Proposition de résolution - B10-0070/2024Proposition de résolution
B10-0070/2024

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le recul démocratique et les menaces pesant sur le pluralisme politique en Géorgie

4.10.2024 - (2024/2822(RSP))

déposée à la suite d’une déclaration du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l’article 136, paragraphe 2, du règlement intérieur

Urmas Paet, Petras Auštrevičius, Dan Barna, Helmut Brandstätter, Benoit Cassart, Olivier Chastel, Veronika Cifrová Ostrihoňová, Bernard Guetta, Ľubica Karvašová, Ilhan Kyuchyuk, Marie‑Agnes Strack‑Zimmermann, Hilde Vautmans, Lucia Yar, Dainius Žalimas
au nom du groupe Renew

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B10-0070/2024

Procédure : 2024/2822(RSP)
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B10-0070/2024
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B10-0070/2024
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B10‑0070/2024

Résolution du Parlement européen sur le recul démocratique et les menaces pesant sur le pluralisme politique en Géorgie

(2024/2822(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions précédentes sur la Géorgie,

 vu l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part[1],

 vu les conclusions du Conseil européen des 14 et 15 décembre 2023 et la communication de la Commission du 8 novembre 2023 intitulée «Communication de 2023 sur la politique d’élargissement de l’UE» (COM(2023)0690), qui expose les mesures à prendre par la Géorgie pour obtenir le statut de pays candidat, en particulier la neuvième mesure, concernant la liberté de la société civile,

 vu la déclaration du porte-parole du Service européen pour l’action extérieure du 4 septembre 2024 sur l’ensemble de lois relatives à la protection des valeurs familiales et des mineurs en Géorgie,

 vu la déclaration du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 18 septembre 2024 sur ces lois, adoptées par le Parlement géorgien, relatives à la protection des valeurs familiales et des mineurs,

 vu les avis adoptés ou approuvés par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur divers textes législatifs géorgiens lors de sa 139e session (des 21 et 22 juin 2024),

 vu l’article 136, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que la Constitution géorgienne protège l’exercice des libertés d’opinion, d’expression, d’association et de réunion pacifique, ainsi que le droit à des élections universelles, égales et libres, lesquels constituent des droits fondamentaux; que la Constitution géorgienne garantit également l’égalité de toutes les personnes et les protège contre la discrimination; que selon l’article 78 de la Constitution géorgienne, «les instances constitutionnelles prennent toutes les mesures relevant de leurs compétences afin d’œuvrer à la pleine intégration de la Géorgie dans l’Union européenne et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord»;

B. considérant que, malgré de nombreuses manifestations publiques et appels de l’Union et des autres partenaires occidentaux de la Géorgie, le parti au pouvoir «Rêve géorgien» a adopté un projet de loi inspiré par la Russie sur la «transparence de l’influence étrangère», qui impose aux organisations de la société civile et des médias qui acceptent des fonds de l’étranger de s’enregistrer en tant qu’«organisations poursuivant l’intérêt d’une puissance étrangère», faute de quoi elles peuvent se voir infliger des amendes;

C. considérant que cette législation limite la capacité de la société civile et des médias à fonctionner librement, réduit la liberté d’expression et stigmatise injustement les organisations qui apportent des avantages évidents aux citoyens géorgiens;

D. considérant qu’en mars 2023, une proposition de législation similaire a entraîné de grandes manifestations en Géorgie, conduisant à son retrait; qu’à la suite du retrait de la proposition en 2023, le parti au pouvoir et les médias pro-gouvernementaux ont continué d’intensifier la rhétorique à l’encontre de la société civile et des journalistes;

E. considérant que, le 20 février 2024, le parti au pouvoir «Rêve géorgien» a adopté des amendements à la législation électorale mettant en péril l’indépendance et l’impartialité de la commission électorale centrale et sapant la confiance du public dans cette institution;

F. considérant qu’à la fin du mois d’août 2024, l’oligarque Bidzina Ivanichvili a exhorté les électeurs à aider le parti «Rêve géorgien» à conserver une très large majorité au Parlement géorgien afin de pouvoir lancer le processus d’interdiction de plusieurs partis d’opposition; que ces propos ont été soutenu par le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, qui a annoncé que le gouvernement chercherait à interdire plus d’une demi-douzaine de partis à la suite des élections législatives;

G. considérant que, le 17 septembre 2024, le parti au pouvoir «Rêve géorgien» a adopté une loi relative à la protection des valeurs familiales et des mineurs, qui prive les personnes LGBTIQ+ de leurs droits;

H. considérant que, deux jours après l’introduction de la loi relative à la protection des valeurs familiales et des mineurs, Kesaria Abramidzé, mannequin transgenre et célèbre personnalité publique, a été tuée dans son appartement;

I. considérant qu’auparavant, le 4 avril 2024, le parti au pouvoir «Rêve géorgien» avait supprimé les quotas hommes/femmes obligatoires pour les listes électorales des partis politiques figurant dans le code électoral géorgien et avait révoqué la règle de financement liée au genre prévue par la loi sur les associations politiques de citoyens, anéantissant ainsi les progrès réalisés dans le domaine de la promotion de la participation et de la représentation politiques des femmes;

