COMMISSION EUROPÉENNE
Strasbourg, le 12.3.2024
COM(2024) 91 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Gestion des risques climatiques – protection des personnes et de la prospérité
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Gestion des risques climatiques – protection des personnes et de la prospérité
1.Introduction
1.1.L’accélération des risques climatiques nécessite une gestion proactive
Gérer l’incertitude est aujourd’hui consubstantiel de la prise de décision, que cela concerne les personnes, les entreprises ou les pouvoirs publics. La guerre et les incertitudes géopolitiques, le coût de la vie, les défis démographiques, la dégradation de l’environnement et les urgences sanitaires, les inégalités sociales, la polarisation politique et la désinformation, l’évolution rapide des technologiques et les migrations imposent de prendre des mesures sur-le-champ. Les décideurs politiques doivent trouver un équilibre entre l’attention portée à un sujet et les ressources qui lui sont consacrées. Étroitement liée aux autres crises planétaires que constituent la pollution et la perte de biodiversité et caisse de résonance de bien d’autres risques, la crise climatique est l’une des menaces les plus existentielles auxquelles nous nous heurtons.
L’Union européenne (UE) prend des mesures dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre durant la présente décennie et de parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050. La Commission a lancé un débat sur un objectif climatique à l’horizon 2040, qui constituerait une nouvelle étape vers un avenir compétitif et «zéro net». Il nous faut sans tarder réduire les émissions au niveau mondial, car les possibilités d'adaptation se heurtent à des limites physiques.
Les effets du changement climatique se font déjà sentir, et les risques continueront d’augmenter au cours des décennies à venir et au-delà en raison de l’inertie du système climatique, même si des réductions ambitieuses des émissions à l’échelle mondiale réduisent les dommages potentiels. En février 2024, le service Copernicus concernant le changement climatique indiquait que la température moyenne de la planète au cours des douze mois précédents avait dépassé le seuil de 1,5 ºC au-dessus des niveaux préindustriels. Les perspectives pour l’Europe sont bien exposées dans la première évaluation européenne des risques climatiques (EUCRA)
jamais établie par l’Agence européenne pour l’environnement. Dans le scénario le plus favorable, en supposant que l’on limite le réchauffement de la planète à 1,5 ºC au-dessus des niveaux préindustriels, l’Europe – dont le rythme de réchauffement est deux fois supérieur au rythme mondial – devra apprendre à vivre sous un climat plus chaud de 3 ºC et, par conséquent, à faire face à un nombre infiniment plus important de vagues de chaleur et autres phénomènes météorologiques extrêmes.
Figure 1: Projections de température pour l’Europe selon quatre scénarios climatiques mondiaux standard
Source: EUCRA, sur la base des travaux du service Copernicus concernant le changement climatique
La résilience face au changement climatique suppose de maintenir non seulement les fonctions sociétales mais aussi la compétitivité des économies et des entreprises et, partant, l’emploi. La gestion des risques climatiques est une condition nécessaire à l’amélioration du niveau de vie, à la lutte contre les inégalités et à la protection des personnes. Il y va de la survie économique des zones rurales et côtières, des agriculteurs, des forestiers et des pêcheurs. Pour les entreprises, les risques climatiques sont déjà bien reconnus et occupent les quatre premières places du classement des risques perçus en tant que tels pour la décennie à venir
. Le manque de ressources peut être problématique pour certaines petites et moyennes entreprises (PME). Qu’il s’agisse de chaînes d’approvisionnement exposées, d’un accès réduit à l’assurance, d’actifs nationaux vulnérables, d’une perte de biodiversité dont dépendent les secteurs économiques ou d’une protection insuffisante des personnes, la reprise après des catastrophes climatiques de plus en plus intenses absorbera, pour ceux qui ne s’y seront pas préparés, de plus en plus de capacités et de capitaux.
La Banque centrale européenne et le Comité européen du risque systémique ont constaté que les risques climatiques pouvaient compromettre la stabilité financière à bien des égards et ont plaidé en faveur d’une stratégie macroprudentielle solide à l’échelle du système pour faire face à ces risques. Dans le même temps, certaines entreprises européennes flexibles et dynamiques, y compris des PME, peuvent devenir des leaders dans certains segments du marché qui renforcent la résilience, tels que l’innovation autour de l’utilisation des données et des technologies spatiales.
L’augmentation des risques climatiques a également une incidence sur la situation géopolitique, nuisant ainsi à la sûreté et à la sécurité, aux flux commerciaux et à la stabilité économique au niveau mondial, ainsi qu’à la capacité de maintenir des services essentiels pour les populations touchées. À l’inverse, c’est en élevant le niveau de préparation et de résilience face aux effets du changement climatique que l’on pourra contribuer à relever l’un des principaux défis mondiaux actuels, avec les retombées positives qui en résultent.
Les Européens sont 77 % à considérer le changement climatique comme un problème très grave, et 37 % à s’estimer déjà personnellement exposés à des risques climatiques. Le Parlement européen et les dirigeants de l’UE
ont pris conscience de la nécessité pressante de redoubler d’efforts face à l’urgence climatique et de renforcer la résilience de l’UE. Dans le droit fil de la communication sur l’objectif climatique de l’Europe à l’horizon 2040 et la voie vers la neutralité climatique d’ici à 2050, les investissements dans des bâtiments, des transports et des systèmes énergétiques résilients face au changement climatique pourraient créer d’importants débouchés commerciaux, générer des économies d’échelle et bénéficier plus largement à l’économie européenne, en permettant de créer des emplois hautement qualifiés et de proposer des énergies propres abordables.
La vision européenne d’une société saine, inclusive et équitable est source de force. La solidarité, l’inclusion, l’innovation et l’état de droit nous ont aidés à relever des défis historiques et nous aideront à relever celui-ci.
La coordination que permet l’Union européenne est un excellent moyen de renforcer la résilience. Elle permet de gagner en efficacité, ce qui est essentiel eu égard aux nombreuses revendications sur les ressources publiques et privées. Elle permet également aux États, aux régions et aux collectivités locales de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ailleurs, ce qui les aide à agir plus rapidement et plus efficacement. Compte tenu de l’ampleur des mesures nécessaires dans certains domaines, il est peu probable que, en l’absence de coordination, les décisions et mesures nécessaires soient prises à temps pour éviter des incidences irréversibles sur l’environnement. Enfin, l’UE apporte une valeur ajoutée en proposant aux individus et aux parties prenantes publiques et privées des moyens pour accroître leur capacité de résilience. Ces dix dernières années, des investissements considérables financés sur le budget de l’UE, notamment grâce à la politique de cohésion, ont été consacrés à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de ses effets. Pour la période 2021-2027, les investissements au titre de la cohésion dans ce domaine devraient atteindre environ 118 milliards d’EUR.
Certaines des catastrophes qui se sont produites en 2023 font clairement apparaître une tendance à l’augmentation des risques climatiques. Tous les pays de l’UE ont été touchés à des degrés divers, au-delà des exemples donnés ci-dessous.
Encadré 1: Quatre exemples de catastrophes survenues en 2023 et liées à des aléas climatiques:
-Grèce. De juillet à août, les incendies de forêt, alimentés par la sécheresse et les vagues de chaleur, ont détruit 170 000 hectares en Grèce. L'incendie de forêt qui a touché Alexandroupoli est le plus important qu'ait connu l’Europe depuis 2000; plus de 96 000 hectares ont ainsi été réduits en cendres. La tempête Daniel a provoqué des précipitations record en Grèce au début du mois de septembre: 750 mm d’eau sont tombés en 24 heures à Zagora, soit plus du cumul annuel enregistré habituellement dans cette région. Cet événement climatique a réduit à néant quelque 15 % de la production agricole annuelle.
-Slovénie. En août, de fortes précipitations se sont abattues sur le pays pendant plusieurs jours, qui ont ajouté à des niveaux d’eau déjà élevés. Ces pluies, qui ont provoqué des inondations et des glissements de terrain massifs, ont touché les deux tiers de la Slovénie et entraîné des dommages représentant environ 16 % du PIB.
-Scandinavie. En août, la tempête Hans a déferlé sur le Danemark, la Norvège et la Suède, causant de graves dommages aux infrastructures et à l’agriculture, ainsi que des perturbations majeures dans des réseaux de transport essentiels. Le nombre de demandes d’indemnisation auprès des organismes d’assurance a battu de nouveaux records.
-Toute l’Europe. De nouveaux records de température ont été enregistrés lors de la vague de chaleur qui a sévi en 2023 dans de nombreux pays. Elle faisait suite aux vagues de chaleur estivales de 2022, qui ont provoqué la mort de 60 000 à 70 000 personnes en Europe.
