Proposition de résolution - B9-0346/2021/REV1Proposition de résolution
B9-0346/2021/REV1

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation des droits de l’homme et la situation politique à Cuba

8.6.2021 - (2021/2745(RSP))

déposée à la suite d’une déclaration du vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
déposée conformément à l’article 132, paragraphe 2, du règlement intérieur

Anna Fotyga, Hermann Tertsch, Charlie Weimers, Carlo Fidanza, Joanna Kopcińska, Bogdan Rzońca, Veronika Vrecionová, Raffaele Fitto, Jadwiga Wiśniewska, Elżbieta Rafalska, Ryszard Czarnecki, Valdemar Tomaševski, Assita Kanko, Witold Jan Waszczykowski, Elżbieta Kruk, Ruža Tomašić, Angel Dzhambazki
au nom du groupe ECR

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B9-0341/2021

Procédure : 2021/2745(RSP)
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B9-0346/2021
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B9-0346/2021
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B9-0346/2021

Résolution du Parlement européen sur la situation des droits de l’homme et la situation politique à Cuba

(2021/2745(RSP))

Le Parlement européen,

 vu ses résolutions précédentes sur Cuba, et notamment celles du 17 novembre 2004 sur Cuba[1], du 2 février 2006 sur la position de l'Union européenne à l'égard du gouvernement cubain[2], du 21 juin 2007 sur Cuba[3], du 11 mars 2010 sur les prisonniers d’opinion à Cuba[4], du 5 juillet 2017 sur le projet de décision du Conseil relatif à la conclusion, au nom de l’Union, de l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Cuba, d’autre part[5], du 15 novembre 2018 sur la situation des droits de l’homme à Cuba[6] et du 28 novembre 2019 sur Cuba, le cas de José Daniel Ferrer[7],

 vu l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et Cuba, signé en décembre 2016 et appliqué à titre provisoire depuis le 1er novembre 2017,

 vu le troisième dialogue officiel sur les droits de l'homme entre l’Union européenne et Cuba, qui s’est tenu dans le cadre de l’accord de dialogue politique et de coopération le 6 février 2021,

 vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que les autres traités et instruments internationaux en faveur des droits de l’homme,

 vu la déclaration universelle des droits de l’homme, dont Cuba est signataire,

 vu le statut de Rome de la Cour pénale internationale,

 vu l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations unies relatif à Cuba, du 16 mai 2018,

 vu la Constitution de la République de Cuba et le code pénal cubain,

 vu la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1984, à laquelle Cuba est partie,

 vu le rapport du groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme des Nations unies adopté le 6 octobre 2020,

 vu les rapports des défenseurs des droits de l'homme comme Human Rights Watch, Human Rights Foundation et Prisoners Defenders, et la communication AL CUB6/2019 des mandats du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, du rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, et du rapporteur spécial sur la traite des êtres humains;

 vu les communications finales du Comité des disparitions forcées des Nations unies sur les demandes d’action en urgence du 27 janvier 2020 sur la disparition forcée de José Daniel Ferrer pendant 37 jours et du 23 janvier 2020 sur la disparition forcée de Fernando González Vaillant pendant 63 jours, et le rapport du Comité des disparitions forcées du 5 octobre 2020 sur les demandes d’action en urgence présentées au titre de l’article 30 de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées,

 vu le rapport du groupe de travail sur la détention arbitraire du CDH, présenté le 30 septembre 2020 et adopté le 6 octobre après la 88e session du groupe de travail, sur les plus de 100 détentions arbitraires,

 vu les rapports de l’Observatoire cubain des droits de l’homme, couvrant la période de douze mois jusqu’à mai 2021, sur les actions répressives et les détentions arbitraires,

 vu les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par Cuba,

 vu la déclaration du secrétariat général de l’Organisation des États américains (OEA) du 16 octobre 2019,

 vu la définition de la «société civile organisée» figurant dans le Journal officiel de l’Union européenne,

 vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que la démocratie suppose la possibilité d’une alternance du pouvoir; que cela exclut l’article 5 de la Constitution cubaine, qui établit le parti communiste cubain comme la force politique suprême de la société et de l’État; que les articles 4 et 229 de la Constitution cubaine ont en font un système irréversible;

B. considérant que le Parlement a approuvé l’accord de dialogue politique et de coopération le 5 juillet 2017; que l’approbation faisait clairement mention de sa désapprobation politique en ce qui concerne la situation des droits de l'homme et contenait en outre une clause de suspension en cas de violations des dispositions en matière de droits de l'homme;

