PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en Afghanistan
7.6.2021 - (2021/2712(RSP))
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur,
Clare Daly, Mick Wallace, Idoia Villanueva Ruiz
au nom du groupe The Left
B9-0321/2021
Résolution du Parlement européen sur la situation en Afghanistan
Le Parlement européen,
– vu ses rapports et résolutions antérieurs sur l’Afghanistan,
– vu l’accord de coopération en matière de partenariat et de développement entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République islamique d’Afghanistan, d’autre part,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques,
– vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
– vu la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant,
– vu la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
– vu la déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme de 1998,
– vu le rapport du Secrétaire général des Nations unies du 29 mars 2021 sur les violences sexuelles commises en période de conflit,
− vu la résolution 2131 (XX) de l’Assemblée générale des Nations unies intitulée «Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté»,
− vu l’article 2, paragraphe 4, de la charte des Nations unies,
− vu la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale des Nations unies, intitulée «Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux»,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant qu’en février 2020, les États-Unis et les talibans ont signé un accord qui a ouvert la voie aux premiers pourparlers directs depuis 2001 entre les talibans et les représentants de la République afghane; que l’accord de paix entre les États-Unis et les talibans ne mentionne ni les droits de l’homme ni les droits des femmes; que l’accord préserve l’impunité de toutes les parties pour les crimes graves au regard du droit international; que le 13 avril 2021 le président américain Joe Biden a annoncé le retrait de toutes les troupes encore présentes en Afghanistan pour le 11 septembre 2021;
B. considérant que vingt ans se sont écoulés depuis l’intervention illégale dirigée par les États-Unis et l’OTAN, qui a fait d’innombrables victimes, provoqué des déplacements massifs, sapé l’économie, fait proliférer le trafic de drogue, donné du pouvoir aux milices armées et militarisé la société en général; qu’il en résulte une situation où aucun pouvoir souverain ne gouverne réellement le pays et où les factions politiques et armées entretiennent chacune des liens avec des puissances étrangères, dont elles dépendent souvent pour leur financement et leurs conseils;
C. considérant que le Washington Post a publié les résultats d’une enquête dans laquelle les dirigeants politiques et militaires américains reconnaissent qu’ils savaient qu’ils ne pouvaient pas gagner la guerre en Afghanistan, alors qu’ils prétendaient ouvertement que la victoire était possible; qu’ils affirmaient réaliser des «progrès constants» sur le terrain, parfois pour justifier l’envoi de troupes supplémentaires, mais qu’ils étaient parfaitement conscients que l’occupation était un échec;
D. considérant que, depuis 2001, l’Agence centrale de renseignements des États-Unis (CIA) mène une opération antiterroriste en Afghanistan; que la CIA a recruté, équipé, formé et déployé des forces paramilitaires afghanes pour combattre les forces d’Al-Qaïda et les talibans et, depuis 2014, des milices affiliées à l’État islamique; que ces groupes ont tué, détenu et fait disparaître des civils lors de raids nocturnes et ont attaqué des établissements de santé pour avoir prétendument soigné des combattants rebelles; que, parallèlement à ces opérations, des attaques aériennes et des attaques de drones ont été lancées;
E. considérant qu’une enquête de la BBC révèle que le ministère britannique de la défense et certaines de ses forces armées ont dissimulé à plusieurs reprises des preuves de crimes de guerre en Irak et en Afghanistan;
F. considérant qu’en 2019, l’Afghanistan a été identifié comme le pays le plus bombardé par des drones au monde; que les attaques et les représailles ont entraîné de lourdes pertes humaines;
