En cours au Siège de l'ONU

9825e séance – matin
CS/15950

Conseil de sécurité: le renforcement de la coopération sécuritaire régionale en Afrique de l’Ouest et au Sahel n’exclut pas le soutien de la communauté internationale

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Ce matin, M. Leonardo Santos Simão, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, a présenté au Conseil de sécurité un diagnostic d’une région en proie à des défis sécuritaires et humanitaires persistants, voire s’aggravant.  La décision de janvier 2024 des gouvernements de transition du Mali, du Niger et du Burkina Faso de se retirer de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de former leur propre alliance -l’Alliance des États du Sahel- a été vue par la Directrice exécutive de West Africa Network for Peacebuilding comme « mettant en péril la stabilité régionale et le programme prodémocratique de la CEDEAO ». 

Des progrès régionaux ont toutefois été notés par M. Simão, qui est à la tête du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), ainsi que par la plupart des membres du Conseil, notamment l’organisation d’élections transparentes et inclusives au Sénégal et au Ghana, les avancées dans le domaine de la justice transitionnelle en Gambie et en Guinée, ou encore la nouvelle étape en faveur de l’unité nationale en Sierra Leone. 

Les A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) se sont également félicités des transitions démocratiques de certains gouvernements, des révisions constitutionnelles en cours et des processus de réforme législative dans certains pays de la région.  Ils ont dit avoir bon espoir que cette tendance se maintiendra et s’imposera dans d’autres parties de la région, y compris dans les pays où des élections générales et locales sont prévues en 2025, notamment en Côte d’Ivoire et en Sierra Leone.  Le Royaume-Uni a toutefois relevé les retards accusés dans les calendriers de retour à des gouvernements constitutionnels au Mali et au Burkina Faso, alors que le calendrier de transition du Niger reste à arrêter et que celui de la Guinée a également connu un nouveau retard.  La délégation a espéré que le retour à l’ordre constitutionnel dans ces pays se fera rapidement.

L’importance de la coopération et de l’intégration régionales reconnue

Dans ce contexte, a indiqué M. Simão, l’UNOWAS poursuit ses efforts afin de promouvoir le dialogue, favoriser la compréhension mutuelle et transmettre des messages d’encouragement, et ce, en dépit des contraintes financières que connaît actuellement le Bureau.  Il a aussi expliqué que le Bureau recherche un terrain d’entente avec toutes les parties prenantes, y compris les chefs de gouvernement, les institutions régionales, les entités des Nations Unies, les groupes de la société civile, les femmes et les jeunes leaders.  Bien que les résultats positifs de cet engagement soient graduels, le Représentant spécial a dit observer des signes prometteurs d’une collaboration accrue sur des solutions pragmatiques et centrées sur les personnes, le but étant de relever les défis de la région en matière de sécurité, de gouvernance, d’aide humanitaire et de développement socioéconomique. 

Il existe en effet une compréhension commune de l’importance de l’intégration régionale, a noté le haut fonctionnaire, à peine de retour du soixante-sixième sommet ordinaire de la CEDEAO, qui s’est tenu le 15 décembre. « La diplomatie et le dialogue ont pris le devant de la scène. »  Il a ainsi constaté un apaisement des tensions bilatérales et une réduction des récits négatifs.  Lors du sommet, il a d’ailleurs été décidé d’étendre les efforts diplomatiques aux trois pays ayant quitté la CEDEAO en leur offrant six mois supplémentaires de dialogue pour les encourager à y rester.

De nouvelles modalités de coopération pour la lutte antiterroriste

La Fédération de Russie a néanmoins dit comprendre les raisons pour lesquelles ces pays avaient décidé de se retirer de la CEDEAO.  La délégation a invité les membres du Conseil de sécurité à respecter le choix de ces pays, « qui recherchent de nouvelles modalités de coopération », et à veiller à ce que le processus de transition, qui durera jusqu’en juillet prochain, soit « indolore ». La stabilisation à long terme au Sahara-Sahel nécessite le soutien de la communauté internationale au Mali, au Niger et au Burkina Faso, devenus « l’avant-garde de la lutte contre les groupes terroristes transafricains », a argué la Fédération de Russie. Toute action visant à saper les autorités de transition dans ces pays serait, selon la délégation, non seulement incompatible avec les principes de la Charte des Nations Unies, mais aussi, pire, ferait croître la menace terroriste. 

