Proposition de résolution - B10-0216/2024Proposition de résolution
B10-0216/2024

PROPOSITION DE DÉCISION sur la constitution, les compétences, la composition numérique et la durée du mandat d’une commission spéciale sur le «bouclier européen de la démocratie»

13.12.2024 - (2024/2999(RSO))

déposée conformément à l’article 213 du règlement intérieur

Conférence des présidents


Procédure : 2024/2999(RSO)
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B10‑0216/2024

Décision du Parlement européen sur la constitution, les compétences, la composition numérique et la durée du mandat d’une commission spéciale sur le «bouclier européen de la démocratie»

(2024/2999(RSO))

Le Parlement européen,

 vu la proposition de la Conférence des présidents,

 vu la communication de la Commission sur le plan d’action pour la démocratie européenne (COM(2020)0790),

 vu le règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques)[1] et le règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques)[2],

 vu sa résolution du 20 octobre 2021 sur les médias européens dans la décennie numérique: un plan d’action pour soutenir la reprise et la transformation[3],

 vu le code de bonnes pratiques contre la désinformation, de 2022,

 vu la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union[4],

 vu la directive (UE) 2022/2557 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 sur la résilience des entités critiques, et abrogeant la directive 2008/114/CE du Conseil[5],

 vu le règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE (règlement européen sur la liberté des médias)[6],

 vu la directive (UE) 2024/1069 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les demandes en justice manifestement infondées ou les procédures judiciaires abusives («poursuites stratégiques altérant le débat public»)[7],

 vu la boîte à outils de l’Union européenne de mars 2021 pour la mise en place de mesures d’atténuation des risques sur la cybersécurité des réseaux 5G,

 vu la communication de la Commission relative à la défense de la démocratie (COM(2023)0630),

 vu la proposition de directive du 12 décembre 2023 établissant des exigences harmonisées dans le marché intérieur en matière de transparence de la représentation d’intérêts exercée pour le compte de pays tiers, présentée par la Commission (COM(2023)0637),

 vu la recommandation de la Commission relative à des processus électoraux inclusifs et résilients dans l’Union, au renforcement du caractère européen des élections au Parlement européen et à une meilleure garantie de leur bon déroulement (C(2023)8626) et la recommandation de la Commission relative à la promotion de l’implication des citoyens et des organisations de la société civile dans les processus d’élaboration des politiques publiques et de leur participation effective à ces processus (C(2023)8627),

 vu sa résolution du 9 mars 2022 sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation[8] (INGE 1),

 vu sa résolution du 1er juin 2023 sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation[9] (INGE 2),

 vu sa recommandation du 15 juin 2023 à l’intention du Conseil et de la Commission à la suite de l’enquête sur les allégations d’infraction et de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union lors de l’utilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance équivalents[10],

 vu le rapport du 30 octobre 2024 intitulé «Safer Together - Strengthening Europe’s Civilian and Military Preparedness and Readiness» (Plus en sécurité ensemble - renforcer la préparation et l’état de préparation civils et militaires de l’Europe), rédigé par Sauli Niinistö, ancien président de la République de Finlande, en sa qualité de conseiller spécial de la présidente de la Commission européenne,

 vu l’article 213 de son règlement intérieur,

A. considérant que l’ingérence étrangère constitue une violation grave des valeurs et principes universels sur lesquels l’Union est fondée, tels que la dignité humaine, la liberté, l’égalité, la solidarité, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la démocratie et l’état de droit; qu’il est démontré que des acteurs étrangers étatiques, malveillants et autoritaires, et des acteurs non étatiques malveillants utilisent la manipulation de l’information et d’autres tactiques pour s’immiscer dans les processus démocratiques de l’Union; que ces attaques induisent les citoyens en erreur, les trompent et affectent leurs choix électoraux, amplifient les polémiques, divisent, polarisent, exploitent les vulnérabilités des sociétés, encouragent les discours de haine, aggravent la situation des groupes vulnérables qui sont plus susceptibles d’être victimes de désinformation, faussent l’intégrité des élections et des référendums démocratiques, jettent le soupçon sur les gouvernements nationaux, les autorités publiques, l’ordre démocratique et l’état de droit et ont pour objectif de déstabiliser la démocratie européenne; qu’il s’agit désormais d’une question de sécurité intérieure et de sûreté de la société de l’Union dans son ensemble;