J. considérant que les autorités géorgiennes n’ont pas donné suite à une seule des recommandations de la Commission de Venise concernant l’annulation ou la modification de la législation susmentionnée relative à la transparence de l’influence étrangère ou à la protection des valeurs familiales et des mineurs, la suppression des quotas hommes/femmes lors des élections locales et législatives ou la constitution de la commission électorale centrale;

K. considérant que le parti au pouvoir «Rêve géorgien» et les médias pro-gouvernementaux diffusent de la propagande antieuropéenne et antidémocratique, ainsi que des théories du complot;

L. considérant que le parti au pouvoir «Rêve géorgien» et ses dirigeants continuent d’intensifier leur rhétorique clivante, déformée et violente à l’encontre des opposants politiques et des partenaires internationaux, y compris l’Ukraine; que le parti au pouvoir utilise des bannières politiques abjectes représentant des villes ukrainiennes détruites par la Russie, exploitant ainsi les souffrances des courageux Ukrainiens;

M. considérant que la déclaration du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, exprimant sa volonté d’aider la Géorgie à normaliser ses relations avec «les États voisins d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud» a été saluée par les dirigeants du parti au pouvoir, ce qui montre que le gouvernement géorgien s’est écarté de sa politique de non-reconnaissance des régions occupées de Géorgie;

N. considérant que, dans sa communication de 2023 sur la politique d’élargissement de l’Union, la Commission a recommandé d’accorder le statut de pays candidat à la Géorgie à condition que le pays prenne neuf mesures, notamment lutter contre la désinformation et l’ingérence contre l’Union et ses valeurs, autoriser la participation des partis d’opposition et de la société civile à la gouvernance, garantir la liberté de réunion et d’expression, ainsi que consulter la société civile et la faire participer effectivement à la prise de décision législative et politique et garantir que ses organisations puissent fonctionner librement;

O. considérant que le 14 décembre 2023, le Conseil européen a octroyé le statut de pays candidat à l’Union européenne à la Géorgie, à la condition que les neuf mesures énoncées dans la recommandation de la Commission soient prises;

P. considérant que le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, a déclaré que la Géorgie n’imposerait pas de sanctions à la Russie, mais l’empêcherait uniquement de contourner les sanctions sur son territoire;

Q. considérant que la coopération commerciale entre la Géorgie et la Russie s’est intensifiée au cours des deux dernières années, plus de 100 000 Russes ayant déménagé en Géorgie, créé plus de 26 000 entreprises et acheté des biens immobiliers et se livrant à des activités qui créent des risques de blanchiment de capitaux; que cette situation met en péril la sécurité nationale de la Géorgie et accroît sa dépendance à l’égard de la Russie;

R. considérant qu’au cours des derniers mois, les États-Unis ont imposé des sanctions financières aux responsables géorgiens de la sécurité et aux dirigeants d’un parti d’extrême droite pour avoir compromis et réprimé la liberté de réunion pacifique en Géorgie, et qu’ils ont imposé des interdictions de déplacements à 60 autres personnes, dont des hauts fonctionnaires du gouvernement; que la Banque nationale de Géorgie a refusé de se conformer à ces sanctions;

S. considérant que des élections législatives sont programmées en Géorgie pour le 26 octobre 2024;

1. condamne fermement l’adoption des législations dites sur la «transparence de l’influence étrangère» et sur la «protection des valeurs familiales et des mineurs», ainsi que l’abolition des quotas hommes/femmes lors des élections locales et législatives et les changements dans la constitution de la commission électorale centrale par la majorité géorgienne «Rêve géorgien»; souligne que cette législation est incompatible avec les normes et les valeurs de l’Union, nuit à la réputation de la Géorgie et compromet ses efforts d’adhésion à l’Union;

2. exhorte la majorité «Rêve géorgien» à retirer immédiatement la législation relative à la «transparence de l’influence étrangère» et à la «protection des valeurs familiales et des mineurs», à réintroduire les quotas hommes/femmes pour les élections locales et législatives et à garantir un processus politique consensuel, qui est essentiel pour l’indépendance et l’impartialité de la commission électorale centrale et pour la confiance du public dans cette institution; exhorte la majorité «Rêve géorgien» à mettre en œuvre les autres recommandations de la Commission de Venise; demande une fois encore que cessent toutes les attaques contre la société civile, les médias indépendants, l’égalité des genres et la communauté LGBTQI+ et que soit instauré un véritable climat favorable à l’ensemble de la société civile et des médias dans le pays;

3. souligne que le retrait de la législation relative à la transparence de l’influence étrangère et à la protection des valeurs familiales et des mineurs sera nécessaire pour améliorer les relations entre l’Union et la Géorgie;

4. exprime sa solidarité envers le courageux peuple géorgien qui se bat pour ses droits démocratiques et pour l’avenir européen de son pays; réaffirme son soutien sans faille à tous ceux qui défendent les droits de l’homme et œuvrent en faveur d’un pays et d’une société pacifiques engagés en faveur de l’égalité et de la dignité humaine pour tous;