Il y a déjà une montée en puissance des groupes terroristes et extrémistes violents au Sahel et dans certains États côtiers de la région, a observé à ce propos la Directrice exécutive de West Africa Network for Peacebuilding, tandis que M. Simão a insisté sur la nécessité impérative de renforcer le soutien aux mécanismes de coordination régionale dans la lutte contre le terrorisme.

Les A3+ se sont ralliés à cette position en appelant à miser sur les initiatives régionales et à financer de manière prévisible les mécanismes de sécurité régionaux.  À ce titre, ils ont mis en avant l’importance de la Force multinationale mixte (FMM) dans la lutte contre les groupes terroristes dans le bassin du lac Tchad et le potentiel de la pleine opérationnalisation de l’initiative d’Accra, en particulier pour faire face aux menaces transfrontalières pour la paix et la sécurité et lutter contre les activités terroristes.  La FMM est le principal mécanisme de coopération en matière de sécurité dans la région du bassin du lac Tchad, a rappelé le Représentant spécial en reconnaissant qu’elle reste la seule plateforme opérationnelle de coopération en matière de sécurité régionale en Afrique de l’Ouest et au Sahel.  Il a donc plaidé pour un appui renforcé à cette plateforme.  La Chine a d’ailleurs relevé le retour du Niger, en juillet dernier, dans cette force. 

Sécurité régionale et résilience climatique vont de pair

À côté des menaces sécuritaires, la question de la sécurité climatique a suscité un vif intérêt ce matin.  Les effets dévastateurs des changements climatiques dans la région exacerbent les défis posés aux communautés fragiles et aggravent l’insécurité alimentaire, ont relevé les A3+.  L’impact des changements climatiques fait partie des causes profondes de la violence intercommunautaire et de la propagation de l’extrémisme violent dans la région, ont-ils concédé. 

En tant que point focal informel du Conseil de sécurité sur la faim et la sécurité, aux côtés de la Suisse, le Guyana a confirmé cette analyse.  Donnant la mesure du problème, la délégation a expliqué que selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 48,6 millions de personnes dans toute la région devraient connaître une insécurité alimentaire, principalement en raison de la détérioration des conditions de sécurité au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Nigéria. Dès lors, les points focaux ont insisté sur la nécessité d’un soutien international accru et d’un renforcement des capacités, essentiel en Afrique de l’Ouest et au Sahel, où la population est très jeune. 

Toujours une forte insécurité alimentaire

Face à la détérioration de la situation humanitaire dans la région, le Royaume-Uni et la France ont pointé les inondations extrêmes qui ont touché plus de 3,7 millions de personnes en Afrique de l’Ouest cette année.  Elles ont contribué à l’aggravation de l’insécurité alimentaire, causée notamment par les conflits, les déplacements de population et les changements climatiques.  La France a annoncé avoir renouvelé son soutien au mécanisme « climat, paix et sécurité », notamment pour la région de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel, pour y faire face. 

L’UNOWAS joue d’ores et déjà un rôle clef dans le renforcement de la résilience climatique des pays de la région, a expliqué le Représentant spécial.  Le Bureau intervient à travers des mesures d’adaptation qui tiennent compte des risques de conflit, notamment ceux liés à la gestion transfrontalière de l’eau, un enjeu crucial pour la paix et le développement durable en Afrique.  Une collaboration régionale, tenant compte des dynamiques transfrontalières, est indispensable pour faire face aux défis dans la région, a confirmé M. Simão.