G. considérant que la situation sécuritaire reste désastreuse dans l’ensemble du pays; que, selon l’indice mondial de la paix 2020, l’Afghanistan est le pays le moins sûr du monde;
H. considérant que, selon l’Organisation internationale pour les migrations, l’Afghanistan comptait en 2020 quatre millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, contre 1,2 million en 2016 et un demi-million en 2013; que bon nombre de ces personnes souffrent d’insécurité alimentaire, d’un manque d’abri, d’un accès insuffisant aux installations sanitaires et aux soins de santé, et d’un manque de protection, et que de nombreux enfants sont considérés comme particulièrement vulnérables face aux risques de travail des enfants, d’abus sexuels ou de recrutement éventuel dans des groupes criminels; qu’il y a près de 2,5 millions de réfugiés enregistrés en provenance d’Afghanistan; qu’ils constituent la plus grande population de réfugiés à long terme en Asie et la deuxième plus grande population de réfugiés au monde;
I. considérant que, depuis la signature de l’accord entre les États-Unis et les talibans en février, plusieurs frappes aériennes américaines ont fait des victimes civiles, notamment celle du 17 février dans le district de Kushk à Herat, qui a détruit une maison, tuant trois femmes et cinq enfants;
J. considérant que les forces talibanes et d’autres groupes armés ont fréquemment commis des crimes de guerre et des violations des droits de l’homme, notamment des attaques aveugles qui ont tué et blessé de nombreux civils; que cela ne peut cependant jamais justifier les violations commises par le gouvernement afghan ou américain;
K. considérant que, bien que le président Ashraf Ghani se soit engagé en septembre 2019 à interdire les raids nocturnes, ces opérations menées par les forces spéciales se sont néanmoins poursuivies;
L. considérant que, le 24 mai 2021, de violents affrontements ont eu lieu entre forces gouvernementales et non gouvernementales dans l’est de la province de Laghmân, que de tirs d’armes légères et de lance-roquettes ont à cette occasion directement touché des zones résidentielles privées, et que ces affrontements auraient, semble-t-il, fait trois victimes civiles et poussé 1 600 familles à fuir vers la ville de Mehtarlâm, capitale de la province de Laghmân;
M. considérant que les opérations saisonnières de soutien à la sécurité alimentaire menées par le Programme alimentaire mondial (PAM) dans les districts d’Alishang et d’Alingar ont été suspendues en raison des affrontements en cours; que ces affrontements s’inscrivent dans le cadre d’une intensification des combats, au cours desquels au moins cinq centres de districts administratifs sont tombés aux mains des opposants depuis début mai;
N. considérant que, le 12 mai 2020, un attentat a été perpétré contre la maternité de l’hôpital Dasht-e Barchi, gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), à Kaboul, causant la mort d’au moins 24 personnes, dont cinq parturientes, dix femmes qui venaient d’accoucher, un agent de santé et trois nouveau-nés, et blessant14 autres personnes; qu’au même moment, l’État islamique –province du Khorassan (EIPK) a perpétré un attentat suicide lors des funérailles d’un commandant de police à Nangarhar, faisant 24 morts et 82 blessés; qu’à la suite de cet attentat, MSF a suspendu son soutien à l’hôpital, invoquant l’incapacité des autorités à enquêter de manière satisfaisante sur cette attaque;
O. considérant que, selon le rapport du premier trimestre 2021 de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), le nombre de victimes civiles a augmenté de 38 % au cours des six mois qui ont suivi le début des négociations de paix en Afghanistan en septembre 2020 par rapport à la même période un an plus tôt; qu’au cours des trois premiers mois de 2021, les opposants au gouvernement ont été responsables de la majorité (61 %) des victimes civiles, tandis que les forces progouvernementales étaient à l’origine de 27 % des pertes civiles; qu’il y a eu 8 820 victimes civiles en 2020, dont 3 035 personnes tuées et 5 785 blessées; qu’en 2020, les femmes et les enfants représentaient ensemble 43 % de toutes les victimes civiles;
