Merci beaucoup Madame la présidente Metsola,
Monsieur le premier Ministre Orban,
Mesdames et Messieurs les députés,
Nous nous réunissons trois semaines plus tard que prévu, en raison des inondations qui ont dévasté l'Europe centrale. En quatre jours, il est tombé sur l'Europe centrale l'équivalent de cinq mois de pluie. Les phénomènes météorologiques extrêmes sont devenus la norme, avec le changement climatique. Cependant, leur pouvoir destructeur est trop important pour qu'un pays puisse y faire face seul. L'eau a atteint les portes des monuments les plus emblématiques de Budapest. Elle a détruit des cultures et endommagé des usines. Mais au cours de ces trois semaines, nous avons vu les Hongrois se retrousser les manches et s'entraider. L'Europe veut être à leurs côtés. La Hongrie a demandé l'aide de nos satellites Copernicus et nous avons répondu présent, ce qui a permis de coordonner les équipes de secours et de cartographier les dégâts. Nous sommes également prêts à mobiliser notre mécanisme de protection civile et le Fonds de solidarité au profit de tous les pays de la région, dont la Hongrie. La Hongrie peut demander notre soutien, à l'instar des autres pays qui ont l'intention de le faire. L'Union européenne est là pour le peuple hongrois. Dans cette situation d'urgence et ainsi que plus généralement. Les Hongrois méritent de bénéficier pleinement des avantages de l'adhésion et de l'accès aux fonds européens.
Mesdames et Messieurs les députés,
Aujourd'hui, je voudrais me concentrer sur certaines des questions les plus urgentes auxquelles nous sommes confrontés au cours de cette présidence du Conseil, à savoir premièrement, l'Ukraine, deuxièmement, la compétitivité et troisièmement, la migration. Nos amis ukrainiens entrent dans leur troisième hiver de guerre. Et la Russie tente d'en faire l'hiver le plus dur jusqu'à présent. Le mois dernier, elle a lancé plus de 1300 drones contre des villes ukrainiennes. Tout au long de l'été, des centaines de missiles se sont abattus sur les infrastructures énergétiques de l'Ukraine. D'innombrables Ukrainiens ont été tués ou blessés. Des familles ont été séparées. Des villes ont été détruites. Le monde a été témoin des atrocités de la guerre menée par la Russie. Et pourtant, certains rejettent encore la responsabilité de cette guerre non pas sur l'envahisseur, mais sur le peuple envahi. Ils n'incriminent pas la soif de pouvoir de Poutine, mais la soif de liberté de l'Ukraine. Je voudrais donc leur poser cette question: est-ce qu'ils reprocheraient aux Hongrois l'invasion soviétique de 1956? Reprocheraient-ils aux Tchèques et aux Slovaques la répression soviétique de 1968? Reprocheraient-ils aux Lituaniens la répression soviétique de 1991? Les Européens ont beau avoir des histoires et des langues différentes, il n'y a pas une seule de ces langues dans laquelle «paix» soit synonyme de capitulation, et dans laquelle «souveraineté» soit synonyme d'occupation. Les Ukrainiens sont des combattants de la liberté, tout comme les héros qui ont libéré l'Europe centrale et orientale du joug soviétique.
Il n'y a qu'une seule voie pour parvenir à une paix juste pour l'Ukraine et l'Europe. Nous devons continuer à renforcer la résistance ukrainienne en lui apportant notre soutien politique, financier et militaire. Le mois dernier, à Kiev, j'ai annoncé que nous allions accorder un prêt à l'Ukraine à hauteur de 35 milliards d'euros, dans le cadre des 50 milliards de dollars promis par le G7. Ce prêt sera remboursé par les bénéfices exceptionnels des actifs russes immobilisés. Il alimentera directement le budget national de l'Ukraine. Nous faisons payer à la Russie les dommages qu'elle a causés. Et nous resterons aux côtés de l'Ukraine tout au long de cet hiver et aussi longtemps qu'il le faudra.
Mesdames et Messieurs les députés,
La deuxième priorité que j'aimerais évoquer est la compétitivité. Il y a un an, lors de mon discours sur l'état de l'Union, ici à Strasbourg, j'ai annoncé le rapport de Mario Draghi sur l'avenir de la compétitivité européenne. Maintenant, nous venons tous d'entendre son appel à agir. Permettez-moi de mettre l'accent sur deux axes prioritaires. Premièrement, la réduction de l'écart en matière d'innovation par rapport à d'autres grandes économies. L'analyse de M. Draghi est très claire concernant les raisons pour lesquelles nous perdons du terrain, en particulier en matière d'innovations numériques révolutionnaires. Un nombre trop important de nos entreprises innovantes doivent se tourner vers les États-Unis ou l'Asie pour financer leur expansion tandis que 300 milliards d'euros provenant de l'épargne des ménages européens sont investis sur les marchés étrangers chaque année. Et il existe encore trop de barrières dans notre marché unique, faisant barrage au développement international de nos entreprises. C'est pour cette raison que nous avons proposé une Union de l'épargne et des investissements. Nous devons réduire les obstacles qui empêchent les entreprises de croître au-delà des frontières. Et nous proposerons de donner un nouvel élan pour parachever notre marché unique et réduire les charges déclaratives dans des secteurs tels que la finance et le numérique. Telle est la voie à suivre pour renforcer notre compétitivité.