L’action pour le climat est profitable à tous et en tout point. Les dommages climatiques ne sont pas la conséquence de catastrophes naturelles malheureuses et imprévues. Ils résultent de risques climatiques connus et dépendent des mesures prises pour réduire ces risques. La présente communication expose les principales mesures qui doivent être prises pour que les particuliers et les entreprises puissent compter sur l’UE et ses États membres pour préserver les fonctions sociétales et maintenir l’accès aux services essentiels dans un contexte d’aggravation des risques climatiques. Elle vise à préciser à qui il incombe d’effectuer les choix délicats et de prendre les mesures qui s'imposent en se fondant sur les meilleures données disponibles. Il y est indiqué de quelle manière l’UE peut réellement anticiper les effets du changement climatique dans les années à venir et en quoi le fait d’accroître la résilience permet d’atteindre d'autres objectifs stratégiques à moindre coût et plus aisément. Cette entreprise exige qu’à l’avenir la préparation et la résilience aux risques climatiques soient prises en compte systématiquement au niveau de l’UE et des États membres, dans tous les domaines d’action.
1.2.L’UE dispose des assises nécessaires pour améliorer la gestion des risques climatiques
La loi européenne pour le climat dispose que les institutions de l’UE et les États membres sont tenus de veiller à ce que des progrès constants soient réalisés en ce qui concerne la capacité d’adaptation, le renforcement de la résilience et la réduction de la vulnérabilité. La mise en œuvre du vaste plan d’action de la stratégie d’adaptation de l’UE de 2021 se poursuit à un rythme soutenu.Afin de renforcer la résilience des investissements financés par l’UE, la politique de cohésion et d’autres programmes clés du budget de l’UE ont intégré le principe consistant à «ne pas causer de préjudice important» et mis en place une pratique d'évaluation de la résilience au changement climatique. Des politiques sectorielles très diverses sont actuellement mises à jour en ce qui concerne les risques climatiques. Les États membres s’emploient à améliorer l’action en matière d'adaptation et ont commencé à inclure la résilience climatique dans leurs plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC).
Les conclusions des récentes évaluations de la Commission sont toutefois mitigées. Si des progrès constants sont observés au niveau de l’Union du fait de la mise en œuvre de la stratégie d’adaptation de l’UE, les États membres ont encore beaucoup à faire en ce qui concerne les aspects liés à la gouvernance, la sensibilisation, l’équité et une résilience juste, le financement et les solutions fondées sur la nature. Les dernières évaluations par la Commission des projets de PNEC actualisés et des recommandations connexes mettent en évidence une inadéquation entre les PNEC et les politiques et mesures d’adaptation prévues et mises en œuvre par les États membres. La Commission a formulé des recommandations et est prête à aider davantage les États membres à améliorer leurs PNEC afin d’accélérer la mise en œuvre et les investissements dans les années à venir.
Il ressort du rapport intitulé «Preventing and managing disaster risk in Europe» [Prévenir et gérer les risques de catastrophe en Europe] que les risques liés au climat figurent parmi les priorités des stratégies de gestion des risques de catastrophe mises en œuvre dans toute l’Europe. Ce rapport montre aussi que, si les risques climatiques sont généralement reconnus, paradoxalement, les évaluations des risques pour la protection civile tiennent rarement compte des scénarios et incertitudes climatiques. Les États membres procéderont à des évaluations des risques pour les infrastructures essentielles d’ici à janvier 2026 au titre de la directive sur la résilience des entités critiques. Dans les évaluations actuelles des perspectives budgétaires, il n’est pas systématiquement, voire jamais, tenu compte des risques climatiques. D’une manière générale, si les processus et exigences convenus dans les cadres d’action au niveau de l’UE peuvent permettre de s’attaquer aux risques climatiques, leur mise en œuvre ne permet pas actuellement de fournir une assurance raisonnable en la matière.
Les progrès sont donc irréguliers et ne suivent pas l’évolution des changements climatiques, qui s'accélère. L’UE comme ses États membres doivent renforcer leur aptitude à se préparer aux risques climatiques et à y faire face efficacement.
Le rapport de l’EUCRA expose en détail les principaux risques climatiques qui menacent l’Europe, ainsi que leur interaction avec de nombreux risques non liés au changement climatique et la manière dont ils les amplifient. La présente communication fait suite à ce rapport et à d’autres données publiées récemment. Elle n’examine pas en détail les risques majeurs découlant des effets du changement climatique en dehors de l’UE auxquels l’UE est susceptible d’être exposée, et inversement. Le changement climatique peut induire des risques en cascade et ainsi exacerber la dégradation de l’environnement et les facteurs de conflit, de déplacement et de migration existants. Il convient d’analyser spécifiquement ces liens complexes pour éclairer la prise de décisions stratégiques, comme le montre la communication relative au lien entre climat et sécurité
.
En cohérence avec la dimension internationale de la stratégie d’adaptation de l’UE
, l’UE continuera de promouvoir des solutions intégrées pour le renforcement de la résilience au changement climatique dans les pays fragiles et vulnérables. «Global Gateway», la stratégie globale de l’UE dotée d’une enveloppe de 300 milliards d'EUR, et les plans économiques et d’investissement conçus pour les pays du voisinage méridional de l’UE, du partenariat oriental et des Balkans occidentaux peuvent offrir des outils pour atténuer les risques climatiques au niveau mondial. À titre d’exemple, l’UE a lancé l’initiative globale d’Équipe Europe sur l’adaptation au changement climatique et la résilience à en Afrique subsaharienne dans le cadre du paquet d’investissement «Global Gateway» UE-Afrique. Conformément au cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, l’UE continuera de contribuer à la réduction des risques de catastrophe dans les pays partenaires, en mettant l’accent sur la connaissance, la gouvernance, la prévention, la préparation (en particulier les systèmes d’alerte précoce), la réaction et le rétablissement en matière de risques de catastrophe.
La présente communication fait suite aux résultats les plus récents du sommet des Nations unies sur le climat (COP28) sur l’adaptation et, en particulier, sur la mise en œuvre du cadre d’action des Émirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale [UAE Framework for Global Climate Resilience]. L’UE continuera de favoriser la résilience au changement climatique et la gestion des risques climatiques, en contribuant à l’adaptation au changement climatique et à la prévention des conflits grâce à ses outils de diplomatie climatique, tirant parti des expériences européennes aussi bien dans des enceintes internationales et dans des cadres bilatéraux.
2.Analyse: les données les plus récentes sur les risques majeurs pour l’Europe
2.1.Conclusions de l’évaluation européenne des risques climatiques
Les éléments qui suivent sont scientifiquement établis. L’Europe est appelée à connaître des températures globales plus élevées, des vagues de chaleur plus intenses et plus fréquentes, des sécheresses prolongées, des précipitations plus abondantes, des vitesses moyennes du vent plus faibles et une diminution de l’enneigement. C’est ce qu'indiquent explicitement les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Toutefois, ce tableau d’ensemble ne montre pas les interactions complexes entre les aléas climatiques et la probabilité d’effets catastrophiques.
Figure 2: Tendances observées et prévues en ce qui concerne les principaux aléas climatiques dans différentes régions européennes
Source: EUCRA
Ces risques climatiques entraîneront davantage de catastrophes, telles que des sécheresses, des inondations, des incendies de forêt, des maladies, des mauvaises récoltes, des décès dus à la chaleur, des dommages causés aux infrastructures et des modifications structurelles de l’environnement. Dans la pratique, le degré de préparation de la société, la capacité financière et administrative à se rétablir et le lieu géographique constituent les principaux facteurs déterminant l’exposition et la vulnérabilité d’une société.
L’Europe méridionale, de même que les régions arctiques, est appelée à subir des pressions climatiques plus fortes que le reste de l’Europe. Les régions ultrapériphériques sont exposées à un ensemble de risques distincts. Cette exposition asymétrique au climat exacerbe des disparités déjà existantes entre les régions en ce qui concerne les besoins en matière d’adaptation au changement climatique, de prévention des risques et de préparation, ce qui risque de peser sur les outils de cohésion à l’échelle de l’UE.
Il n’est pas possible de chiffrer avec précision les coûts et avantages des dommages évités pour la société dans son ensemble, mais une estimation de l’ampleur devrait suffire à justifier la prise de mesures. Selon une estimation prudente, l’aggravation des effets du changement climatique pourrait réduire le PIB de l’UE d’environ 7 % d’ici à la fin du siècle. Si le réchauffement climatique dépasse de manière plus permanente le seuil de 1,5 ºC fixé dans l’accord de Paris, la réduction supplémentaire cumulée du PIB de l’UE dans son ensemble pourrait s’élever à 2,4 milliards d’EUR sur la période 2031-2050. Les dégâts annuels dus aux inondations côtières en Europe pourraient se chiffrer à plus de 1 600 milliards d’EUR d’ici à 2100, alors que 3,9 millions de personnes sont exposées chaque année à ce phénomène.
Les risques climatiques se font particulièrement sentir chez les personnes les plus vulnérables en raison de plusieurs facteurs socio-économiques, tels que le revenu, le sexe, l’âge, le handicap, la santé et l’exclusion sociale (qui concernent en particulier les migrants, les minorités ethniques et les populations autochtones). La capacité de se remettre de catastrophes dues au changement climatique est rendue moindre par des désavantages préexistants. Les zones urbaines les plus pauvres, mais aussi les écoles et les hôpitaux, sont souvent situés dans des îlots de chaleur urbains. Tant en milieu urbain qu’en milieu rural, la population vivant dans des zones de faible altitude est exposée à des risques accrus d’inondation et aux conséquences liées à la contamination de l’eau.
