Proposition de résolution - B9-0324/2021Proposition de résolution
B9-0324/2021

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en Afghanistan

7.6.2021 - (2021/2712(RSP))

déposée à la suite d’une déclaration du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Pedro Marques, Elena Yoncheva
au nom du groupe S&D

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0324/2021

Procédure : 2021/2712(RSP)
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B9-0324/2021
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B9-0324/2021
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B9-0324/2021

Résolution du Parlement européen sur la situation en Afghanistan

(2021/2712(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions précédentes sur l’Afghanistan, notamment celles du 19 décembre 2019[1] et du 14 décembre 2017[2],

 vu la déclaration commune du 4 mai 2021 du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR) et du ministre indien des affaires étrangères sur l’Afghanistan,

 vu le communiqué du 7 mai 2021 des envoyés et représentants spéciaux de l’Union européenne, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’OTAN, de la Norvège, du Royaume-Uni et des États-Unis concernant le processus de paix afghan,

 vu la résolution 2513 (2020) du 10 mars 2020 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation en Afghanistan,

 vu le communiqué politique conjoint et le cadre de partenariat pour l’Afghanistan, adoptés lors de la conférence de Genève sur l’Afghanistan des 23 et 24 novembre 2020,

 vu la conférence d’Istanbul sur le processus de paix en Afghanistan, qui s’est tenue du 24 avril au 4 mai 2021,

 vu la loi afghane sur la protection des droits de l’enfant ratifiée le 5 mars 2019,

 vu les conclusions du Conseil du 29 mai 2020 sur l’Afghanistan,

 vu l’accord de coopération du 18 février 2017 en matière de partenariat et de développement entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République islamique d’Afghanistan, d’autre part[3],

 vu l’accord intitulé «action conjointe pour le futur», relatif aux questions migratoires, signé par l’Afghanistan et l’Union européenne le 3 octobre 2016,

 vu l’enquête 2020 sur l’opium en Afghanistan, publiée conjointement par l’Autorité nationale afghane des statistiques et de l’information et l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime en avril 2021,

 vu les orientations de l’UE pour la promotion et la protection des droits de l’enfant, les orientations de l’UE sur les enfants face aux conflits armés et les orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme,

 vu la déclaration universelle des droits de l’homme,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que, depuis la chute du gouvernement taliban en 2001, l’Union européenne est activement présente en Afghanistan pour soutenir le développement social et économique et coordonner l’aide internationale;

B. considérant que la violence ne cesse d’augmenter en Afghanistan depuis plusieurs années; que l’on assiste à une nouvelle flambée des insurrections depuis septembre 2020; que selon l’indice mondial du terrorisme pour l’année 2020, l’Afghanistan est classé parmi les pays les plus touchés;

C. considérant qu’en 2018, les États-Unis ont entamé des négociations avec les talibans; que cela a abouti, en février 2020, à la signature d’un accord pour ramener la paix en Afghanistan entre les États-Unis et les talibans; que le gouvernement afghan n’était pas partie à l’accord;

D. considérant que des pourparlers de paix directs intra-afghans entre le gouvernement afghan, les talibans et d’autres parties prenantes ont été lancés en septembre 2020 à Doha, au Qatar; que ces négociations sont en cours;

E. considérant que l’accord entre les États-Unis et les talibans comprenait un engagement de retrait des troupes américaines; que les États-Unis, en avril 2021, ont annoncé le retrait total de leurs troupes pour le 11 septembre 2021;

F. considérant que la mission Resolute Support (RSM), dirigée par l’OTAN, est présente depuis janvier 2015 en Afghanistan et fournit une formation, des conseils et une assistance aux forces de sécurité afghanes; que l’OTAN et ses États membres ont décidé de mettre fin à la RSM et de retirer les troupes nationales dans le même délai;

G. considérant que la récente flambée de violences est intervenue dans le contexte de violations généralisées et anciennes des droits de l’homme dans le pays, notamment des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et des violences sexuelles, commises par des terroristes, des groupes armés et des forces de sécurité; que, selon les estimations, quelque 150 000 personnes sont mortes au cours de la guerre de 20 ans, dont 35 000 civils;