B. considérant qu’une campagne de désinformation d’une ampleur et d’une malveillance sans précédent visant à tromper à la fois les citoyens européens et la communauté internationale des États dans son ensemble a été menée par la Russie depuis de nombreuses années, avec une intensité particulière depuis la veille et au cours de la guerre d’agression contre l’Ukraine, qui a débuté le 24 février 2022; qu’il est nécessaire d’apporter un soutien continu et de coopérer étroitement avec l’Ukraine et la Moldavie à cet égard, mais aussi avec les forces pro-européennes en Géorgie et dans les pays des Balkans occidentaux, qui sont tous confrontés à une forte ingérence russe dans leur processus de convergence avec l’Union, en tirant parti des possibilités d’échange mutuel d’informations et de bonnes pratiques;

C. considérant que les efforts déployés par les acteurs étatiques de pays tiers et des acteurs non étatiques malveillants pour s’immiscer dans le fonctionnement de la démocratie dans l’Union et ses États membres et mettre à mal les valeurs consacrées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne au moyen d’une ingérence malveillante, s’inscrivent dans une tendance perturbatrice plus générale que connaissent les démocraties dans le monde entier;

D. considérant que les acteurs malveillants continuent de chercher à s’immiscer dans des processus électoraux et à exploiter l’ouverture et le pluralisme de nos sociétés, ainsi qu’à attaquer les processus démocratiques et la résilience de l’Union et de ses États membres;

E. considérant que des acteurs autocratiques malveillants mènent de plus en plus de campagnes de désinformation contre les travaux des délégations de l’Union; qu’il s’agit d’une tentative manifeste d’entraver la communication stratégique de l’Union à l’étranger;

F. considérant qu’avant le 8 octobre 2024, l’Union et ses États membres ne disposaient pas d’un régime de sanctions spécifique en ce qui concerne l’ingérence étrangère et les campagnes de désinformation orchestrées par des acteurs étatiques malveillants de pays tiers, ce qui signifie que ces derniers n’avaient pas à craindre de conséquences pour leurs campagnes de déstabilisation contre l’Union;

G. considérant l’absence de définition commune et le manque de compréhension de ce phénomène ainsi que les nombreuses lacunes et failles qui demeurent dans la législation et les politiques actuelles au niveau de l’Union et au niveau national destinées à détecter et prévenir l’ingérence étrangère et à lutter contre celle-ci;

H. considérant que l’ingérence étrangère, la désinformation et les nombreuses attaques et menaces contre la démocratie devraient se faire de plus en plus fréquentes et de plus en plus élaborées;

I. considérant que les précédentes recommandations du Parlement visant à lutter contre les opérations d’ingérence étrangère malveillantes dans les processus démocratiques de l’Union ont contribué à une compréhension globale dans l’Union et à une meilleure prise de conscience du phénomène;

J. considérant que les auditions et les travaux des commissions spéciales INGE 1 et INGE 2 ont contribué à la reconnaissance publique et à la contextualisation de ces questions, et ont réussi à poser un cadre au débat de l’Union sur l’ingérence étrangère dans les processus démocratiques et la désinformation;

K. considérant qu’il est nécessaire d’instaurer une coopération et un soutien multilatéraux mondiaux entre les partenaires partageant les mêmes idées, notamment entre les parlementaires, pour faire face à l’ingérence malveillante étrangère et à la désinformation; que les démocraties ont développé des compétences avancées et des contre-stratégies pour faire face à ces menaces et à ces attaques;

L. considérant que la lutte contre l’ingérence étrangère, la désinformation et les menaces contre la démocratie nécessite une approche multidimensionnelle afin d’encourager l’esprit critique et l’éducation aux médias et à l’information, ainsi que de promouvoir l’engagement civique et l’éducation à la démocratie;