Les travailleurs exposés, principalement ceux qui travaillent à l’extérieur dans des secteurs comme l’agriculture, la construction, les services d’urgence et le tourisme, sont plus susceptibles de connaître des conditions thermiques extrêmes. Au-delà des incidences sur la santé et la sécurité au travail et des pertes de revenus que subissent les travailleurs du fait d'heures de travail perdues, la réduction de la productivité de la main-d'œuvre qui en résulte peut entraîner des déficits de production économique à un niveau territorial plus large. Les solutions d’adaptation, lorsqu’elles sont mal conçues, peuvent encore aggraver les inégalités. La prise en compte des aspects sociaux, le dialogue ainsi que les processus décisionnels inclusifs et participatifs avec les communautés touchées sont la clé d’une action politique bien conçue. Garantir la sécurité relève du contrat social conclu avec nos citoyens.
L’EUCRA a recensé trente-six risques majeurs pour l’Europe, dont plusieurs ont déjà atteint des niveaux critiques et présentent un degré d’urgence élevé. Tous ces risques devraient être pris en considération par les décideurs politiques. La partie 4 aborde certains d’entre eux et met l’accent sur des mesures permettant de traiter simultanément plusieurs risques.
Figure 3: Liens entre les grands groupes de risques climatiques et les domaines d’action exposés
Source: EUCRA
2.2.Incertitudes et probabilités
Malgré la complexité du système climatique et les incertitudes actuelles, les scientifiques sont pour ainsi dire certains que le climat continuera de se détériorer au cours des prochaines décennies. Les décideurs politiques et les investisseurs doivent tenir compte de la probabilité du résultat qu’ils souhaitent éviter.
L’incertitude ne constitue pas une excuse valable pour justifier l’inaction. Le principe de précaution impose aux décideurs de faire preuve d’anticipation et de prévention afin de garantir la bonne gestion de nos sociétés.
3.Espace de solutions — fournir à la société des moyens pour agir
Il est nécessaire de mettre au point, d’expérimenter et de déployer rapidement des solutions exploitables dans un environnement en mutation. La mission «Adaptation au changement climatique» de l’UE aide les régions à mettre en place des solutions innovantes qui soutiennent les autorités locales ou régionales dans les efforts qu’elles déploient pour devenir résilientes face au changement climatique d’ici à 2030, et peut servir d’exemple de bonne pratique pour toutes les parties intéressées.
Le fait d'investir dans la résilience dès les prémices d’un projet d’infrastructure garantira une meilleure capacité de cette dernière de résister à des conditions météorologiques extrêmes, évitant ainsi les dépenses liées aux reconstructions et réparations ponctuelles. Chaque euro dépensé pour réparer des dommages est un euro en moins pour financer des investissements plus productifs. À l’inverse, chaque euro dépensé pour la prévention et la préparation produira des bénéfices pour tous, supérieurs à la mise initiale. Les décisions de planification et d’aménagement prises aujourd’hui doivent s’appuyer sur une solide évaluation anticipative des risques.
Les risques climatiques auxquels est confrontée l’Europe ne peuvent être traités indépendamment des autres défis sociétaux. Les meilleures solutions, et les plus durables, sont celles qui garantissent des avantages multiples. Il ressort des éléments contenus dans le rapport de l’EUCRA que, dans un certain nombre de domaines, des solutions transversales peuvent contribuer à supprimer les obstacles à l’adaptation au changement climatique. C’est pourquoi une approche systémique est nécessaire.
Les sous-parties qui suivent correspondent à quatre grandes catégories de solutions qui permettent aux systèmes administratifs de l’UE et de ses États membres d’être mieux à même de faire face aux risques climatiques: l’amélioration de la gouvernance, les outils destinés aux propriétaires de risques, l’exploitation des politiques structurelles et les conditions préalables adéquates de la résilience financière.
3.1.L’amélioration de la gouvernance
La répartition de la responsabilité de la prise en charge des risques entre l’UE et les États membres («propriété» des risques) varie d’un domaine d’action à l’autre et repose sur le principe de subsidiarité. Dans la pratique, cela signifie souvent que le Parlement européen et le Conseil conviennent d’un cadre général commun au niveau de l’UE, dont les modalités concrètes de mise en œuvre sont conçues et décidées par les États membres au niveau national et appliquées aux niveaux national, régional et local. Au niveau de l’UE, les risques climatiques devraient être davantage pris en compte dans les aspects liés à la gouvernance des politiques, de la législation et des instruments financiers, ainsi que dans la recherche de synergies entre les politiques et les mesures de l’UE.
Si la plupart des politiques comportent des dispositions visant à la prise en compte des risques climatiques, il n’en va pas toujours de même lorsque ces politiques et actes législatifs sont mis en œuvre dans les États membres. Des améliorations sont nécessaires à tous les niveaux de gouvernance. Il convient d’accorder une attention particulière à la manière dont les niveaux national, régional et local interagissent et à la manière dont leurs moyens et leurs tâches sont alignés. La Commission invite les États membres à mettre pleinement en œuvre les engagements existants dans le domaine de l’adaptation et à prendre en considération les recommandations pertinentes de la Commission.
L’amélioration de la gouvernance des risques climatiques nécessite:
Une définition claire des responsabilités en matière de risque. La Commission invite toutes les institutions de l’UE à examiner la manière dont les risques climatiques spécifiques de chaque secteur et la responsabilité d’agir en la matière sont répartis entre l’UE et les États membres dans le cadre législatif actuel pour les principaux domaines d’action.
Un renforcement des structures de gouvernance. La mise en place de structures de gouvernance claires destinées à la gestion des risques climatiques dans les États membres devrait garantir une coordination verticale et horizontale entre les niveaux national, régional et local. La Commission invite les États membres à veiller à ce que les propriétaires de risques au niveau national disposent des capacités et ressources nécessaires pour gérer les risques climatiques. La Commission s’emploiera aussi à ancrer structurellement les risques climatiques dans ses processus internes en renforçant les fonctions de contrôleur des risques climatiques et dans la mise en œuvre de la vérification de la cohérence climatique dans les exigences relatives à l’amélioration de la réglementation.
Des synergies dans les processus de gouvernance. La mise en œuvre de la législation relative aux risques climatiques pourrait être encore améliorée et gagner en cohérence. La loi européenne sur le climat, le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, la directive sur la résilience des entités critiques, le règlement concernant les menaces transfrontières graves pour la santé, le cadre de gouvernance économique de l’UE (dont la révision est imminente), le règlement sur la restauration de la nature, les directives «Oiseaux» et «Habitats», la directive-cadre sur l’eau, la directive «Inondations», la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» ainsi que la décision relative au mécanisme de protection civile de l’Union et ses objectifs de résilience face aux catastrophes contiennent des dispositions liées à la gestion des risques climatiques. Afin de simplifier les processus et de les rendre plus efficaces, la Commission étudiera comment faciliter, rationaliser et renforcer davantage la mise en œuvre des exigences au niveau de l’UE.
3.2.Des outils pour donner aux propriétaires de risques les moyens d’agir
Grâce aux avancées scientifiques permettant une meilleure compréhension des risques climatiques et grâce au financement de travaux de recherche et d’innovation par l’UE à l’appui de ces avancées, nous sommes maintenant à même d’agir de manière constructive. La Commission continuera d’investir dans des activités de recherche et innovation utiles à la prise de décision et de tirer parti des connaissances et des solutions proposées par les missions, projets et partenariats pertinents de l’UE dans le cadre d’Horizon Europe. Mais cela ne suffit pas, comme en attestent les mesures relatives aux connaissances proposées par l’EUCRA. Une évaluation quantitative des risques multi-aléas de haute résolution, combinée à une évaluation de l’adaptation et de la résilience, serait très pertinente pour hiérarchiser les actions. Le fait d’avoir accès aux outils et données de recherche et opérationnels disponibles et d’être capable de les utiliser permettrait de soutenir la compétitivité des entreprises de l’UE et d’améliorer les décisions de politique publique. Il est aussi nécessaire de disposer de statistiques européennes officielles sur la résilience climatique qui soient compilées de manière cohérente avec le PIB et d’autres agrégats des comptabilités nationales.
Même lorsque les structures de gouvernance sont solides, la prise de décisions efficaces en matière de risques climatiques est entravée par d’importants déficits de compétences, de main-d’œuvre et de connaissances, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, aggravés par la désinformation au sujet du changement climatique. Pour parvenir à gérer efficacement les risques climatiques et à faire un meilleur usage des informations et des systèmes d’alerte précoce déjà disponibles, il convient d’améliorer l’accès à ces deniers et aux outils de connaissances connexes et de renforcer les capacités.
Le renforcement de la capacité des propriétaires de risques de s’acquitter de leurs tâches nécessite :
Des données, outils de modélisation et indicateurs relatifs au changement climatique. Il est essentiel de disposer de données et modèles climatiques de grande qualité et facilement compréhensibles pour permettre la prise de décisions éclairées sur des questions allant de la planification à long terme aux systèmes d’alerte précoce.