Mais nous constatons aussi qu'un gouvernement au sein de l'Union s'est engagé dans une direction tout à fait opposée et s'est éloigné du marché unique. J'ai écouté très attentivement aujourd'hui. Comment un gouvernement peut-il attirer davantage d'investissements européens si, dans le même temps, il exerce une discrimination à l'encontre des entreprises européennes en les taxant davantage que d'autres? Comment peut-il attirer davantage d'entreprise si, dans le même temps, il impose du jour au lendemain des restrictions à l'exportation? Et comment les entreprises européennes peuvent-elles faire confiance à un gouvernement si celui-ci fait d'elles la cible d'inspections arbitraires ou bloque les permis dont elles ont besoin, et si les marchés publics sont toujours octroyés au même petit groupe de bénéficiaires? Cette situation suscite de l'incertitude et ébranle la confiance des investisseurs. Et tout cela alors que le PIB par habitant de la Hongrie a été dépassé par celui de ses voisins d'Europe centrale. La Hongrie est au cœur de l'Europe et elle devrait aussi être au cœur de notre économie. Le peuple hongrois devrait profiter pleinement de tous les avantages de notre marché unique.
Deuxièmement, le rapport Draghi appelle à un plan conjoint en faveur de la décarbonation et de la croissance. Permettez-moi de m'adresser à ceux qui pensent encore que nous devrions continuer d'utiliser des combustibles fossiles russes polluants. Quelques jours seulement après l'entrée des chars russes en Ukraine, les dirigeants européens s'étaient réunis à Versailles. Et ils s'étaient tous, chacun des 27, mis d'accord en faveur d'une diversification de l'approvisionnement pour s'affranchir des carburants fossiles russes, dès que possible. Alors où en sommes-nous de cet engagement, mille jours plus tard? L'Europe a effectivement diversifié son approvisionnement. Nous avons construit des infrastructures et tissé de nouveaux liens avec des partenaires fiables. Nous avons investi dans une énergie bon marché et propre qui est produite en Europe, et avec succès. Au premier semestre de l'année, 50% de l'ensemble de notre électricité a été d'origine renouvelable, produite chez nous, à partir de nos propres énergies, ce qui a créé des emplois de qualité en Europe, et non en Russie. Mais les engagements pris à Versailles n'ont pas été honorés par tous. Au lieu de chercher d'autres sources d'énergie, un État membre en particulier s'est contenté de chercher d'autres moyens de s'approvisionner en combustibles fossiles auprès de la Russie. La Russie a montré à maintes reprises qu'elle n'était tout simplement pas un fournisseur fiable. Il n'y a plus aucune excuse. Quiconque veut la sécurité énergétique en Europe doit avant tout y contribuer. C'est la règle que nous devons suivre.
Mesdames et Messieurs les députés,
Venons-en enfin à la migration. Tout le monde est bien conscient que la migration est un problème européen qui nécessite une réponse européenne. C'est pourquoi le Parlement européen et le Conseil ont adopté le nouveau pacte sur la migration et l'asile. Et il faut maintenant le mettre en œuvre. Nous examinons déjà la situation des États membres, notamment de ceux qui se trouvent aux limites extérieures de notre Union, afin de les aider à gérer la frontière de l'Union européenne.
Monsieur le Premier ministre,
J'ai écouté vos paroles ce week-end. Vous avez déclaré que la Hongrie «protégeait ses frontières» et qu'en Hongrie, «on enfermait les criminels». Je me demande simplement comment réconcilier cette déclaration avec le fait que l'an dernier, les autorités de votre pays ont libéré de prison des passeurs et des trafiquants avant qu'ils n'aient terminé de purger leur peine. Ceci n'est pas lutter contre la migration irrégulière en Europe. Ceci n'est pas protéger notre Union, c'est se défausser d'un problème sur son voisin.
Nous voulons tous mieux protéger nos frontières extérieures. Mais nous n'y arriverons que si nous luttons ensemble contre le crime organisé et si nous sommes solidaires. Et à propos de qui l'on doit laisser entrer. Comment est-il possible que le gouvernement hongrois invite des ressortissants russes dans l'Union sans contrôles de sécurité supplémentaires? Cela fait du nouveau système de visas de la Hongrie un risque pour la sécurité non seulement de la Hongrie, mais de tous les États membres. Et comment est-il possible que le gouvernement hongrois permette à la police chinoise d'intervenir sur son territoire? Ceci n'est pas défendre la souveraineté de l'Europe, c'est ouvrir la porte à l'ingérence étrangère.
Oui, nous devons renforcer Frontex. Oui, nous devons finaliser la législation en matière de lutte contre le trafic de migrants, consolider Europol, et mettre en œuvre le pacte dans son intégralité. Mais on ne peut y parvenir qu'en augmentant la coopération européenne, et non en la réduisant. Et bien entendu, en respectant pleinement notre état de droit et nos valeurs fondamentales.
Mesdames et Messieurs les députés,
C'est la deuxième fois que la Hongrie assume la présidence du Conseil. La première, c'était en 2011. Et à cette occasion, le Premier ministre Orban avait déclaré “[nous] suivrons les traces des révolutionnaires de 1956. Et [nous] entendons servir la cause de l'unité européenne. L'Europe doit rester unie pour tenir bon.” Je pense que nous sommes tous d'accord. L'Europe doit rester unie. C'était vrai à l'époque. Et ça l'est encore aujourd'hui. Permettez-moi donc de conclure en m'adressant au peuple hongrois. Nous sommes une seule et même famille. Votre histoire est la nôtre. Votre avenir est le nôtre. Dix millions de Hongrois représentent dix millions de bonnes raisons de continuer à façonner notre avenir ensemble.
Merci, et vive l'Europe.
Détails
- Date de publication
- 9 octobre 2024
- Auteur
- Représentation au Luxembourg