La situation en Afrique de l’Ouest et au Sahel exige un plus grand leadership de la part de l’Afrique, ont conclu les États-Unis.  En tant que plus grand bailleur de fonds humanitaires en Afrique, la délégation a martelé ne pas pouvoir agir seule.  « L’ONU doit mener la charge. »

 

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CONSOLIDATION DE LA PAIX EN AFRIQUE DE L’OUEST (S/2024/871)

Exposés

M. LEONARDO SANTOS SIMÃO, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, a présenté le dernier rapport du Secrétaire général sur les activités du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS). Dans une région en proie à des tensions géopolitiques qui aggravent une situation sécuritaire fragile, il s’est dit attaché à promouvoir le dialogue, à favoriser la compréhension mutuelle, à transmettre des messages d’encouragement et à rechercher un terrain d’entente avec toutes les parties prenantes, y compris les chefs de gouvernement, les institutions régionales, les entités des Nations Unies, les groupes de la société civile, les femmes et les jeunes leaders.  Bien que les résultats positifs de ces engagements soient graduels, le Représentant spécial a souligné des signes prometteurs d’une collaboration accrue sur des solutions pragmatiques et centrées sur les personnes en vue de relever les défis de la région en matière de sécurité, de gouvernance, d’aide humanitaire et de développement socioéconomique. 

Lors de ses récentes rencontres avec les pays du Sahel central, les membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et ses dirigeants, il a constaté une compréhension commune de l’importance de l’intégration régionale.  La diplomatie et le dialogue ont pris le devant de la scène, contribuant à apaiser les tensions bilatérales et à réduire les récits négatifs, ce qui est un signe positif et encourageant, a-t-il souligné.  À peine de retour du sommet de la CEDEAO du 15 décembre, le Représentant spécial a expliqué que les chefs d’État y ont notamment pris acte de la décision du Burkina Faso, du Mali et du Niger de se retirer de l’organisation et chargé la Commission de la CEDEAO d’entamer les formalités de retrait après le 29 janvier 2025, tout en élaborant des plans d’urgence.  Il a également été décidé à ce sommet d’étendre les efforts diplomatiques, offrant six mois supplémentaires de dialogue pour encourager ces pays à rester à la CEDEAO.  Le sommet a réitéré l’importance de renforcer le soutien aux mécanismes de coordination régionale pour lutter contre le terrorisme, « la préoccupation la plus urgente de la région », a également fait savoir M. Simão. 

Au-delà du Sahel, il a parlé des incidents survenus dans le nord du Bénin et du Togo qui démontrent selon lui la propagation croissante de l’extrémisme violent et du crime organisé dans les pays du golfe de Guinée, ainsi que le risque croissant d’association entre le terrorisme et la criminalité maritime. Pour faire face à ces menaces, le Représentant spécial a appelé à miser sur des efforts coordonnés, avec le soutien du Conseil de sécurité, en impliquant les pays touchés, dans des cadres régionaux, et dans le plein respect des normes humanitaires et des droits humains.  Il a jugé positive l’opérationnalisation de la Force en attente de la CEDEAO tout en rappelant que la Force conjointe du G5 Sahel a cessé ses activités et que l’initiative d’Accra est en cours de restructuration pour s’inspirer de l’organisation, des opérations et des résultats positifs de la Force multinationale mixte (FMM).  La FMM est d’ailleurs le principal mécanisme de coopération en matière de sécurité dans la région du bassin du lac Tchad et reste la seule plateforme opérationnelle de coopération en matière de sécurité régionale en Afrique de l’Ouest et au Sahel, a-t-il précisé en appelant à renforcer l’appui à cette plateforme.

Le Représentant spécial a dit s’être rendu au Tchad en novembre pour redynamiser les mécanismes de réponse régionaux, avec le Représentant spécial Abdou Abarry, Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC).  Ils y ont rencontré les autorités locales ainsi que les membres de la Commission du bassin du lac Tchad et d’autres partenaires.  Ils ont également visité un camp de personnes déplacées situé près du lac Tchad.  M. Simão a ensuite donné un aperçu de la situation en Guinée, au Libéria, en Guinée-Bissau et en Gambie, de son déplacement au Ghana, ainsi que du rôle de l’UNOWAS et de la CEDEAO dans le cadre des préparatifs des élections présidentielles de 2025 en Côte d’Ivoire et en Sierra Leone.  Il a salué les progrès de la démarcation de la frontière entre le Cameroun et le Nigéria. 

Parmi les autres actions menées par l’UNOWAS en dépit de ses contraintes financières, le Représentant spécial a évoqué la tournée de la Secrétaire générale adjointe dans les pays du Sahel central, le renforcement de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel ou encore le lancement de projets visant à répondre aux besoins croissants en matière de développement (souveraineté alimentaire, énergie, éducation, emploi des jeunes…).  Il a souligné le potentiel de la collaboration de l’UNOWAS avec le Bureau du Coordonnateur spécial pour le développement au Sahel, le Bureau de la coordination des activités de développement, les équipes de pays et les coordonnateurs résidents des Nations Unies, pour tirer le meilleur parti de leurs avantages comparatifs. 