M. considérant que les menaces et attaques hybrides peuvent entraîner des crises de grande ampleur et transsectorielles ayant des effets néfastes sur la sûreté et la sécurité, le bien-être des citoyens et le fonctionnement de la société et de l’économie dans son ensemble, ce qui constitue un défi majeur pour les affaires intérieures de l’Union; que cette nouvelle réalité nécessite une approche plus stricte de la gestion des crises et de la préparation de l’Union en matière civile et de défense, en développant la prospective stratégique et l’anticipation et en renforçant les capacités d’alerte précoce, de détection, d’analyse et de coordination opérationnelle;

1. décide de constituer une commission spéciale dénommée «commission spéciale sur le bouclier européen de la démocratie» chargée d’exercer, en coopération et en consultation avec les commissions permanentes compétentes en ce qui concerne leurs compétences au titre de l’annexe VI du règlement intérieur, les compétences suivantes:

a) évaluer la législation et les politiques pertinentes existantes et prévues afin de renforcer la détection des éventuelles lacunes, failles et chevauchements qui pourraient être exploités à des fins d’ingérence malveillante dans les processus démocratiques, y compris en ce qui concerne les questions suivantes:

i) les politiques, les propositions législatives et les structures à mettre en place dans le cadre du bouclier européen de la démocratie, et déjà établies dans le cadre du plan d’action pour la démocratie européenne, ainsi que les instruments pertinents relevant de la boussole stratégique, tels que la boîte à outils hybride de l’UE;

ii) les possibilités de coopération entre les agences de l’Union et les autorités nationales dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, y compris aux fins du partage d’informations, du renseignement et des mécanismes de détection avancée;

iii) les politiques et recommandations exposées dans le rapport du 30 octobre 2024 intitulé «Safer Together – Strengthening Europe’s Civilian and Military Preparedness and Readiness» (Plus en sécurité ensemble - renforcer la préparation et l’état de préparation civils et militaires de l’Europe);

iv) les politiques contribuant aux processus démocratiques de l’Union, à la résilience démocratique grâce à la connaissance de la situation, à l’éducation aux médias et à l’information, au pluralisme des médias et au journalisme indépendant, à la promotion de l’engagement civique, de l’éducation, de l’esprit critique ainsi que de la sensibilisation et de la participation des citoyens;

v) la résilience démocratique face aux menaces hybrides locales ainsi que face aux attaques et aux ingérences malveillantes;

vi) les ingérences qui tirent parti des plateformes en ligne, notamment en évaluant en profondeur la responsabilité des très grandes plateformes en ligne et leurs effets sur la démocratie et les processus démocratiques dans l’Union;

vii) l’incidence de l’ingérence sur les infrastructures critiques et les secteurs stratégiques, y compris les investissements étrangers et la propriété de biens situés dans l’Union;

viii) les menaces et attaques hybrides, notamment, mais sans s’y limiter: les cyberattaques, y compris contre des cibles militaires et non militaires, les contenus textuels et audiovisuels d’origine humaine, ainsi que les contenus générés par l’IA et les trucages vidéo ultra-réalistes («deep fakes») utilisés à des fins d’ingérence et de désinformation étrangères, l’ingérence dans les institutions politiques, l’influence ou la coercition économiques, l’ingérence d’acteurs étrangers par le recrutement de personnalités haut placées, par le truchement des diasporas nationales, des universités et des événements culturels, le financement dissimulé d’activités politiques par des acteurs et donateurs étrangers malveillants, la manipulation de l’information et l’ingérence étrangères ciblant l’action de l’Union à l’étranger et l’exploitation de flux migratoires artificiellement créés grâce à un rôle accru d’acteurs étatiques;

ix) les politiques garantissant un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union et la résilience face aux cyberattaques, lorsqu’elles sont liées aux processus démocratiques;

x) le rôle des acteurs malveillants étatiques et non étatiques, leur mode opératoire et leur financement, ainsi que le sabotage physique qu’ils commettent;

xi) l’incidence des ingérences sur les droits des minorités et d’autres groupes victimes de discrimination;