P. considérant que le conflit armé continue de provoquer des traumatismes psychologiques et d’engendrer la pauvreté, et qu’il a rendu de nombreux civils dépendants de l’aide humanitaire et restreint leur accès à l’éducation et à la justice;
Q. considérant que, depuis le début de la pandémie de COVID-19, le nombre de victimes civiles et d’attaques contre le personnel médical et les établissements de soins de santé s’est accru;
R. considérant que les infrastructures de soins de santé, particulièrement précaires en Afghanistan, n’étaient en aucun cas en mesure de faire face à la pandémie de COVID-19 qui a balayé le pays; qu’au total, 52 011 cas et 2 237 décès ont été enregistrés, mais qu’il est presque certain que ces chiffres ne reflètent pas l’étendue réelle de l’infection dans le pays; que, dans la plupart des provinces afghanes, il n’est pas possible d’être testé pour le COVID-19 et que les échantillons prélevés sont transportés vers la capitale;
S. considérant que la pauvreté reste élevée, puisqu’elle touche 55 % de la population, et que ce chiffre devrait encore augmenter en raison du ralentissement économique provoqué par la pandémie;
T. considérant qu’en février 2020, le ministère des questions féminines a fait état d’une augmentation des cas enregistrés de violence à l’égard des femmes, notamment des féminicides, des agressions et des viols;
U. considérant qu’environ 87 % des femmes afghanes souffrent de violence sexiste; que l’Afghanistan se classe 153e sur 189 pays dans l’indice d’inégalités de genre des Nations unies pour l’année 2019; que, selon les rapports, 62 % des femmes afghanes ont subi des formes multiples de violence, un chiffre presque trois fois plus élevé que la moyenne mondiale, déjà considérée comme exceptionnellement élevée en soi; que les auteurs de violences de genre restent impunis; que la MANUA a signalé que même les affaires de meurtre et de viol ne sont souvent jamais portées devant les tribunaux;
V. considérant que la participation des femmes au gouvernement est restée limitée; que les rares femmes présentes au gouvernement ont été victimes d’intimidation, de harcèlement et de discrimination; que les femmes n’ont pas accès aux mêmes ressources bureautiques que leurs collègues masculins et qu’elles se voient souvent refuser l’exercice d’heures supplémentaires et la rémunération qui en découle; que les femmes n’ont eu que trop peu l’occasion de participer à la prise de décisions et que les attaques dont elles sont victimes lorsqu’elles travaillent au service du gouvernement ont rarement fait l’objet d’une enquête, laissant les auteurs impunis; qu’avant l’intervention des États-Unis et la montée en puissance des moudjahidines dans les années 1970 et 1980, les femmes afghanes, à l’époque où le Parti démocratique du peuple d’Afghanistan était au pouvoir, jouissaient de libertés comparables à celles des femmes de l’Union européenne; que, depuis lors, les droits des femmes ont connu un recul dramatique;
W. considérant que l’ONG Institution d’action civile et sociale pour la jeunesse de Logar a dénoncé l’existence d’un réseau pédophile dans la région de Logar; qu’au moins 546 enfants ont été victimes d’abus et d’agressions sexuels commis par des enseignants et des représentants des autorités locales; que des enquêtes sont en cours dans d’autres écoles secondaires de la région, car des milliers d’autres enfants pourraient avoir été abusés; que plusieurs autorités, y compris le gouverneur de la région et la police locale, ont nié la véracité de ces faits; que plusieurs des victimes ont été tuées après avoir été identifiées;
X. considérant qu’en dépit de la médiatisation des abus sexuels sur les enfants et de la criminalisation de la pratique abusive du «bacha bazi» (garçons jouets abusés sexuellement par des hommes plus âgés) en 2018, les autorités ont fait peu d’efforts pour mettre fin à l’impunité et obliger les auteurs à répondre de leurs actes;
Y. considérant que des enfants continuent d’être recrutés pour le combat, en particulier par les groupes armés et les forces de sécurité afghanes – milices progouvernementales et police locale – et qu’ils sont soumis à de multiples abus, notamment sexuels.