-La Commission et l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) donneront accès aux données, produits, applications, indicateurs et services détaillés et localisés essentiels, notamment par l’intermédiaire de la plateforme Climate-ADAPT et des plateformes de données du service Copernicus concernant le changement climatique, à savoir l’écosystème d’espaces de données Copernicus et WEkEO.
-Les deux premiers jumeaux numériques conçus dans le cadre de l’initiative «Destination Terre» (DestinE) et qui concernent l’adaptation au changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes permettront de produire, à partir de la mi-2024, des simulations détaillées des scénarios climatiques aux niveaux mondial, national et infranational à l'échelle de plusieurs décennies, avec quantification de l’incertitude. Le jumeau numérique de l’océan sera aussi utilisé pour fournir des simulations et des scénarios détaillés et, partant, faciliter la compréhension de phénomènes comme l’élévation du niveau de la mer, la fonte des glaces, l’érosion côtière, le cycle du carbone et l’évolution de la biodiversité. Horizon Europe continuera de soutenir les activités de recherche destinées à produire de grandes séries de simulations climatiques continues de haute résolution sur plusieurs décennies afin de mieux caractériser les risques et incertitudes au niveau local.
-Pour répondre aux situations d’urgence, le service d’alerte d’urgence par satellite de Galileo (EWSS), qui sera disponible en 2025, permettra de transmettre des informations d’alerte aux personnes, aux entreprises et aux pouvoirs publics, même en cas de défaillance des systèmes d’alerte terrestres.
-Les principales lacunes en matière de données seront réduites grâce aux propositions législatives relatives à la surveillance des forêts et à la surveillance des sols, qui amélioreront les outils d’alerte précoce pour les incendies de forêt et autres catastrophes et contribueront à l’obtention d’évaluations plus précises des risques. Plus généralement, la Commission encouragera l’utilisation des systèmes de suivi, de prévision et d’alerte disponibles.
La Commission réexaminera les outils et lignes directrices existants, et notamment l’outil European Climate Data Explorer
proposé par l’AEE et le tableau de bord de l’adaptation hébergé sur le portail de la mission de l’UE pour l’adaptation au changement climatique sur la plateforme Climate-ADAPT, le centre de données sur les risques et le tableau de bord sur les risques climatiques
du projet PROVIDE, et elle fera davantage appel aux capacités d’analyse et de prospective du centre de coordination de la réaction d’urgence. La Commission améliorera l’accès des utilisateurs à ces outils, y compris au niveau local, et en contrôlera l’utilisation. Elle cherchera à obtenir de meilleurs indicateurs sur les progrès accomplis en matière de résilience, en liaison notamment avec d’autres indicateurs interdépendants et pertinents afin de garantir une approche systémique.
Des scénarios climatiques de référence. Pour faciliter l’évaluation des risques, la Commission utilisera le scénario d’émissions intermédiaire du GIEC comme scénario de référence acceptable le plus bas pour couvrir les risques physiques aux fins de l’évaluation des incidences des politiques, et elle se fondera sur des scénarios plus défavorables pour les tests de résistance et pour comparer les possibilités d’adaptation. Les États membres en sont avertis, et l’on attend à ce que les acteurs privés en fassent de même; la Commission publiera les orientations internes qu’elle a rédigées à ce sujet. Améliorer des données historiques portant, par exemple, sur les pertes dues à des catastrophes est utile pour disposer d’indicateurs et alimenter des projections. Il serait toutefois irresponsable de décider de l’avenir climatique en se fondant principalement sur des données historiques extrapolées.
Un renforcement des capacités des secteurs public et privé. La Commission aidera à l’élaboration de matériels de formation et de cours ouverts en ligne sur la résilience au changement climatique au moyen d’une plateforme en ligne unique et, pour partie, de la plateforme Climate-ADAPT. La vaste gamme d’outils de planification de l’adaptation au niveau de l’UE sera intégrée à la base de connaissances. La Commission soutiendra les États membres dans les efforts qu’ils déploient pour faire en sorte que leurs programmes d'études et de formation, y compris ceux destinés aux administrateurs publics, soient parés pour l’avenir, et elle continuera de promouvoir la coopération administrative entre les États membres et au sein de ces derniers. À mesure que les discussions se poursuivront, la Commission mettra au point des outils d’évaluation des risques climatiques et des risques de catastrophe afin d’aider les États membres et le secteur privé, et notamment les PME.
La Commission s’appuiera également sur des outils existants:
-La mission «Adaptation au changement climatique» de l’UE contribue très largement au renforcement des capacités régionales.
-L’instrument d’appui technique aide les États membres à concevoir et à mettre en œuvre des réformes visant à réduire et à gérer les risques climatiques.
-Le cadre des compétences en matière de durabilité (GreenComp) publié en 2022 sert de base pour renforcer les compétences requises pour lutter contre le changement climatique.
-Les initiatives et les politiques en matière d’éducation et de formation élaborées dans le cadre de l’espace européen de l’éducation (par exemple, avec la coalition «Éducation pour le climat») seront exploitées.
-Le modèle de collaboration unique entre le monde universitaire, la recherche et les entreprises développé dans le cadre de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) et de ses communautés de la connaissance et de l’innovation (CCI), notamment la CCI «Climat» de l’EIT, peut apporter un soutien.
Lutter contre la désinformation La Commission contribuera aux efforts entrepris pour suivre et analyser la manière dont sont diffusés des discours de désinformation au sein de l’espace public, qui influencent les opinions et les comportements. Elle renforcera l’utilisation d’outils stratégiques, de solutions numériques et d’approches de communication pertinents pour lutter contre la désinformation climatique. Il s’agit notamment de veiller à ce que le respect de la législation sur les services numériques couvre correctement la désinformation et à ce que les sciences du climat soient dûment prises en compte dans le respect du code de bonnes pratiques contre la désinformation par les entreprises de médias sociaux. La Commission collaborera aussi avec ses partenaires au niveau international pour lutter contre la désinformation, un problème de plus en plus pressant pour la société, qui trouve son origine dans des incitations économiques faussées et qui menace le fonctionnement de nos systèmes démocratiques.
3.3.Mise à profit des politiques structurelles
Si la répartition de la responsabilité de la prise en charge des risques entre l’UE et ses États membres varie d’un domaine d’action à l’autre, trois domaines d’action structurelle s'annoncent comme particulièrement efficaces pour gérer les risques climatiques dans de nombreux secteurs:
L’amélioration de l’aménagement du territoire dans les États membres. L’affectation des terres et l’aménagement du territoire incombent aux autorités nationales, voire locales dans de nombreux cas. Les terres sont certes des actifs, mais elles revêtent aussi un intérêt et une valeur spécifiques au niveau local, qui dépassent la seule valeur monétaire. Dans le même temps, les décisions en matière d’affectation des terres et d’aménagement du territoire ont une incidence sur la résilience et l’assurabilité face aux risques auxquels sont exposées les communautés et les économies au sens large. Ces décisions devraient contenir de manière explicite les hypothèses relatives aux risques climatiques et être approuvées par les autorités nationales chargées de la résilience des infrastructures et entités essentielles. La Commission examinera les possibilités d’encourager l’adoption de bonnes pratiques, notamment en renforçant le lien entre la qualité de la planification territoriale et maritime et les politiques en matière de cohésion, de transport, de pêche, de finances et d’agriculture. Elle s’appuiera sur les travaux existants et intégrera les principes de la résilience dans l’initiative «Nouveau Bauhaus européen» afin de favoriser une planification de l’aménagement du territoire qui soit résiliente.
L’intégration des risques climatiques dans la planification et la maintenance des infrastructures critiques Étroitement liée à l’aménagement du territoire, l’aptitude des pouvoirs publics à maintenir les fonctions sociétales dépend de la résilience des entités qui exploitent les infrastructures critiques destinées à fournir des services essentiels à la société et à l’économie. La directive sur la résilience des entités critiques facilite la coordination entre les États membres et définit les processus d’évaluation des risques qui s'appliquent à ces derniers et aux entités critiques. La Commission invite chaque État membre à veiller à ce que l’évaluation nationale des risques qu’il effectue au titre de la directive sur la résilience des entités critiques porte explicitement sur la résilience à long terme des entités relevant de cet acte face aux risques climatiques, et elle invite les États membres à le faire avant l’échéance de 2026 fixée dans la directive. Certaines des infrastructures critiques sont définies et cofinancées au niveau de l’UE, comme les réseaux transeuropéens RTE-T et RTE-E, mais aussi comme les hôpitaux et les écoles financés par l’UE, par exemple. La Commission mettra à jour et élaborera les documents d’orientation pertinents pour les différents secteurs concernés. Les données et services satellitaires disponibles devraient être pleinement exploités pour renforcer la résilience des infrastructures critiques face aux risques climatiques.