H. considérant que les défenseurs des droits de l’homme sont régulièrement intimidés, menacés et tués en Afghanistan ; que les Nations unies ont exhorté le gouvernement afghan à redoubler d’efforts pour protéger les défenseurs des droits de l’homme après le meurtre de neuf militants entre janvier et août 2020;

I. considérant que des progrès tangibles ont été accomplis en matière de droits des femmes et des filles en Afghanistan depuis 2001, notamment concernant l’accès à l’éducation, les soins de santé et la participation à la vie civique et politique; que ces améliorations sont sans doute les principales réussites dans l’évolution récente du pays; que ces progrès partiels sont désormais menacés et doivent être préservés et renforcés de toute urgence;

J. considérant qu’en dépit de ces améliorations, les femmes et les filles continuent d’être confrontées au quotidien à des menaces odieuses, notamment des obstacles à l’accès aux services essentiels et des agressions, y compris des violences domestiques, sexuelles et sexistes; que l’indice des femmes, de la paix et de la sécurité (2019-2020) a classé l’Afghanistan au deuxième rang des pays les plus défavorables aux femmes; qu’au moins 85 personnes ont été tuées et 147 blessées, pour la plupart des écolières, lors de l’attentat de l’école pour filles Sayed al-Shuhada à Kaboul le 8 mai 2021; que, le 2 mars 2021, trois femmes journalistes ont été tuées à Jalalabad;

K. considérant que près de trois millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays à la suite de violences; que les pays voisins, notamment l’Iran, accueillent un grand nombre de réfugiés;

L. considérant que l’Afghanistan est l’un des pays les plus pauvres au monde, l’aide au développement représentant environ 40 % du produit intérieur brut du pays; que plus de la moitié des Afghans vivent dans la pauvreté et que 39 % de la population vit dans une extrême pauvreté; que les acteurs humanitaires internationaux, y compris l’Union européenne, sont souvent dans l’incapacité d’apporter une aide là où elle est nécessaire en raison de l’augmentation de la violence et de l’instabilité; que le Programme alimentaire mondial a été contraint de suspendre l’aide à la sécurité alimentaire saisonnière en faveur des districts d’Alishang et d’Alingar en mai 2021, en raison de l’intensification des affrontements entre les forces gouvernementales et les insurgés;

M. considérant que l’Union européenne a engagé plus de 5,1 milliards d’euros en faveur de l’Afghanistan entre 2002 et 2020; qu’elle a par la suite engagé 1,2 milliard d’euros d’aide à l’Afghanistan pour la période 2021-2025 lors de la conférence de Genève de 2020; que l’Union a clairement indiqué que cette aide financière était subordonnée à la préservation par l’Afghanistan du pluralisme démocratique, de l’ordre constitutionnel, de la transparence et de la responsabilité des institutions, de l’état de droit, de la poursuite de la promotion des droits humains et des libertés fondamentales, en particulier pour les femmes, les enfants et les minorités, et notamment de la liberté de la presse, ainsi que de la recherche d’une paix, d’un développement et d’une prospérité durables;

N. considérant que l’Afghanistan est marqué par un écart important entre les zones rurales et urbaines; que plus de 70 % de la population vit dans des zones rurales, dont une grande partie souffre d’un niveau de pauvreté extrêmement élevé et n’est pas sous le contrôle du gouvernement;

O. considérant que le commerce illicite d’opium représente environ un quart de l’économie afghane; qu’en 2020, l’Afghanistan a produit 6 300 tonnes d’opium sur une superficie totale de 24 000 hectares, l’une des plus grandes récoltes enregistrées; que le commerce de l’opium est une source importante d’emplois dans les zones rurales et de fonds pour les talibans;

P. considérant que l’action conjointe pour le futur sur les questions migratoires, signée par l’Union européenne et l’Afghanistan en 2016, a expiré en 2020; que le Parlement a exprimé son opposition à l’absence de contrôle parlementaire et de surveillance démocratique sur cet accord; qu’en avril 2021, l’Union européenne et l’Afghanistan ont signé une déclaration commune sur la migration à la suite de l’expiration de l’action conjointe pour le futur;

Q. considérant que le changement climatique et les catastrophes naturelles, y compris les sécheresses extrêmes, font peser des menaces considérables sur la vie et les moyens de subsistance en Afghanistan;