C. considérant que le rapport du groupe de travail sur les détentions arbitraires du 6 octobre 2020 signale que la violation systémique des droits de l'homme est une pratique courante des autorités cubaines;

D. considérant que, selon un rapport de l’Observatoire cubain des droits de l’homme, il est confirmé qu’en 2020 le régime cubain a procédé à 1 798 arrestations arbitraires violentes, dont 1 647 étaient des détentions à domicile forcées; que la nature répressive du régime se caractérise par une brutalité continue et extrême et par l'intention de terroriser la population en permanence;

E. considérant que Cuba se classe au troisième rang des pays affichant le nombre le plus élevé de demandes d’action en urgence présentées en vertu de l’article 30 de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées au cours de la période allant de 2012 au 31 août 2020;

F. considérant que les agissements du gouvernement cubain violent les dispositions de l’article 1er, paragraphe 5, ainsi que de l’article 22 de l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et Cuba, signé en 2016, par lequel le gouvernement cubain s’engage à défendre et à promouvoir les droits de l’homme;

G. considérant que des organisations internationales de défense des droits de l'homme et d’autres observateurs indépendants de la situation des droits de l’homme, notamment les rapporteurs spéciaux des Nations unies, ne sont pas autorisés à pénétrer sur le territoire de Cuba, alors qu’ils insistent depuis de nombreuses années sur la nécessité de visiter l’île;

H.  considérant qu’en mai 2021, le groupe d’experts du Congrès américain a déclaré que le Venezuela et Cuba sont gouvernés par des régimes autoritaires qui répriment l’opposition politique et les défenseurs des droits de l’homme et qui se caractérisent par leur faiblesse institutionnelle et non démocratique, ainsi que par des systèmes judiciaires contrôlés politiquement, la corruption et des niveaux élevés de criminalité et de violence;

I. considérant l’ingérence de Cuba dans le gouvernement vénézuélien et l’administration des ports et bases navales du Venezuela est signalée depuis au moins 30 ans; que le régime cubain possède une base de données complète de tous les Vénézuéliens enregistrés, a accès au bureau d’identification et de migration, est au courant de tous les enregistrements officiels et les opérations commerciales et civiles effectués par les Vénézuéliens, gère le logiciel de l’administration publique et ses réseaux de fibre optique et dispose d’informations détaillées sur le réseau électrique national, l’industrie pétrolière et les réserves de minerais du pays;

J. considérant que, ces dernières années, les États-Unis ont imposé des sanctions économiques de grande envergure à Cuba et que l’État cubain est qualifié de soutien du terrorisme;

K. considérant qu’en janvier 2021, le secrétaire d’État des États-Unis a dénoncé le soutien apporté par le régime cubain au terrorisme international et à la subversion de la justice américaine;   qu’il a souligné le refus de Cuba d’extrader des membres de l’Ejército de Liberación Nacional (ELN) après l’attentat à la bombe perpétré en 2019 dans une école de police de Bogotá, qui a fait 22 victimes; que, selon le secrétaire d’État, en 2021, le soutien de Cuba à Nicolás Maduro donne aux terroristes internationaux un environnement qui leur permet de vivre au Venezuela;

L. considérant qu’en octobre 2019, l’OEA a dénoncé le fait que la déstabilisation actuelle des systèmes politiques ibéro-américains trouve son origine dans la stratégie des dictatures bolivariennes et cubaines, qui financent, soutiennent et promeuvent les conflits politiques et sociaux dans la région ibéro-américaine;

M. considérant que l’article 135 du code pénal cubain punit tous les fonctionnaires qui n’achèvent pas leur mission médicale à l’étranger ou qui décident de ne pas retourner à Cuba après son achèvement d'une peine allant jusqu’à huit ans d’emprisonnement;

N. considérant que Cuba a ratifié les huit conventions fondamentales de l’OIT;

O. considérant que le Parlement a décerné à trois reprises son prix Sakharov pour la liberté de l’esprit à des militants cubains, à savoir à Oswaldo Payá en 2002, aux Dames en blanc en 2005 et à Guillermo Fariñas en 2010; que les lauréats du prix Sakharov et leurs familles continuent d’être systématiquement persécutés et intimidés, et que ceux qui vivent sur l’île sont systématiquement empêchés de quitter le pays et de participer à des manifestations internationales et à des manifestations organisées par le Parlement européen;