L’établissement d’un lien entre la solidarité au niveau de l’UE et les mesures de résilience nationales appropriées. Si les capacités nationales sont dépassées, les capacités de protection civile et d’autres mécanismes de solidarité au niveau de l’UE (dont le MPCU, le Fonds de solidarité de l’UE, les investissements structurels relevant de la politique de cohésion, certains outils de la politique agricole commune et d’autres trains de mesures d’appui sectoriel) peuvent être mobilisés pour protéger les populations contre les effets du changement climatique et les aider à se rétablir plus rapidement. Toutefois, tant au niveau national qu’au niveau de l’UE, les capacités sont déjà mises à rude épreuve et les pressions sur les risques vont continuer d’augmenter. Depuis 2019, le MPCU a été activé 76 fois pour coordonner l'assistance dans des États membres de l’UE et des pays tiers dans des situations d’urgence liées au climat (inondations d'ampleur exceptionnelle, incendies de forêt, tempêtes et graves sécheresses). Plus de 8,6 milliards d’EUR ont été dépensés par l’intermédiaire du Fonds de solidarité de l’UE pour soutenir 24 États membres et 4 pays en voie d’adhésion après 110 catastrophes liées à des aléas naturels.
Les mécanismes de solidarité doivent être dotés des ressources nécessaires pour permettre à l’UE d'aider à parer aux besoins. Les systèmes et moyens de protection civile doivent être pérennisés par des investissements dans la gestion des risques de catastrophe, dans des capacités de réaction et dans des compétences, aux niveaux de l’UE et des États membres, pouvant être rapidement déployées au-delà des frontières. Dans ce contexte, les risques climatiques doivent être pleinement intégrés dans les processus de gestion des risques de catastrophes, comme le prévoient les objectifs de l’Union en matière de résilience face aux catastrophes et le rapport de la Commission sur la prévention et la gestion des risques de catastrophes en Europe
. Avec l’augmentation des risques, les capacités de réaction et de rétablissement dont dispose l’UE peuvent finir par s’épuiser; la Commission examinera donc la manière dont les mécanismes de solidarité pourraient inciter davantage les États membres à prendre des mesures d’anticipation adéquates concernant les principaux risques, et ce également dans l’intérêt de la viabilité budgétaire, tout en renforçant la gestion des risques de catastrophes ainsi que la préparation et la réaction de l’UE à ces risques.
3.4.Conditions préalables adéquates pour le financement de la résilience climatique
Les décideurs politiques, les investisseurs et les entreprises doivent comprendre les besoins et les lacunes en matière d’investissement et de protection, concevoir des interventions ciblées en fonction des effets potentiels et de l’urgence, associer les propriétaires de risques et élaborer des stratégies de financement à long terme. Afin de gérer efficacement les risques climatiques, les dépenses publiques au niveau de l’UE et au niveau national, y compris les investissements sociaux, et les incitations à l’investissement privé devraient être conçues de manière à ce que la prévention des dérèglements et dommages liés au climat devienne le meilleur choix sur le plan économique. Le respect des règles applicables aux aides d’État doit être garanti. Il faut pour cela:
Veiller à ce que les dépenses de l’UE soient résilientes face au changement climatique. La Commission intégrera les aspects relatifs à l’adaptation au changement climatique dans la mise en œuvre des programmes et activités de l’UE selon le principe consistant à «ne pas causer de préjudice important» énoncé dans le règlement financier pour le cadre financier pluriannuel pour l’après-2027, lorsque cela est possible et approprié. Ainsi, tous les programmes pertinents de l’UE contribueront à la résilience face au changement climatique.
Intégrer la résilience au changement climatique dans les marchés publics. Les marchés publics représentant 14 % du PIB de l’UE, il importe qu'ils tiennent compte des risques climatiques. En ce qui concerne les décisions relatives aux infrastructures en particulier, cette action joue un rôle essentiel dans le soutien à la résilience au changement climatique des actifs et dans la sensibilisation et l’information des entreprises en la matière. Les risques climatiques seront considérés comme un élément à prendre en considération en cas de révision du cadre réglementaire applicable aux marchés publics. Parallèlement, elle invite les États membres à tenir compte, entre autres, des risques climatiques lorsqu’ils intègrent des critères de durabilité environnementale dans des appels d’offres, par exemple en accélérant la mise en œuvre des dispositions du règlement pour une industrie «zéro net» concernant les critères non tarifaires dans la conception de l’appel d’offres.
Mobiliser des fonds pour renforcer la résilience. Il est essentiel d’attirer et de faciliter les investissements privés pour lutter efficacement contre les risques climatiques et renforcer la résilience face au changement climatique. Dans le prolongement de différents travaux pertinents, dont ceux du dialogue sur la résilience climatique, la Commission convoquera un groupe de réflexion temporaire sur la mobilisation du financement de la résilience climatique afin de réfléchir à la manière de faciliter le financement de la résilience au changement climatique. Ce groupe de réflexion réunira des acteurs industriels clés et des représentants d’institutions financières publiques et privées. Il pourra également s’appuyer sur les connaissances de la Banque européenne d’investissement et de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles dans le domaine du financement de l’adaptation et du renforcement de la résilience. Il recensera les bonnes pratiques ainsi que les obstacles et les conditions propices au financement de la résilience au changement climatique. La Commission tiendra compte des résultats de ces discussions afin de relever le niveau du financement de la résilience au changement climatique.
4.Actions clés de l’UE dans les principaux domaines d’impact
Les risques climatiques et les politiques de l’UE sont interconnectés à bien des égards. La plupart des politiques de l’UE comprennent déjà des processus décisionnels qui pourraient tenir compte des risques climatiques. Les nombreux éléments présentés dans le rapport de l’EUCRA alimenteront ces processus. La présente partie définit les actions spécifiques que la Commission entend mener pour certains domaines d’impact, en plus des travaux en cours.
4.1.Écosystèmes naturels
En plus d’être les garants de la biodiversité, les écosystèmes naturels fournissent des services vitaux tels que l’eau douce, la nourriture et les biomatériaux, la séquestration du carbone, la lutte contre l’érosion des sols et des côtes, la prévention des inondations et de la sécheresse et le refroidissement des zones urbaines densément peuplées. Selon les estimations, plus de la moitié du PIB mondial dépend modérément ou fortement de la nature et de la biodiversité. Un écosystème sain s’auto-équilibre, mais il peut aussi s’effondrer rapidement lorsque certains seuils critiques sont franchis. Les effets négatifs les plus immédiats concerneront la sécurité alimentaire, les communautés locales et les secteurs économiques qui dépendent le plus d’une nature en bonne santé. Pour maintenir et restaurer la résilience des écosystèmes et des services qu’ils fournissent, environ 30 à 50 % des parties émergées, des eaux douces et des océans de la Terre devront être préservés.
Les solutions fondées sur la nature à l’épreuve du temps peuvent être économiquement efficaces et accroître la résilience, et devraient être retenues en priorité aux fins de l’adaptation au changement climatique, dans la mesure du possible. Pour parvenir à une gestion efficace des risques climatiques, les écosystèmes doivent être protégés et gérés dans leur globalité; par ailleurs, l’évaluation de la richesse et de l’activité économique devrait inclure le capital naturel dans son ensemble, en utilisant les récentes avancées méthodologiques. La mise en œuvre des directives «Oiseaux» et «Habitats» et l’élaboration des plans nationaux de restauration au titre du futur règlement sur la restauration de la nature devraient permettre des synergies avec la résilience au changement climatique. Soucieuse de soutenir l’adaptation au changement climatique dans les zones protégées, la Commission actualisera les lignes directrices sur le changement climatique et Natura 2000.
Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour prévenir les grandes perturbations forestières et améliorer la préparation à cet égard. La Commission se servira des actions menées dans le cadre du MPCU pour promouvoir la prévention des risques d’incendies de forêt, elle utilisera la proposition de règlement relatif à un cadre de surveillance des forêts européennes résilientes et la proposition de règlement relatif aux matériels forestiers de reproduction et elle tiendra compte des pressions qui s’exercent sur le climat au moment d’estimer la contribution potentielle des puits de carbone aux objectifs «zéro net» de l’UE.
Les États membres doivent améliorer la santé de leurs écosystèmes marins. La Commission exhorte les États membres à tirer le meilleur parti de la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin», du règlement sur la restauration de la nature et du plan d’action pour le milieu marin pour renforcer la résilience et préserver la diversité de l’ensemble de leurs écosystèmes marins afin de maintenir capacité productive de ces derniers et ainsi leur permettre de continuer de fournir des denrées alimentaires, des matériaux et des services écosystémiques. Les actions menées dans le cadre de la mission «Océan et milieu aquatique» de l’UE contribuent à un large éventail de solutions de ce type. Afin de garantir une pêche durable dans le contexte du changement climatique, il convient d’exploiter pleinement les synergies entre la politique commune de la pêche et la législation environnementale, comme il est proposé dans le pacte pour la pêche et les océans, afin de garantir la sécurité alimentaire et assurer la subsistance des pêcheurs et des communautés côtières.