R. considérant que la pandémie de COVID-19 a exacerbé les difficultés rencontrées dans le pays; que 63 % des femmes travaillant dans le secteur informel ont perdu leur emploi depuis le début de la crise sanitaire; que la fermeture des écoles menace l’éducation à long terme des enfants, en particulier des filles, et accroît les risques de violences domestiques, de recrutement d’enfants soldats et de manque d’accès des enfants aux soins de santé et aux infrastructures sanitaires;

1. déplore l’augmentation alarmante de la violence en Afghanistan, y compris les assassinats ciblés d’enfants, de journalistes, de membres de la société civile et de juges; exhorte toutes les parties, et notamment les talibans, à cesser immédiatement les attaques contre les civils, en particulier à proximité des écoles, des hôpitaux et des mosquées, et à respecter pleinement le droit humanitaire international;

2. insiste pour que le processus de paix et la reconstruction post-conflit soient menés et assumés par les Afghans, seule voie crédible pour assurer la paix, la sécurité et le développement de manière inclusive et à long terme;

3. soutient à cet égard les pourparlers de paix en cours à Doha afin de parvenir à un règlement politique du conflit et à un cessez-le-feu permanent négocié à l’échelle nationale;

4. réaffirme son soutien à long terme, au-delà du retrait des troupes cette année, pour aider l’Afghanistan à instaurer une paix durable; demande instamment à l’Union européenne et à ses États membres, à l’OTAN et aux États-Unis de rester concentrés sur cet objectif;

5. rappelle que les attentats terroristes en Afghanistan sont perpétrés par de multiples acteurs, dont les talibans, Al-Qaïda et l’organisation «État islamique»; souligne le risque réel d’un accroissement de l’instabilité et des violences à la suite du retrait des troupes américaines et de l’OTAN; réaffirme, par conséquent, qu’il est urgent que l’Union se concerte avec les parties prenantes, notamment le gouvernement afghan et les forces de sécurité afghanes, les États-Unis, l’OTAN et les Nations unies, afin de garantir une transition aussi harmonieuse que possible;

6. rappelle qu’il ne peut y avoir de développement sans sécurité, et vice versa; relève à cet égard que le soutien international en faveur de l’Afghanistan à la suite du retrait des troupes doit suivre une approche globale et poursuivre le soutien financier et technique aux réformes en matière de sécurité, de politique, d’économie et de développement, en mettant en particulier l’accent sur le renforcement de la démocratie, de l’état de droit et des droits humains, notamment pour les femmes, les jeunes et les minorités;

7. demeure préoccupé par le climat dangereux dans lequel évolue la société civile, notamment les journalistes et les défenseurs des droits humains; invite instamment le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), la Commission et les États membres à continuer d’apporter un soutien substantiel à la société civile et à maintenir le dialogue avec le gouvernement afghan afin de réduire d’urgence les obstacles aux activités des organisations non gouvernementales;

8. souligne que l’impunité et la corruption continuent à entraver la coordination en matière de sécurité, la prestation de services publics et la réforme économique; se félicite de la création, en novembre 2020, de la commission de lutte contre la corruption en Afghanistan, chargée de mettre en œuvre la stratégie de lutte contre la corruption adoptée récemment, et prie instamment le SEAE et la Commission de maintenir à un niveau élevé l’aide de l’Union à la lutte contre la corruption dans le pays;

9. souligne qu’il est urgent de préserver les progrès réalisés en matière de droits des femmes en Afghanistan au cours des vingt dernières années; se félicite de la participation des femmes aux pourparlers de paix du côté du gouvernement afghan et insiste pour qu’aucun compromis n’ait lieu sur les droits des femmes dans le processus de paix; souligne que les progrès des droits des femmes dans les régions du pays qui ne sont pas sous le contrôle du gouvernement doivent également être pris en compte dans les négociations; souhaite voir une présence plus importante et une consultation pleine et entière des organisations de femmes tout au long des négociations; souligne que la pleine participation des femmes à la phase d’après-reconstruction et à la vie politique et civique en Afghanistan est une condition préalable fondamentale à l’instauration de la paix, de la sécurité et du développement à long terme;

10. regrette vivement que les femmes et les filles continuent d’être confrontées à des difficultés importantes, notamment des violences domestiques, sexuelles et sexistes, des mariages forcés et un accès limité aux soins de santé; insiste sur le fait que les progrès dans ces domaines doivent rester une priorité absolue pour l’Union; se félicite des projets financés par l’Union en faveur de l’émancipation des femmes et de leur participation à la prise de décision;