Z. considérant que, selon la MANUA, l’Afghanistan reste «l’un des pays les plus meurtriers au monde pour les enfants», les forces progouvernementales et antigouvernementales étant chacune responsables de la mort de plus de 700 enfants;
AA. considérant que, selon l’UNICEF, plus de 2 millions de filles ne sont toujours pas scolarisées et que, selon les chiffres du gouvernement, environ 7 000 écoles du pays n’ont pas de bâtiment; qu’un grand nombre d’enfants continuent d’être contraints au travail forcé ou à la mendicité dans les rues;
AB. considérant que les conditions sont plus difficiles pour les journalistes, les travailleurs des médias et les militants en raison de l’insécurité croissante et des assassinats ciblés de militants et de journalistes; que le gouvernement a présenté un projet de loi sur les médias, qui imposerait de nouvelles restrictions au droit à la liberté d’expression;
AC. considérant que, selon Amnesty International, les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme en Afghanistan se sont intensifiées, mais que ces attaques ne font l’objet d’aucune enquête et que les défenseurs des droits de l’homme sont parfois accusés de fabriquer leurs plaintes de toutes pièces;
AD. considérant qu’il est nécessaire, pour reconstruire un pays dans la paix, de renforcer l’indépendance du système judiciaire, de protéger les droits des femmes et des enfants, de préserver la liberté des médias et de décider de la façon de désarmer les milices irrégulières; qu’en décembre 2020, le gouvernement afghan a créé la Commission conjointe pour la protection des défenseurs des droits de l’homme et des militants de la société civile en Afghanistan;
AE. considérant que, peu avant l’invasion de 2001, les dirigeants afghans avaient interdit la production d’opium et avaient presque réussi à mener à bien un programme d’éradication dans le cadre duquel ils offraient aux agriculteurs des subventions pour qu’ils cessent de produire de l’opium; que, juste après l’invasion, les niveaux de production ont augmenté de façon spectaculaire; que la majeure partie de cette production était sous le contrôle direct des chefs de guerre combattant aux côtés du gouvernement américain et soutenus par celui-ci; qu’en 2018, l’Afghanistan était à l’origine de 82 % de la production mondiale d’opium selon les données de l’ONU; que le trafic d’opiacés aggrave l’instabilité et la sédition et finance les groupes terroristes en Afghanistan;
AF. considérant que l’action conjointe pour le futur sur les questions migratoires UE-Afghanistan a été introduite pour subordonner l’aide à la réadmission des ressortissants afghans dans l’Union européenne, et qu’elle a été adoptée sans le consentement du Parlement en l’absence d’accord formel de réadmission; que les Afghans restent l’un des plus grands groupes de demandeurs d’asile dans l’Union européenne; considérant que les États membres ont mis en danger des milliers de demandeurs d’asile afghans, dont des mineurs non accompagnés, en les contraignant à rentrer dans leur pays, où ils risquent d’être torturés, enlevés ou tués ou de subir d’autres violations des droits de l’homme;
AG. considérant que, selon la Commission, depuis 2002, l’Union européenne a fourni plus de 4 milliards d’euros d’aide au développement à l’Afghanistan, ce qui fait de ce pays le premier bénéficiaire de l’aide au développement de l’Union européenne dans le monde; que l’économie reste toutefois confrontée à de graves problèmes et dépendante de l’aide extérieure;
AH. considérant qu’en réponse aux recommandations du FMI et d’autres acteurs, le gouvernement afghan a introduit une série de réformes néolibérales sévères, notamment une taxe forfaitaire, et a abaissé les droits de douane sur les produits importés de 43 à 5,3 %; que ces réformes n’ont pas permis d’augmenter significativement les recettes de l’État et que des déficits budgétaires et commerciaux s’en sont suivis; qu’en avril 2021, le FMI a conclu un accord technique sur le programme de réforme économique de l’Afghanistan dans le cadre de la facilité élargie de crédit (FEC);
AI. considérant que l’«approche globale» de l’OTAN a échoué et que l’aide au développement a fini par être subordonnée à des objectifs politiques et militaires; que cette approche peut avoir pour effet d’impliquer certains acteurs de la société civile dans le conflit, car les rebelles les considèrent comme partie au conflit;
AJ. considérant qu’en mars 2020, les juges de la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) ont décidé à l’unanimité d’autoriser le Bureau de la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, à ouvrir une enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire afghan depuis le 1er mai 2003, ainsi que sur d’autres crimes présumés liés au conflit armé en Afghanistan, mais commis sur le territoire d’autres États parties à la CPI depuis le 1er juillet 2002; que l’administration américaine a imposé des sanctions, notamment un gel des avoirs, à la procureure de la CPI, qui était sur le point de mener une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par les différentes parties au conflit depuis 2003;