Les éléments essentiels d’un paysage résilient face au changement climatique doivent être traités simultanément afin de préserver la capacité des paysages de réduire le risque de sécheresse, d’inondation, de tempête, d’incendie de forêt ou d’érosion, et de fournir d’autres services écosystémiques. Les zones rurales occupent la plupart des terres européennes, et l’approche cloisonnée de la gestion des sols, de l’eau et des forêts au sein d’une même zone a atteint ses limites. Une approche globale et intégrée est nécessaire pour que les écosystèmes qui s'étendent sur de vastes zones puissent résister aux multiples menaces. Afin de veiller à ce qu'il soit fait le meilleur usage possible des documents de planification existants, en synergie avec les plans d’aménagement du territoire et de restauration de la nature des États membres, la Commission, en collaboration avec les États membres, formulera des orientations sur le développement de paysages résilients permettant d’atténuer les effets du changement climatique.
4.2.Eau
L’eau est une ressource vitale déjà mise à mal dans de nombreuses régions d’Europe du fait d’une mauvaise gestion structurelle, d’une utilisation non durable des sols, de changements hydromorphologiques et de la pollution. Le changement climatique exacerbe ces pressions et accroît les risques liés à l’eau, comme des sécheresses plus fréquentes ou prolongées ou des précipitations d’ampleur exceptionnelle. Ces phénomènes devraient empirer à l’avenir, de grandes régions d’Europe étant soumises à un stress hydrique et exposées à un risque croissant de sécheresses de grande ampleur (touchant de vastes étendues et durant plusieurs années), d’incendies de forêt et d’inondations et à l’élévation du niveau de la mer, avec pour effet un risque accru d’inondations côtières et de tempêtes, d’érosion côtière et de remontées salines.
L’EUCRA souligne que les risques liés à l’eau touchent l’ensemble des principaux secteurs dont il est question dans la présente communication et que les graves inondations, sécheresses et incendies de forêt deviennent une menace sanitaire et une cause récurrente de pertes sociales, environnementales et économiques. Ces risques peuvent se manifester sous diverses formes, dont des sécheresses susceptibles de toucher de vastes zones pendant des périodes prolongées qui ont des effets néfastes sur la production végétale, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau potable et la production d’énergie ou la praticabilité des voies navigables, et qui aggravent le risque d’incendies de forêt; des risques menaçant les infrastructures critiques, les activités économiques et la santé humaine qui sont liés aux inondations et, de manière générale, une concurrence accrue pour les ressources en eau entre les secteurs et les utilisations, y compris le risque potentiel de conflits au sein des États membres et entre eux en ce qui concerne les ressources en eau transfrontalières. Ainsi qu'il est démontré dans l’EUCRA, le coût d’une mise en œuvre insuffisante ou retardée de la gestion intégrée de l’eau sera exorbitant. Selon les estimations, le coût des sécheresses est estimé à 9 milliards d’EUR par an et le coût des inondations à plus de 170 milliards d’EUR depuis 1980.
La protection et la restauration du cycle de l’eau, la promotion d’une économie européenne attachée à la valeur de l’eau et la préservation d’un approvisionnement en eau douce de qualité, abordable et accessible à tous sont essentielles pour garantir une Europe résiliente dans le domaine de l’eau. Pour y parvenir, il faut renforcer notre capacité collective à gérer et utiliser l’eau avec plus de souplesse compte tenu de l’évolution rapide et partiellement imprévisible des situations géopolitiques, économiques, sociétales et environnementales. L’eau est une ressource qu’il faut gérer tout en adaptant la demande humaine à l’évolution de l’offre, désormais limitée.
Compte tenu du rôle fondamental que joue l’eau dans la préservation de la vie et dans l’activité économique, la Commission fera le point de manière exhaustive sur les questions liées à l’eau, en s’appuyant sur les conclusions des évaluations en cours des plans de gestion des risques liés aux bassins hydrographiques et aux inondations, ainsi que des programmes de mesures pour le milieu marin mis en place par les États membres, et sur cette base, elle déterminera dans quelle mesure une action s'impose.
4.3.Santé
Le changement climatique a des effets sur la santé humaine. Entre 60 000 et 70 000 décès prématurés ont été attribués à la seule vague de chaleur de 2022 en Europe. Les projections font état d’une forte augmentation nette des taux de mortalité liée à la température dès le milieu du siècle. Lorsqu’il se manifeste par un réchauffement continu et des phénomènes météorologiques extrêmes, le changement climatique peut contribuer à l’émergence ou à l’aggravation de maladies non transmissibles qui sont responsables d’environ deux tiers de l’ensemble des décès en Europe. L’initiative de l’UE sur les maladies non transmissibles «Vivre ensemble en bonne santé» aide les États membres à prendre des mesures appropriées en matière de prévention.
En l’absence de mesures d’adaptation efficaces, la productivité de la main-d'œuvre sera appelée à diminuer, et des heures de travail pourraient être perdues. La vulnérabilité individuelle et régionale et la mesure la plus appropriée dépendent de facteurs tels que les niveaux de préparation, le degré d’urbanisation, la structure d’âge ou la concomitance avec la pollution atmosphérique. Comme la Commission le reconnaît dans sa communication sur une approche globale en matière de santé mentale, la crise climatique a de graves répercussions sur la santé mentale.
L’incidence de maladies infectieuses sensibles au climat devrait augmenter, avec des maladies telles que le virus du Nil occidental, la dengue et le chikungunya qui deviennent endémiques dans certaines régions d’Europe et des agents pathogènes d’origine alimentaire et hydrique qui se propagent plus facilement. Or, dans la plupart des cas, les contre-mesures médicales permettant de lutter efficacement contre ces maladies sont rares ou encore inexistantes. Certains phénomènes météorologiques extrêmes peuvent également entraîner la prolifération de bactéries résistantes et davantage de transferts de gènes, provoquant ainsi une augmentation des cas d’infections par des bactéries et des champignons résistants.
Ces risques, parmi d’autres, exerceront une pression supplémentaire sur les systèmes de soins de santé, les travailleurs des services de santé et les budgets de santé, qui se heurtent déjà à des difficultés. Les principales solutions résident dans des mesures susceptibles de réduire les vulnérabilités et de limiter l’exposition humaine. Les travailleurs du secteur de la santé et les bâtiments directement exposés aux risques climatiques devraient faire l’objet d’un traitement approprié. Afin d'intensifier son action et de mettre en pratique les objectifs et engagements énoncés dans les déclarations de Budapest et de la COP 28 sur le climat et la santé, la Commission entend:
Renforcer les mesures visant à garantir une protection adéquate des travailleurs exposés à des risques climatiques. Dans le cadre de la révision de la législation relative à la santé et à la sécurité au travail, qui protège les travailleurs contre tous les risques professionnels, y compris les risques liés à l’augmentation des températures ambiantes et au stress thermique, la Commission examinera la nécessité d’agir davantage pour protéger les travailleurs contre les risques climatiques, en s’appuyant également sur les orientations et les outils existants. La Commission a mis en place un nouveau dialogue avec les parties prenantes.L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) renforce la prospective sur le lien entre changement climatique et santé et sécurité au travail
; elle lancera en 2025 un projet visant à accroître la résilience au changement climatique sur les lieux de travail.
Développer l’Observatoire européen du climat et de la santé, qui contribue à préparer les systèmes de santé locaux et nationaux au changement climatique, à accroître les capacités, à renforcer les mécanismes de surveillance et d’alerte précoce, à former et à entraîner le personnel de santé et à promouvoir des solutions d’adaptation fondées sur des données et des interventions en matière de soins de santé.
Renforcer les mécanismes de surveillance et de réaction aux menaces sanitaires liées au climat par la mise en œuvre du règlement relatif aux menaces transfrontières graves pour la santé, en établissant des liens étroits entre le système d’alerte précoce et de réaction et d’autres systèmes d’alerte (tels que les alertes climatiques et météorologiques) afin de faciliter la gestion conjointe des risques pour la santé. La nouvelle task-force de l’UE dans le domaine de la santé apportera un soutien aux mesures de réaction de l’UE face aux menaces graves pour la santé, et notamment les événements liés au climat.
Renforcer la mobilisation transfrontière du personnel médical et le transfert de patients, par exemple en mettant au point un cadre d'action visant à soutenir les États membres en cas de surcharge de leurs services de santé.
Garantir l’accès à des contre-mesures médicales critiques et leur mise au point. La hausse des températures et l’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes peuvent perturber la fabrication ou limiter l’accès aux matières premières. En outre, les modifications des schémas pathologiques induites par le changement climatique peuvent entraîner des hausses inattendues de la demande de certains médicaments ou créer une demande de produits entièrement nouveaux, mettant ainsi à rude épreuve les chaînes d’approvisionnement existantes ou exigeant des investissements dans de nouvelles chaînes d’approvisionnement. Afin de réduire les vulnérabilités, la Commission évaluera les risques pertinents et constituera des stocks stratégiques des principales contre-mesures. Dans le cadre d’Horizon Europe et du programme «L’UE pour la santé» (EU4Health), la Commission soutient la mise au point de nouveaux vaccins et traitements contre des maladies infectieuses tropicales émergentes qui sont négligées. Des progrès récents ont ainsi été réalisés en ce qui concerne un vaccin contre le virus du chikungunya.