5. demande que le financement de l’Union fourni au gouvernement géorgien soit gelé jusqu’à l’abrogation de ces textes législatifs illibéraux et que des conditions strictes soient imposées à l’avenir au versement de tout financement au gouvernement géorgien;

6. demande une nouvelle fois à la Commission d’évaluer rapidement dans quelle mesure la législation géorgienne relative à la transparence de l’influence étrangère et à la protection des valeurs familiales et des mineurs, la suppression des quotas hommes/femmes et les autres modifications de sa législation électorale, ainsi que la mise en œuvre des recommandations de la Commission de Venise en général remettent en cause la satisfaction par la Géorgie des critères de libéralisation du régime des visas, en particulier le critère relatif aux droits fondamentaux, qui est un élément essentiel de la politique de libéralisation du régime des visas de l’Union;

7. demande à l’Union et à ses États membres d’imposer des sanctions aux fonctionnaires géorgiens qui sont impliqués dans des violations des droits de l’homme contre des citoyens géorgiens ou dans le recul démocratique du pays; invite une nouvelle fois le Conseil à envisager d’adopter des sanctions personnelles à l’encontre de Bidzina Ivanichvili pour son rôle dans la détérioration du processus politique et de la situation des droits de l’homme en Géorgie; exhorte les banques commerciales géorgiennes à appliquer les sanctions internationales;

8. rappelle au gouvernement géorgien que l’Union européenne a octroyé le statut de pays candidat à la Géorgie à la condition que les mesures énoncées dans la communication de la Commission du 8 novembre 2023 soient prises; souligne que les actes législatifs récemment adoptés vont clairement à l’encontre de cet objectif et mettent un frein à l’intégration de la Géorgie à l’Union;

9. exhorte de nouveau le gouvernement géorgien à respecter son engagement en faveur de la promotion de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme et l’encourage à adopter et à mettre en œuvre des réformes conformes à son objectif déclaré d’adhésion à l’Union européenne, comme l’exige une grande majorité des citoyens géorgiens;

10. prie instamment la Géorgie, en tant que pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, d’imposer des sanctions à la Russie en réaction à son invasion à grande échelle de l’Ukraine et d’appliquer de réelles mesures pour éviter le contournement des sanctions européennes, comme elle s’est engagée à le faire; est profondément préoccupé par l’alignement du gouvernement géorgien sur les politiques russes et par la dépendance croissante de la Géorgie à l’égard de la Russie, ainsi que par l’utilisation par le parti Rêve géorgien d’images violentes de la guerre en Ukraine pour manipuler l’opinion publique et diffuser de la désinformation à l’occasion de sa campagne pour les élections d’octobre 2024; invite la Géorgie à s’aligner pleinement sur la politique étrangère de l’Union et sur la stratégie de l’Union à l’égard de la Russie;

11. demande à l’Union et à ses États membres de garantir leur soutien sans réserve aux organisations de la société civile géorgiennes en cette période difficile, y compris sur les questions liées aux amendes et autres charges qui leur sont imposées par la nouvelle législation;

12. prie instamment les autorités géorgiennes de veiller à ce que les élections législatives d’octobre 2024 respectent les normes internationales les plus élevées, en garantissant un processus transparent, libre et équitable qui reflète la volonté démocratique du peuple; demande instamment que la pratique courante d’utiliser abusivement des ressources publiques et des capacités administratives au profit du parti au pouvoir soit abolie; insiste sur la nécessité d’assurer la présence d’observateurs à la fois nationaux et internationaux afin de garantir l’intégrité des élections et demande une mission d’observation électorale de l’Union élargie;

13. est profondément préoccupé par les informations selon lesquelles le gouvernement géorgien crée des obstacles à la coalition de 30 ONG et de Transparency International Géorgie dans leurs efforts pour mener la campagne «Go Out and Vote» («Allez voter»); estime que ces obstacles constituent une tentative de saper la démocratie dans le pays;

14. est extrêmement préoccupé par les brutalités policières survenues lors des manifestations de mars-juin 2024 à Tbilissi, et invite les autorités géorgiennes à mener en temps utile des enquêtes approfondies sur ces brutalités policières;

15. demande une nouvelle fois que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe organise une mission internationale d’observation électorale impartiale et indépendante à long terme pour surveiller les prochaines élections législatives géorgiennes;

16. demande une nouvelle fois aux autorités géorgiennes de libérer immédiatement l’ancien président Mikheil Saakachvili afin de lui permettre de recevoir un traitement médical adapté à l’étranger;

17. engage l’Union et ses États membres à continuer d’accorder une attention particulière à ces questions et à suivre de près l’évolution de la situation en Géorgie dans la perspective et la foulée des élections législatives d’octobre 2024 dans ce pays;

18. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Conseil de l’Europe et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ainsi qu’à la présidente géorgienne et au gouvernement et au Parlement géorgiens.

 

 

 

Dernière mise à jour: 8 octobre 2024
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