AK. considérant que l’Afghanistan semble entrer dans une période d’instabilité croissante; que, rien que cette semaine, de nombreux rapports ont fait état de nouveaux meurtres et décès au sein des forces gouvernementales et que les talibans ont considérablement accru leur contrôle sur des zones autrefois contrôlées par le gouvernement; que la perspective d’une résolution pacifique par de nouvelles élections nationales semble de plus en plus improbable;
1. souligne qu’à l’occasion du 20e anniversaire de l’intervention menée par les États-Unis et l’OTAN, qui a fait d’innombrables victimes, l’autosuffisance et la souveraineté de l’État afghan ne sont toujours pas garanties; rappelle que ces forces militaires, par leur présence, mais aussi et surtout par leurs opérations offensives, ont attisé en partie le conflit; se félicite du fait que les États-Unis, sous la direction du président Joe Biden, aient fixé au 11 septembre 2021 la date limite pour le retrait complet des troupes d’Afghanistan;
2. dénonce la longue histoire des interventions militaires illégales et ratées de l’OTAN qui ont entraîné tant de destruction, de déstabilisation, de déplacement et de mort en Asie occidentale et en Afrique du Nord en particulier, renforçant souvent les forces extrémistes dans le processus; appelle à la dissolution de l’OTAN, au démantèlement du complexe militaro-industriel et à la promotion de relations diplomatiques avec nos voisins basées sur le respect mutuel, les faits et le droit international;
3. se félicite de l’accord de paix, malgré l’absence de garanties en matière de droits de l’homme; souligne que le processus de paix doit être pris en charge et dirigé par les Afghans; invite l’Union européenne à soutenir le gouvernement afghan dans sa conduite d’un processus de paix et de réconciliation global et inclusif, mené et pris en charge par l’Afghanistan, en y associant activement l’ensemble de la société civile et des parties au conflit, y compris – après un cessez-le feu – les groupes combattants, les groupes d’insurgés et les milices, étant donné qu’aucune autre solution durable au conflit n’est possible;
4. s’inquiète du fait que la sécurité dans tout le pays reste désastreuse, compte tenu des graves violences perpétrées contre les civils et les forces de sécurité afghanes, même si les talibans ne s’en sont pas pris aux forces américaines;
5. condamne la frappe aérienne américaine du 17 février dans le district de Kushk à Herat, qui a détruit une maison, tuant trois femmes et cinq enfants, quelques jours seulement après la signature de l’accord de paix;
6. est préoccupé par la situation politique actuelle en Afghanistan; note qu’une majorité d’Afghans souhaitent la paix, mais veulent également préserver le système constitutionnel actuel qui garantit la démocratie, les libertés individuelles, la liberté des médias et les droits des femmes; est vivement préoccupé par le fait que les talibans n’ont pas fait grand-chose pour convaincre les citoyens que leur point de vue avait changé depuis l’époque où ils exerçaient une coercition brutale et extrême dans les années 1990;
7. demande à l’Union européenne et à ses États membres de renforcer d’urgence leur soutien aux quatre millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, qui ont été gravement touchées par la pandémie de COVID-19;
8. souligne que la COVID-19 a causé des difficultés humanitaires et économiques qui sont venues s’ajouter à une pauvreté, une insécurité alimentaire et une vulnérabilité climatique déjà extrêmes dans un système économique et social déjà fragile; invite l’Union et les États membres à fournir une assistance économique et sociale à la République islamique d’Afghanistan;
9. demande à l’Afghanistan de protéger tous les enfants relevant de sa juridiction contre toutes les formes d’abus, y compris l’exploitation sexuelle, et de poursuivre les auteurs de ces abus, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’enfant, telles que définies dans la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, ratifiée par l’Afghanistan en 1994; presse les autorités afghanes d’appliquer dans son intégralité le plan d’action signé par les Nations unies et le gouvernement afghan à Kaboul le 30 janvier 2011 relatif au phénomène des «garçons jouets» et qui permet la réhabilitation des enfants victimes de violences sexuelles;
10. demande aux autorités de faire appliquer sans délai le Code pénal interdisant la maltraitance des enfants et de mettre fin à cette pratique; demande aux autorités d’enquêter rapidement et de manière impartiale sur tous les cas de violence sexuelle à l’encontre des garçons, y compris ceux impliquant des fonctionnaires, et de traduire les auteurs en justice; estime que l’impunité générale en matière de maltraitance des enfants pourrait être assimilée à de la torture et à de mauvais traitements; exhorte le gouvernement afghan à entamer une campagne nationale pour éduquer la société à l’interdiction de la pratique des «garçons jouets» et au droit des mineurs à être protégés de telles violences physiques et sexuelles;