xii) la dissuasion, l’imputation de responsabilité et les contre-mesures collectives, dont les sanctions;

xiii) la coopération avec le voisinage, la coopération mondiale et le multilatéralisme;

xiv) l’ingérence, tant au sein de l’Union que dans les pays tiers, d’acteurs situés dans l’Union;

xv) les politiques et les mesures visant à préserver l’équité et l’intégrité des élections et à renforcer le système démocratique d’équilibre des pouvoirs;

b) élaborer, en étroite coopération avec les commissions permanentes compétentes, des suggestions et des propositions sur la manière de mieux combler ces lacunes afin de renforcer la résilience de l’Union face aux menaces et aux attaques hybrides, y compris la manipulation de l’information et l’ingérence étrangères, et sur la manière d’améliorer le cadre juridique et institutionnel de l’Union;

c) évaluer les activités de la Commission et du Service européen pour l’action extérieure en ce qui concerne la lutte contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangères ainsi que les menaces et attaques hybrides;

d) lutter contre les campagnes d’information et la communication stratégique de pays tiers malveillants, y compris par l’intermédiaire d’acteurs et d’organisations nationaux de l’Union, qui nuisent aux objectifs de l’Union et qui sont créées pour influencer l’opinion publique de l’Union;

e) assurer le suivi, le cas échéant, de la mise en œuvre des rapports des commissions spéciales INGE 1 et INGE 2;

f) contribuer à la résilience institutionnelle globale face à l’ingérence étrangère, aux menaces hybrides, aux attaques et à la désinformation;

g) entretenir des relations avec les autres institutions et organes de l’Union, les autorités des États membres, les autres organisations internationales et assemblées interparlementaires, la société civile ainsi que les partenaires étatiques et non étatiques dans les pays tiers concernés pour les questions relevant de sa responsabilité, afin de renforcer l’action de l’Union contre les menaces et attaques hybrides et contre la manipulation de l’information et l’ingérence intérieures et étrangères; dialoguer en particulier avec les partenaires étatiques et non étatiques en Ukraine et en Moldavie, avec les partenaires pro-européens en Géorgie ainsi que dans les pays des Balkans occidentaux; lutter contre les discours manipulés en provenance de Russie, compte tenu du danger critique et permanent que la Russie représente pour la stabilité et la sécurité dans l’ensemble de l’Union;

2. décide que, lorsque les activités de la commission spéciale incluent l’audition d’éléments de preuve de nature confidentielle, de témoignages comprenant des données à caractère personnel, ou des échanges de vues ou des auditions avec des autorités et des organes au sujet d’informations confidentielles, y compris des études scientifiques, ou des parties d’études scientifiques, auxquelles a été accordé un statut de confidentialité au titre de l’article 63 du règlement (CE) nº 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil[11], les réunions en question auront lieu à huis clos; décide en outre que les témoins et les experts auront le droit de déposer ou de témoigner à huis clos;

3. décide que la liste des personnes invitées à des réunions publiques, la liste des personnes qui assistent auxdites réunions et les procès-verbaux de ces réunions seront rendus publics;

4. décide que les documents confidentiels reçus par la commission spéciale seront examinés suivant la procédure prévue à l’article 227 de son règlement intérieur; décide par ailleurs que ces informations seront utilisées exclusivement aux fins de l’établissement du rapport final de la commission spéciale;

5. décide que la commission spéciale comptera 33 membres;

6. décide que la commission spéciale a un mandat de douze mois qui commencera à courir à partir de la date de sa réunion constitutive;

7. décide que la commission spéciale peut présenter au Parlement un rapport à mi-parcours; décide en outre qu’elle présentera au Parlement, au plus tard au cours de la période de session de janvier 2026, un rapport final portant sur les questions figurant au paragraphe 1 et contenant des constatations factuelles et ses recommandations quant aux mesures et initiatives à prendre, sans préjudice des compétences des commissions permanentes définies à l’annexe VI de son règlement intérieur; précise que les recommandations de la commission spéciale devront être prises en compte par les commissions permanentes compétentes dans le cadre de leurs travaux.

Dernière mise à jour: 17 décembre 2024
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