sa méthodologie, cette enceinte fait désormais de plus en plus office de moyen de communication permanente avec et entre les États membres aux fins de l’élaboration du rapport sur l’état de droit. Il est également envisagé que ces réunions puissent servir davantage au partage de bonnes pratiques et à l’échange d’informations sur les réformes prévues dans le domaine de l’état de droit entre les États membres au niveau technique.
Renforcement du dialogue avec les parties prenantes au niveau national et au niveau de l’UE
La société civile est un partenaire essentiel de l’UE pour ce qui est de promouvoir un renforcement de la culture de l’état de droit en Europe. Aux fins de l’élaboration du rapport, la Commission a organisé des réunions pour examiner l’évolution de la situation en matière d’état de droit avec des parties prenantes telles que des réseaux européens, des organisations nationales et européennes de la société civile et des organisations professionnelles. Les organisations de la société civile ont également fourni un grand nombre de contributions écrites en vue du rapport.
En mai 2021, la première conférence à haut niveau sur l’état de droit a été organisée à Coimbra par la présidence portugaise, en coopération avec la Commission européenne, sur le thème de l’état de droit en Europe, réunissant des décideurs politiques, des organisations de la société civile, des réseaux judiciaires européens, des universitaires et des journalistes. Les participants ont dressé le bilan des efforts déployés pour faire respecter l’état de droit en Europe et se sont penchés en particulier sur le rôle de la société civile, les défis liés à la communication des questions relatives à l’état de droit et l’état de droit dans le contexte de la pandémie et de la reprise économique.
La forte participation de la société civile à l’élaboration de ce deuxième rapport a apporté une reconnaissance aux organisations de la société civile au niveau national et encore encouragé le développement des liens et des réseaux au-delà des frontières nationales. La Commission continuera de réfléchir aux moyens de mobiliser la société civile, les réseaux professionnels et les autres parties prenantes afin qu’ils participent au débat sur l’état de droit aux niveaux national et européen.
Renforcement de la coopération internationale
L’état de droit constitue également un principe directeur pour l’UE au-delà de ses frontières. Guidée par les valeurs et principes universels inscrits dans la charte des Nations unies et le droit international, y compris le droit international humanitaire, l’UE est un ardent défenseur des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit dans le monde, comme en témoigne le nouveau plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020-2024, et dans le respect des objectifs de développement durable. L’UE continuera de suivre une approche cohérente dans sa coopération avec les pays candidats et candidats potentiels et les pays du voisinage, ainsi que dans l’ensemble de son action extérieure, aux niveaux bilatéral, régional et multilatéral. Elle aborde régulièrement des questions liées à l’état de droit dans le cadre de ses dialogues sur les droits de l’homme avec ses pays partenaires ainsi qu’au niveau multilatéral, en particulier au sein de l’Organisation des Nations unies.
La défense de l’état de droit au niveau mondial passe par le renforcement de la coopération avec les organisations internationales et régionales concernant les questions y afférentes. Les évaluations des organismes internationaux spécialisés apportent une contribution importante à l’analyse de la Commission, et l’approfondissement de la coopération et des échanges lui permet de mieux comprendre la situation dans les États membres. Au niveau technique, les services de la Commission entretiennent désormais des contacts réguliers avec les différents organes du Conseil de l’Europe aux fins de l’élaboration du rapport.
La Commission entend poursuivre le renforcement de cet élément essentiel dans le cadre de son action en faveur de l’état de droit, en s’appuyant sur ses relations étroites avec le Conseil de l’Europe et d’autres organismes internationaux. Le 26 janvier 2021, la Commission a présenté le rapport 2020 sur l’état de droit à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. La Commission a également participé à des événements organisés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au cours desquels les thèmes couverts par le mécanisme de protection de l’état de droit ont été présentés et examinés.
Autres évolutions institutionnelles liées à l’état de droit
La CJUE a continué de développer sa jurisprudence en matière d’état de droit, notamment en ce qui concerne l’exigence du traité selon laquelle les États membres sont tenus d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, au sujet de laquelle la CJUE a clarifié davantage les garanties d’indépendance de la justice prévues par le droit de l’Union. Dans le cadre du mécanisme de renvoi préjudiciel, les juridictions nationales ont continué de porter à l’attention de la CJUE des questions présentant un intérêt pour l’état de droit. La CJUE s’est prononcée sur des demandes de décision préjudicielle relatives à des questions liées à l’état de droit introduites par des juridictions de Malte, de la Pologne, des Pays-Bas et de la Roumanie. Les arrêts concernaient en particulier les procédures de nomination des juges, l’exécution des mandats d’arrêt européens en cas de défaillances persistantes concernant l’indépendance des juges dans un État membre, le régime disciplinaire applicable aux juges, la responsabilité personnelle des juges, la création d’une section spéciale du ministère public traitant des juges et le principe de primauté du droit de l’Union.