11. dénonce les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, les activistes et les ONG et exprime sa profonde inquiétude face au harcèlement judiciaire et aux campagnes de dénigrement visant d’éminents défenseurs des droits de l’homme et leurs organisations; demande instamment aux autorités de permettre à ces groupes de mener leurs activités légitimes en faveur des droits de l’homme, sans crainte de représailles et sans aucune contrainte, y compris le harcèlement judiciaire;
12. invite l’Union européenne à soutenir le gouvernement afghan dans sa conduite d’un processus de paix et de réconciliation global et inclusif, mené et pris en charge par l’Afghanistan, en y associant activement l’ensemble de la société civile et des parties au conflit, y compris – après un cessez-le feu – les groupes combattants, les groupes d’insurgés et les milices, étant donné qu’aucune autre solution durable au conflit n’est possible;
13. demande à toutes les parties impliquées dans le conflit de respecter le droit humanitaire international et les droits de tous les membres de la société, en particulier les minorités, les femmes et les enfants, qui sont touchés de manière disproportionnée par la situation actuelle;
14. invite l’Union européenne à soutenir activement un programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des anciens insurgés, sous l’égide du gouvernement afghan; appelle également à soutenir le gouvernement afghan pour qu’il dissolve et désarme immédiatement toutes les forces paramilitaires opérant en dehors de la chaîne de commandement militaire ordinaire et pour qu’il coopère aux enquêtes indépendantes sur toutes les allégations de crimes de guerre et autres violations des droits de l’homme; demande en particulier qu’une enquête rapide et impartiale soit menée sur les allégations actuelles de détentions secrètes et de disparitions forcées, que les personnes détenues illégalement soient localisées et libérées, et que les responsables, y compris les donneurs d’ordres, soient traduits en justice;
15. demande à l’Union, à ses États membres et aux États-Unis de veiller à ce que les crimes de guerre présumés impliquant leurs militaires ou leurs fonctionnaires fassent l’objet d’une enquête appropriée et efficace par un organe totalement indépendant et, le cas échéant, que les responsables soient poursuivis sans pression politique d’un quelconque membre du gouvernement; demande que toutes les personnes concernées aient à répondre de leurs actes, y compris les membres de la chaîne de commandement directe et indirecte, tels que les officiers de haut rang et les ministres responsables des forces armées;
16. insiste sur le fait que la lutte contre les groupes terroristes ne peut être efficace que si nous nous attaquons aux causes du terrorisme, et plus particulièrement aux problèmes liés à l’inégalité, au chômage et à la pauvreté; souligne que les attaques terroristes ne doivent pas servir de prétexte pour déroger à l’état de droit et pour restreindre les droits de l’homme et les libertés fondamentales; estime que les attaques terroristes ne doivent pas être utilisées pour combattre toute forme d’opposition ou commettre des crimes, en particulier des crimes extrajudiciaires;
17. rappelle que le Pakistan se distingue à la fois par la portée de ses objectifs et par l’ampleur de ses efforts, qui consistent notamment à collecter des fonds pour les talibans, à financer leurs opérations, à leur apporter un soutien diplomatique en tant qu’émissaires virtuels à l’étranger, à assurer la formation des combattants talibans, à recruter de la main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée pour servir dans les unités talibanes, à planifier et à diriger des offensives, à fournir et à faciliter l’approvisionnement en munitions et en carburant et à leur fournir régulièrement un soutien direct au combat; demande instamment au Pakistan de respecter la souveraineté de l’Afghanistan et de cesser de faciliter le travail des talibans et d’autres groupes radicaux dans la région; invite les pays voisins à engager des pourparlers pacifiques et productifs avec le gouvernement afghan afin de lutter contre la montée des groupes terroristes dans la région;
18. se félicite de la décision de la CPI d’autoriser le Bureau de la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, à ouvrir une enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire de l’Afghanistan depuis le 1er mai 2003; condamne les menaces des États-Unis à l’égard de ceux qui coopèrent aux enquêtes de la CPI; condamne, à cet égard, la décision des juges de la CPI de rejeter la demande de la procureure d’ouvrir une enquête sur les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme commis en Afghanistan, en invoquant l’absence d’une pleine coopération de l’État et des contraintes budgétaires; regrette que cette décision risque d’affaiblir plus encore la crédibilité de la CPI;