4.4.Alimentation
L’approvisionnement alimentaire de l’UE est de plus en plus exposé aux risques climatiques, de la production agricole, notamment dans le sud de l’Europe, à la pêche et à l’aquaculture, en passant par la transformation des denrées alimentaires et les chaînes d’approvisionnement internationales. Le changement climatique a une incidence sur les quatre piliers de la sécurité alimentaire à court, moyen et long terme, à savoir la disponibilité, l’accès, l’utilisation et la stabilité. Il interagit, de multiples façons et en cascade, avec de nombreux autres facteurs de la sécurité alimentaire comme le stress hydrique, l’excès de nutriments, la santé des sols, l'alimentation et la santé. La production alimentaire est particulièrement menacée par les inondations, les vagues de chaleur, les sécheresses, les pressions croissantes qu’exercent les parasites et les maladies, ainsi que par la perte de biodiversité, la dégradation des sols et les changements dans la migration des poissons.
Pour les agriculteurs, la chaleur va rendre plus compliqué le travail à l’extérieur. Les changements intervenus dans les zones agroclimatiques exerceront une pression sur la sélection des cultures et augmenteront le taux de mauvaises récoltes, tandis que les prix des intrants et la variabilité des marchés mondiaux compliquent la situation financière. Pour les pêcheurs, les pressions supplémentaires exercées par le changement climatique, l’eutrophisation et l’acidification des océans peuvent faire baisser la productivité des stocks halieutiques et par conséquent les captures, et s’ajouter à la surexploitation de certains stocks. Les moyens de subsistance et la durabilité de la production alimentaire de l’UE étant menacés, le fait de prévoir des solutions d’adaptation au niveau des exploitations agricoles ou des opérations de pêche ne sera pas suffisant et devra s'accompagner de mesures de soutien adéquates pour la transition vers une agriculture et une pêche résilientes. Ces mesures de soutien devraient aussi permettre aux consommateurs de continuer d'avoir accès, à un coût raisonnable, à des denrées alimentaires saines et durables tout en garantissant des revenus durables aux agriculteurs.
Si les importations de denrées alimentaires dans l’UE ne constituent pas encore un risque majeur, des mauvaises récoltes simultanées dans plusieurs des principaux «greniers à blé» de la planète ou des pertes dans les principales pêcheries du monde peuvent, le cas échéant, conduire à une hausse des prix des denrées alimentaires dans l’UE (les producteurs de l’UE vendant aux prix mondiaux), qui se répercuterait sur le pouvoir d’achat des consommateurs et compromettrait la sécurité alimentaire et l'accès à une alimentation saine et abordable pour les ménages les plus pauvres de l’UE. En outre, si ce problème n’est certes pas encore systémique, la sécurité alimentaire est déjà davantage exposée à des agents pathogènes favorisés, entre autres, par l’augmentation des températures.
Les progrès techniques, l’amélioration de la gestion agricole et l’adaptation continue des pratiques agricoles ont contribué à l’adaptation au changement climatique à court terme. La stratégie d’adaptation de l’UE et la politique agricole commune ont favorisé la prise de mesures d’adaptation, mais peu d’éléments attestent une préparation d’ordre structurel aux catastrophes liées au climat. Par ailleurs, une meilleure utilisation de la diversité génétique et des ressources phytogénétiques non nuisibles à des fins d’adaptation et de résilience au changement climatique est susceptible d’aider les agriculteurs et les gestionnaires de terres à faire face aux risques climatiques. La proposition de règlement concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés peut contribuer à la mise en place de solutions de ce type.
La pérennité de la production alimentaire de l’UE sera l’une des priorités de la Commission. La Commission continuera de coopérer avec les États membres pour tirer le meilleur parti des plans stratégiques relevant de la politique agricole commune afin d’améliorer la résilience au changement climatique et de parvenir à une utilisation plus générale des outils de gestion des risques. Étant donné que la dégradation des sols constitue une grave menace pour notre production alimentaire, la Commission, en coopération avec les États membres, renforcera la surveillance de l’état de santé des sols. La contribution des agriculteurs à la protection des services écosystémiques devrait être davantage valorisée. La Commission procédera aussi à une étude sur l’adaptation dans le domaine agricole, qui devrait s'achever d’ici à la fin 2025.
Le réchauffement et l’acidification des océans, qui entraînent l’intensification des vagues de chaleur marines et l’extension des zones caractérisées par de faibles taux d’oxygène, modifient déjà la composition des espèces et affectent les stocks halieutiques au fur et à mesure qu’ils se déplacent vers des eaux plus profondes et s'approchent des pôles. Il en résultera des incohérences entre les quotas établis et les possibilités de pêche effectives. La politique commune de la pêche devrait intégrer les incidences sur le climat. Les prévisions des stocks halieutiques doivent tenir compte des divers possibles effets que le changement climatique pourrait avoir à l’avenir, et les pratiques de gestion de la pêche devraient être résilientes aux futurs changements écologiques. Aux fins de l’actualisation du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, les risques climatiques devraient être pleinement intégrés dans les mesures de soutien de ce fonds en faveur de pratiques de pêche et d’aquaculture durables qui renforcent la résilience.
4.5.Infrastructures et environnement bâti
Les infrastructures sont exposées à des risques importants liés aux inondations, aux incendies de forêt, aux températures élevées et à d’autres événements extrêmes, qui peuvent entraîner des dommages. La perte d’accès à l’énergie, aux transports et aux communications peut rapidement perturber une société. À ce jour, il n’existe pas d’évaluation fiable de la capacité des infrastructures de l’UE de fonctionner dans des conditions climatiques changeantes. Les infrastructures critiques et le parc immobilier vieillissent rapidement. Compte tenu du manque de connaissances et de la perception de coûts prohibitifs, les États membres éprouvent des difficultés à planifier et à entreprendre d’importants efforts d’adaptation de leurs infrastructures, alors même que le coût des dommages causés ne serait-ce que par une catastrophe peut se révéler bien supérieur au montant des fonds mis à la disposition de l’UE en faveur des infrastructures.
Les objectifs que s’est fixés l’UE d’augmenter les taux de rénovation et de décarboner l’économie sont une occasion d’améliorer la résilience au changement climatique. La conception de l’environnement bâti détermine la résilience des bâtiments et celle de leurs habitants. Il convient de maximiser les avantages connexes que présentent les logements protégés contre les effets du changement climatique, à savoir l’accessibilité financière, un cadre de vie plus sain et une plus grande efficacité énergétique. En plus d’une surveillance horizontale étroite des risques systémiques liés aux infrastructures et de leur localisation par l’aménagement du territoire, il faut prévoir davantage de solutions sectorielles.
Les normes en matière d’infrastructures doivent être renforcées. La Commission demandera aux organisations européennes de normalisation d’intégrer les considérations relatives à l’adaptation au changement climatique et à la résilience dans les normes européennes applicables à la conception d’infrastructures dont le cycle de vie est supérieur à trente ans, telles que les centrales électriques ou les voies chemins de fer. Elle les invitera aussi à mettre au point de nouvelles normes dans le domaine des services climatiques.
La mise à jour prévue des normes (Eurocodes) concernant les bâtiments, qui fixe les exigences minimales applicables en matière de conception structurelle dans l’UE en 2026, rendra obligatoire la prise en compte des aléas climatiques à venir dans les structures des bâtiments. La Commission réalise actuellement des études pilotes et élaborera des orientations à l’intention des États membres en ce qui concerne l’utilisation d’ensembles de données climatiques librement disponibles, qui leur permettront de définir la charge climatique attendue sur leur territoire.
Le festival du Nouveau Bauhaus européen, qui se tient en avril 2024, constitue une excellente occasion d'amorcer le dialogue avec des responsables des différents segments du secteur de la construction afin de promouvoir une meilleure intégration de l’adaptation au changement climatique et de la résilience dans ce secteur.
Toutes les infrastructures de transport sont menacées par le changement climatique. Toutefois, il existe un déficit de connaissances au niveau de l’UE en ce qui concerne la résilience des infrastructures de transport européennes face aux effets du changement climatique, et plus particulièrement pour ce qui est de l’exposition aux risques, des besoins et des solutions d’adaptation, ainsi que des investissements nécessaires à cet égard. En proposant une version révisée de ses orientations sur le développement du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), la Commission entend soutenir la réalisation d’évaluations des risques climatiques et la prise en compte des enjeux climatiques. Elle a lancé une étude
sur la résilience au changement climatique du RTE-T, qui constitue une première étape pour combler le déficit de connaissances relevé et pour recenser les besoins d’adaptation et les priorités d’investissement.