Dans le domaine de la sécurité climatique, il a expliqué que l’UNOWAS joue un rôle clef dans le renforcement de la résilience climatique à travers des mesures d’adaptation qui tiennent compte des risques de conflit, y compris en matière de la gestion transfrontalière de l’eau, un enjeu crucial pour la paix et le développement durable en Afrique.  Alors que la CEDEAO intensifie les préparatifs en vue de la tenue d’un sommet extraordinaire portant sur l’avenir de l’intégration régionale, l’UNOWAS continuera de promouvoir une paix centrée sur l’humain, en mettant un accent particulier sur la mise en œuvre des résolutions 1325 (2000) et 2250 (2015) concernant l’autonomisation des femmes et des jeunes, a conclu le Représentant spécial.

Mme LEVINIA ADDAE-MENSAH, Directrice exécutive de West Africa Network for Peacebuilding (« Réseau d’Afrique occidentale pour la consolidation de la paix », WANEP), a observé une montée en puissance des groupes terroristes et extrémistes violents au Sahel et dans certaines parties de certains États côtiers de la région.  Le système d’alerte précoce de WANEP indique que les attaques armées se produisent dans les zones frontalières qui pâtissent d’un manque de contrôle de l’État.  Ces attaques ont pour effet d’augmenter les pénuries énergétique et alimentaire, le chômage des jeunes, ainsi que de limiter l’accès à l’éducation, avec 12 000 écoles fermées et plus de 2 millions d’enfants touchés.  La vulnérabilité des jeunes filles au risque de mariage précoce, de mutilations génitales féminines, d’exploitation et de traite s’en trouve aussi exacerbée. 

« Un sentiment général de recul démocratique subsiste », a poursuivi la Directrice exécutive.  Selon elle, la décision prise en janvier 2024 par le Niger, le Mali et le Burkina Faso de se retirer de la CEDEAO et de former leur propre alliance complique encore le paysage, « mettant en péril la stabilité régionale et le programme prodémocratique de la CEDEAO ».  Mme Addae-Mensah a rappelé que, lors de son dernier sommet, la CEDEAO a approuvé la décision des trois États de quitter le bloc, mais a offert une période de transition de six mois (29 janvier – 29 juillet 2025) pour être réadmis s’ils le souhaitent.  Néanmoins, les relations entre la CEDEAO et les trois États restent brouillées, a-t-elle constaté en se désolant que cette situation compromette la coopération multilatérale et bilatérale en matière de sécurité.

La dirigeante de WANEP a toutefois dégagé des tendances positives dans la région, telles que des transitions démocratiques positives au Libéria, au Sénégal et au Ghana.  Les systèmes d’alerte précoce et des mécanismes de réponse ont été renforcés: la CEDEAO a créé des centres nationaux de coordination des mécanismes d’alerte précoce dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, offrant des plateformes précieuses pour l’identification rapide des crises émergentes et la mise en œuvre de mécanismes améliorés de réponse aux crises.  À l’échelon local, des mécanismes locaux de consolidation de la paix, tels que le dialogue communautaire, la médiation et la réconciliation, sont désormais fréquemment utilisés pour prévenir les conflits au niveau communautaire.  L’intervenante a cité en exemple le Conseil national pour la paix du Ghana, qui a engagé une série d’initiatives conjointement avec l’UNOWAS, WANEP et la CEDEAO pour atténuer la violence électorale avant la tenue des élections nationales du 7 décembre 2024. 

Malgré son déclin démocratique, l’Afrique de l’Ouest vit aussi, selon elle, de profonds changements de son paysage médiatique, portés par les technologies de l’information et par la croissance des organisations de la société civile.  Ce phénomène permet d’espérer des améliorations, a estimé Mme Addae-Mensah. Elle a enfin mis en garde contre une tendance au désinvestissement vers les pays en transition, tendance menaçant de saper des résultats obtenus de haute lutte.

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