19. estime qu’une enquête indépendante devrait également être menée, sous l’égide des Nations unies, notamment sur les exécutions extrajudiciaires par drones, afin de mettre fin à la culture de l’impunité – élément clé du processus de stabilisation en Afghanistan – et de gagner la confiance de la population
20. demande aux États membres de l’Union à cesser immédiatement les expulsions vers l’Afghanistan et à régulariser la situation des demandeurs d’asile afghans, l’Afghanistan n’étant manifestement pas un pays sûr; demande à l’Union et aux États membres de cesser de subordonner l’aide aux retours et d’externaliser le contrôle des frontières de l’Union;
21. souligne qu’une coopération régionale inclusive est nécessaire dans l’objectif de promouvoir la paix, la stabilité et la sécurité à long terme dans l’ensemble de la région; encourage l’adoption d’une nouvelle approche de la situation sécuritaire en Afghanistan et chez ses voisins, sous la forme d’un forum multilatéral favorisant le dialogue et la négociation entre les pays et les régions concernés, portant sur des engagements dans les domaines politique, sécuritaire, social, économique, environnemental, ainsi qu’en matière de droits de l’homme; souligne que ce forum pourrait être le signe d’une nouvelle approche constructive basée sur l’appropriation, l’autodétermination et les responsabilités des États à l’égard de leurs citoyens ainsi que des autres États; souligne que ce forum devrait être lancé en coopération avec l’organisation de la conférence islamique et les Nations unies;
22. note l’absence de progrès substantiels en matière de droits de l’homme et de droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne les femmes et les jeunes filles en Afghanistan; est alarmé par la résurgence croissante de la violence à l’égard des femmes et par l’érosion des droits des femmes; juge profondément préoccupant que les femmes afghanes continuent d’être victimes de discriminations, de violences, d’abus sexuels et de viols au titre de la charia; réitère son appel au Parlement afghan et au gouvernement afghan pour qu’ils abrogent toutes les lois qui contiennent une quelconque discrimination à l’égard des femmes, étant donné que ces textes violent les traités internationaux signés par l’Afghanistan; invite le gouvernement à poursuivre la mise en œuvre du Plan d’action national pour les femmes afghanes, à lui allouer des moyens financiers suffisants et à mettre en œuvre la loi sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; soutient pleinement la mise en œuvre intégrale de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité, ainsi que d’autres mesures nationales visant à promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des jeunes filles en Afghanistan et à lutter contre les violences faites aux femmes;
23. encourage le gouvernement afghan à s’engager dans la mise en place d’un système judiciaire indépendant et à garantir la liberté de la presse;
24. demande aux autorités afghanes de commuer toutes les condamnations à mort et de réinstaurer un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir définitivement la peine de mort; demande également au gouvernement afghan de mettre fin à toutes les formes de torture et d’abus, notamment dans les prisons;
25. se déclare préoccupé par le taux élevé de chômage, en particulier chez les jeunes Afghans, par le manque d’accès aux soins médicaux et à l’enseignement primaire, par le mauvais état du système de santé et par le fait que plus de la moitié de la population vit dans la pauvreté; souligne la nécessité pour l’Union européenne d’axer sa stratégie pour l’Afghanistan principalement sur la politique de développement, en particulier dans les zones rurales où vit la majorité de la population, et sur la réduction de la pauvreté, et de concentrer son aide au développement sur des projets visant à développer les infrastructures publiques en Afghanistan, afin de créer d’urgence les emplois nécessaires et de mettre ainsi fin à la dépendance du pays à l’égard des donateurs étrangers; reste préoccupé par le peu de succès rencontré jusqu’à présent par les mesures visant à éradiquer progressivement la culture de l’opium en Afghanistan; demande de créer d’autres moyens de subsistance viables et d’adopter des mesures permettant d’améliorer les conditions de vie de la population des zones rurales en général;
26. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission / haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux parlements et aux gouvernements des États membres, au parlement et au gouvernement de l’Afghanistan, au Conseil de l’Europe, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à l’ONU, ainsi qu’à l’OTAN.