11. salue les progrès accomplis en matière de droits de l’enfant, mais est extrêmement préoccupé par la récente augmentation des violences, en particulier des attentats perpétrés contre des écoles; insiste pour qu’un accès sûr de tous les enfants à l’éducation soit une priorité absolue des négociations de paix;

12. soutient fermement les conditions liées à la récente promesse financière de l’UE pour l’Afghanistan, en particulier en ce qui concerne les droits humains, notamment les droits des femmes; fait observer qu’il est essentiel de contrôler que ces conditions sont remplies pour garantir leur efficacité; demande au VP/HR et à l’envoyé spécial de l’Union européenne pour l’Afghanistan de rappeler ces conditions au gouvernement afghan et aux autres acteurs et de faire régulièrement rapport au Parlement sur cet exercice;

13. souligne que l’insécurité en Afghanistan fait peser un risque sur la stabilité régionale, les violences pouvant se propager en Asie centrale; note que la coopération régionale au sein d’un cadre multilatéral est donc un moteur important de paix durable dans le pays;

14. se félicite que l’Afghanistan participe à la stratégie de l’UE pour l’Asie centrale, notamment au programme de gestion des frontières en Asie centrale; note qu’il importe de continuer à soutenir la coopération transfrontalière pour renforcer la sécurité régionale, contribuer à la connectivité et à la croissance économique de la région et réduire la fracture entre les zones urbaines et rurales;

15. observe que l’UE peut jouer un rôle constructif, en concertation avec les acteurs régionaux et internationaux, pour faciliter le dialogue politique et coordonner l’aide; prie instamment le VP/HR et l’envoyé spécial de l’Union européenne pour l’Afghanistan de continuer à accorder la priorité à l’Afghanistan dans le dialogue politique de haut niveau avec les partenaires de la région, notamment l’Iran, le Pakistan et l’Inde;

16. réitère son regret face à l’absence de contrôle parlementaire sur l’accord de réadmission informel «action conjointe pour le futur» entre l’Union européenne et l’Afghanistan; souligne que les expulsions vers l’Afghanistan mettent gravement en péril la vie des personnes rapatriées et perpétuent le cycle d’instabilité qui secoue le pays; souligne que le niveau actuel de violence est un climat inacceptable pour les personnes rapatriées et la réadmission et insiste pour que les gouvernements des États membres s’abstiennent de tout rapatriement forcé d’Afghans; rappelle que l’aide au développement ne doit pas être conditionnée par la coopération en matière de gestion des migrations, mais qu’elle doit être axée sur les domaines où les besoins sont les plus importants, dans le respect des droits fondamentaux des réfugiés;

17. est extrêmement préoccupé par la situation humanitaire dans le pays, notamment par la situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays; insiste pour que toutes les parties, y compris les talibans, respectent pleinement le droit international en matière d’aide humanitaire afin que l’aide puisse être acheminée sans entrave dans toutes les régions du pays; prie instamment le gouvernement afghan de veiller à ce que les organisations humanitaires puissent intervenir dans des délais bureaucratiques réduits au minimum;

18. souligne qu’il faut faire face de toute urgence aux menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire en raison du changement climatique, des sécheresses et de la pandémie de COVID-19; invite instamment le SEAE et la direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européennes de la Commission à jouer un rôle de premier plan en veillant à ce que l’aide alimentaire soit mobilisée et coordonnée en temps utile afin de lutter contre l’insécurité alimentaire qui menace;

19. rappelle que les conséquences de la culture du pavot à opium dépassent les frontières de l’Afghanistan et qu’elles touchent ses pays voisins et l’Europe, principale destination de l’héroïne produite en Afghanistan; réaffirme qu’il est nécessaire de développer et d’aider l’agriculture à plus long terme afin de créer des emplois et des revenus fiables provenant d’alternatives à la culture de l’opium; note qu’il s’agit d’une étape nécessaire pour lutter contre le trafic de drogues illicites, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme;

20. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi qu’à l’envoyé spécial de l’Union européenne pour l’Afghanistan et au président de la République d’Afghanistan.

 

Dernière mise à jour: 9 juin 2021
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