La Commission a également continué d’exercer son rôle de gardienne des traités de l’UE en ouvrant des procédures d’infraction. Dans certains cas, elle a demandé à la CJUE d’ordonner des mesures provisoires afin d’éviter un préjudice irréparable.
Outre les procédures d’infraction, qui visent à remédier à des violations spécifiques du droit de l’Union, l’article 7 du traité sur l’Union européenne prévoit la procédure plus générale à suivre pour défendre les valeurs communes de l’UE, y compris l’état de droit. Le Conseil reste saisi de deux procédures, engagées par la Commission contre la Pologne en 2017 et par le Parlement européen contre la Hongrie en 2018, dans le cadre desquelles il doit déterminer s’il existe un risque clair de violation grave des valeurs de l’Union. En septembre 2020, la Commission a informé le Conseil des derniers développements intervenus dans les domaines visés par les propositions motivées. En juin 2021, le Conseil a entendu la Hongrie et la Pologne.
L’état de droit est une condition préalable à la bonne gestion des fonds de l’UE et, en mai 2018, la Commission a proposé d’assortir ses propositions relatives au nouveau cadre budgétaire d’une proposition législative portant sur un mécanisme spécifique destiné à protéger les fonds de l’UE contre les risques découlant de violations de l’état de droit dans les différents États membres. Le règlement qui en a résulté a été adopté en décembre 2020. La Commission est pleinement déterminée à faire respecter le règlement et œuvre activement à son application concrète. Elle consulte actuellement le Parlement européen et les États membres au sujet de lignes directrices qui exposeront plus en détail la manière dont elle envisage d’appliquer le règlement dans la pratique. Dans le même temps, la Commission a commencé à surveiller les infractions potentielles. Le règlement est applicable depuis le 1er janvier 2021 et toute infraction survenue à partir de cette date sera prise en considération.
Le 1er juin 2021 a marqué le début du fonctionnement du Parquet européen, qui est compétent pour mener des enquêtes sur les fraudes et autres infractions pénales portant atteinte au budget de l’UE, engager des poursuites en la matière et en faire juger les auteurs, en complément du rôle de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Le Parquet européen diligente des enquêtes pénales, effectue des actes de poursuite et exerce l’action publique devant les juridictions compétentes des États membres participants jusqu’à ce que les affaires aient été définitivement jugées. L’efficacité des systèmes judiciaires nationaux analysés dans le présent rapport sera déterminante pour faire en sorte que les affaires soient tranchées et que des sanctions effectives soient appliquées.
L’état de droit occupe également une place importante dans la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience. Les plans pour la reprise et la résilience des États membres comportent d’importantes priorités en matière de réformes, concernant par exemple l’amélioration de l’environnement des entreprises grâce à une administration publique et à des systèmes judiciaires efficaces. La Commission européenne apporte aussi un soutien technique aux États membres, notamment par l’intermédiaire de l’instrument d’appui technique, afin d’améliorer l’efficience, la qualité et l’indépendance de l’administration publique et des systèmes judiciaires.
5.CONCLUSIONS ET PROCHAINES ÉTAPES
La pandémie de COVID-19 a encore accentué l’importance de l’état de droit pour nos démocraties, nos droits fondamentaux et la vie quotidienne des Européens. Elle a aussi soumis l’état de droit à un test de résistance. L’expérience de la pandémie a montré que les systèmes nationaux étaient très résilients dans l’ensemble, tout en mettant en lumière un certain nombre de domaines spécifiques dans lesquels l’état de droit a été mis sous pression. L’état de droit est un élément important de la préparation aux périodes de crise.
Le présent rapport a permis de mettre en évidence de nombreuses évolutions positives dans le domaine de l’état de droit dans les États membres, où des mesures sont prises à l’égard des problèmes recensés précédemment. Il montre aussi où des problèmes et des préoccupations, parfois graves, subsistent ou se sont intensifiés. La Commission se félicite de la participation de tous les États membres, ainsi que de leur mobilisation et de leur coopération constantes et de leur volonté de dialoguer sur des questions sensibles.
L’adoption du rapport 2021 sur l’état de droit marque le début d’un nouveau cycle de dialogue et de suivi. La Commission invite le Conseil et le Parlement européen à organiser des débats généraux et propres à chaque pays sur la base du présent rapport, ainsi que les parlements nationaux et les autres acteurs clés à intensifier les débats nationaux. Elle invite les États membres à remédier efficacement aux problèmes recensés dans le rapport et se tient prête à les aider dans leurs efforts. Les États membres et l’UE ont la volonté commune de protéger, de promouvoir et de renforcer l’état de droit et d’en faire un élément majeur de notre culture politique.
La Commission a hâte de poursuivre le dialogue avec les acteurs clés de l’état de droit. Le respect de l’état de droit, ainsi que de la démocratie et des droits de l’homme, est considéré par les Européens comme l’un des principaux atouts de l’UE. Ce constat responsabilise et guide l’ensemble des États membres et des institutions de l’UE dans l’exercice de leur rôle.