La planification des risques climatiques doit être renforcée dans le secteur de l’énergie. Le changement climatique entraîne une augmentation des risques pesant sur la sécurité énergétique, et plus particulièrement des risques de coupures d'électricité dues à la chaleur, aux incendies de forêt, aux sécheresses et aux inondations, qui influent sur les pics de consommation et ont des conséquences sur la production, le stockage, le transport et la distribution. Seuls quelques États membres ont prévu, dans leur projet de mise à jour de leur PNEC, des plans détaillés pour la prise en considération de l’adaptation au changement climatique dans le contexte de la résilience de leurs systèmes énergétiques. La Commission étudiera les possibilités qui s’offrent de mieux intégrer les risques climatiques, par exemple dans le cadre de la révision actuelle du règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat. En partant des plans nationaux de préparation du secteur de l’électricité, la Commission envisagera aussi d’engager un dialogue sur les risques climatiques avec certaines parties prenantes du secteur de l’énergie; elle invite les acteurs intéressés (par exemple, le secteur de l’électricité) à présenter des propositions.
4.6.Économie
Chaque nouvelle catastrophe liée au changement climatique fera peser un poids supplémentaire sur l’économie, lié aux pertes de productivité et de vies humaines, aux dommages directs, à une réduction du potentiel de croissance et à la pression sur les budgets publics. Lorsque l’investissement est réorienté vers la reconstruction après la survenue de dommages, le montant disponible pour l’investissement productif est réduit. Les interactions entre les différents segments du système financier ne sont pas bien comprises, et les risques climatiques peuvent pousser certaines vulnérabilités existantes au-delà des seuils critiques pour ces systèmes. Les budgets publics constituent le principal moyen de couvrir ces risques, mais ils sont déjà soumis à des niveaux d’endettement élevés. Les passifs éventuels implicites liés aux risques climatiques pourraient compromettre la stabilité et la viabilité budgétaires des États membres. Les risques pour l’économie de l’UE pourraient être importants.
La sécurité économique de l’UE est également exposée aux risques climatiques qui pèsent sur les chaînes d’approvisionnement, en ce qui concerne notamment les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs. Eu égard aux lacunes actuelles dans les données et les connaissances, il n’est pas exclu que les risques liés au climat soient actuellement sous-évalués. Il peut en résulter des réactions désordonnées sur le marché, par exemple lorsque des événements extrêmes se produisent ou sont susceptibles de se produire. La couverture d’assurance des actifs et des biens immobiliers exposés au changement climatique est faible dans l’UE et présente des variations importantes entre les États membres et entre les dangers liés au climat. Qui plus est, elle devrait encore diminuer avec l’augmentation des primes, les phénomènes climatiques gagnant en fréquence et en intensité. Le travail de fond qui mené actuellement en ce qui concerne les différents risques liés à la durabilité, que ce soit dans le cadre de la stratégie de l’UE en matière de finance durable ou du dialogue sur la résilience climatique, vise à combler le déficit de protection contre les aléas climatiques en matière d’assurance.
L’UE a déjà pris des mesures considérables pour faire avancer l’action pour le climat et le commerce au niveau mondial. La coalition des ministres du commerce pour le climat
, lancée et dirigée par l’UE, l’Équateur, le Kenya et la Nouvelle-Zélande, témoigne d’une reconnaissance accrue, par les gouvernements, des intérêts qu'ils partagent en ce qui concerne le lien entre le changement climatique et le commerce qui permet de renforcer la contribution que la politique commerciale et commerciale peut apporter à l’action pour le climat. Les accords commerciaux bilatéraux de l’UE peuvent constituer d'importantes plateformes de dialogue entre les partenaires commerciaux sur l’action en faveur du climat et de l’environnement
.
Les risques liés au changement climatique menacent gravement la résilience des entreprises de l’UE, et en particulier celle des PME. Ils ont des répercussions sur l’accès des PME au financement, sur leur coût du capital et sur leur capacité de rembourser leurs dettes. Près de la moitié des entreprises de l’UE sont exposées à des risques naturels, mais moins d’un tiers des entreprises ont investi ou envisagent d’investir dans des mesures d'atténuation des effets des risques naturels
. Comme indiqué dans la stratégie de l’UE en faveur des PME, il est essentiel d’aider les PME à comprendre et à atténuer les risques liés à l’environnement. Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie européenne en matière de sécurité économique, la Commission tiendra compte aussi des risques liés au changement climatique. Les actions prévues dans le train de mesures de soutien aux PME, qui visent, entre autres, à faciliter l’accès des PME à des financements durables tout en réduisant au minimum la charge administrative, aident également les entreprises de l’UE à maintenir leur compétitivité et, éventuellement, à prendre l’initiative et la direction des opérations en matière de développement du marché dans des segments qui renforcent leur résilience au changement climatique. Il s’agit à la fois de soutenir la société et de prendre une part importante sur le marché mondial des technologies et des systèmes d’information liés à la résilience au changement climatique et à la gestion des risques. Soucieuse d’améliorer la résilience systémique des chaînes d’approvisionnement de l’UE, la Commission explorera les possibilités d’examiner les risques climatiques physiques dans le cadre du suivi des vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement.
Renforcer la viabilité budgétaire est une nécessité évidente. L’accord provisoire sur un nouveau cadre de gouvernance économique devrait renforcer la viabilité budgétaire et promouvoir la croissance au moyen de réformes et d’investissements, notamment pour les priorités communes de l’UE, comme la transition climatique
. Des travaux sont en cours pour améliorer les projections concernant les incidences du changement climatique sur la soutenabilité de la dette. Dans le cadre de l’accord provisoire, les modifications apportées à la directive sur les cadres budgétaires nationaux comprennent des obligations de publication d’informations liées au climat dans les plans budgétaires annuels et pluriannuels nationaux. Ces dispositions concernent les données antérieures sur les pertes liées au climat et les estimations des risques budgétaires liés au changement climatique. Pour améliorer et intégrer la budgétisation axée sur le risque climatique dans les processus budgétaires nationaux, la Commission est disposée à aider les États membres à échanger les bonnes pratiques et à leur apporter un soutien et des formations techniques. Des travaux sont en cours pour affiner les estimations relatives aux besoins d’investissement en matière d’adaptation
; la Commission collaborera également avec les États membres pour combler les lacunes dans les données, notamment en ce qui concerne l’estimation des besoins nationaux d’investissement en matière d’adaptation. La Commission est prête à aider les Trésors publics des États membres qui souhaitent s’entretenir sur leur rôle dans la coordination, la formulation et la mise en œuvre des politiques d’adaptation.
Les politiques des marchés financiers doivent suivre une approche prudente des risques climatiques afin de préserver la stabilité financière. La stratégie de l’UE en matière de finance durable vise à rendre le changement climatique et d’autres risques liés à l’environnement plus transparents et le système financier de l’UE plus sûr. La Commission continuera de s'assurer que tous les risques pertinents sont dûment pris en compte dans les cadres prudentiels, par exemple dans les propositions récemment adoptées concernant Solvabilité II et le règlement sur les exigences de fonds propres, qui servent de base à l’intégration des risques liés au changement climatique dans les réglementations des banques et des assureurs. La Commission veillera à leur mise en œuvre rapide.
5.Prochaines étapes
Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie d’adaptation de l’UE, la présente communication souligne les actions clés que l’UE et ses États membres doivent prendre pour mieux gérer les risques climatiques croissants, notamment pour appliquer les politiques existantes et définir plus clairement la répartition de la responsabilité des risques dans les processus de gouvernance. Il s’agit de déclencher une réaction ferme et rapide face à la menace manifeste et imminente que représente l'augmentation des catastrophes climatiques.
La communication rappelle qu'il est nécessaire de disposer d’éléments utiles à la prise de décision, tels que le rapport EUCRA, les observations les plus récentes sur la température, les rapports d’avancement et les informations sur les coûts des dommages liés au changement climatique. Elle souligne qu’il importe de tirer le meilleur parti des informations disponibles pour éclairer les choix politiques dans tous les secteurs. Dans les années à venir, les décideurs politiques à tous les niveaux de gouvernance devraient se pencher sur l’adaptation au changement climatique de manière proactive, en utilisant les outils, technologies et autres moyens qui existent déjà. Pour ce faire, une action concertée à tous les niveaux et la définition d’une trajectoire claire vers l’amélioration de la préparation et de la résilience seraient nécessaires.
Si la présente communication se concentre sur l’action au sein de l’Union européenne, elle prévoit également l’échange et le partage d’expériences et d’informations avec les pays partenaires de l’UE. Le secteur et le domaine d’action sur lesquels porte le présent document sont largement alignés sur les décisions relatives à l’adaptation au changement climatique prises lors de la COP 28 de la CCNUCC à Dubaï. La Commission intégrera en amont les sujets pertinents aussi bien dans des cadres bilatéraux (alliances et partenariats verts) que dans les instances concernées des Nations unies et d’autres enceintes multilatérales (G7, G20, OCDE, FEM, OMC, etc.). La Commission étudiera la possibilité d’organiser un colloque international sur la gestion des risques climatiques mondiaux en 2025, réunissant des représentants des gouvernements, des bailleurs de fonds et des organisations spécialisées du monde entier.
La Commission continuera de travailler avec les États membres, le public, les entreprises et les autres institutions de l’UE afin d’accroître la résilience de la société et de l’économie européennes. Ensemble, nous pouvons protéger les personnes et la prospérité.