P. considérant que le groupe de travail sur la détention arbitraire du CDH a estimé que José Daniel Ferrer avait subi plus de 100 détentions, nombre d’entre elles arbitraires, qui se sont accompagnées de violences et de coups, de menaces et d’effractions illégales, même à l’aube, à son domicile, de vols illicites et abusifs de ses biens, de tortures, d’un emprisonnement, d’une disparition forcée, de restrictions de déplacement et d’arrestations de membres mineurs de sa famille; que même si le rapport ne mentionne pas expressément les «crimes contre l’humanité», il convient de rappeler que l’article 7 du statut de Rome de la Cour pénale internationale inclut ces crimes;

Q. considérant que le groupe de travail sur la détention arbitraire du CDH est convaincu que les détentions arbitraires ont été utilisées à Cuba pour limiter l’exercice pacifique des droits à la liberté d’opinion, d’expression, de réunion, d’association et de participation des victimes, ainsi que pour restreindre leurs activités en matière de défense des droits de l’homme;

R. considérant que le groupe de travail sur la détention arbitraire du CDH estime que le ministère cubain de la justice a violé le droit à la présomption d’innocence des victimes de détentions arbitraires, dont José Daniel Ferrer; qu’au moment de son arrestation et après celle-ci, José Daniel Ferrer n’a pas pu avoir accès à un avocat ou entrer en contact avec celui de son choix, et qu’il a également été contraint par la menace et la torture de signer des aveux;

S. considérant qu’en décembre et en avril derniers, Amnesty International a lancé des appels concernant le mouvement San Isidro et ses partisans, qui «ont été soumis à des niveaux de surveillance terrifiants», «ont été harcelés, détenus et constamment surveillés»; que les artistes et intellectuels du mouvement San Isidro ont subi des persécutions, des arrestations, des coups et des sièges de leur domicile, qui n’ont pas cessé au cours des années 2020 et 2021;

T. considérant que la liste des prisonniers politiques dressée par Prisoners Defenders compte actuellement 140 prisonniers politiques et personnes condamnées pour des raisons politiques;

U. considérant que les articles 72 à 84 du code pénal cubain contiennent la définition des concepts «état de danger» et «mesures de sécurité prépénales», au titre desquels des milliers de personnes sont condamnées, chaque année, à une peine d’un à quatre ans d’emprisonnement sans qu’aucun crime ne leur ait été imputé, et au titre desquels plus de 8 000 personnes sont incarcérées et plus de 2 500 sont condamnées au travail forcé sans internement;

V. considérant que, malgré la résolution du Parlement du 28 novembre 2019 sur le cas de José Daniel Ferrer, dans laquelle il invitait instamment «le SEAE et la Commission à soutenir activement les groupes de la société civile et les particuliers qui défendent les droits de l’homme à Cuba, notamment sous la forme de visites de prison, d’observations de procès et de déclarations publiques», dans aucune des affaires concernées, un prisonnier politique n’a reçu de visite en prison et un procès des opposants, dissidents, défenseurs des droits de l’homme ou militants indépendants de la société civile n’a été observé;

W. considérant que la délégation de l’Union à Cuba a publié en octobre 2019 un document indiquant et décrivant la coopération de l’Union avec Cuba, dans lequel elle déclarait que 8 % du financement actuel de la coopération entre Cuba et l’Union était destiné à la «société civile»; que les 19 millions d’euros prévus pour la période 2019 n’ont pas été alloués à la société civile; que tous les projets analysés sont financés par des entreprises publiques du gouvernement cubain;

1. condamne la détention arbitraire d’Aymara Nieto Muñoz, Mitzael Díaz Paseiro, Iván Amaro Hidalgo, Edilberto Ronal Arzuaga Alcalá, Yandier García Labrada, Denis Solís González et Luis Robles Elizástegui, ainsi que des 64 prisonniers d’opinion, et demande instamment aux autorités cubaines de les libérer immédiatement;

2. réaffirme sa profonde préoccupation face aux persécutions, au harcèlement, aux détentions arbitraires et aux attaques incessantes dont sont la cible des artistes, comme le mouvement San Isidro, des journalistes indépendants, des défenseurs des droits de l’homme et des membres de l'opposition pacifique à Cuba; exige que ces actions cessent immédiatement et que tous les prisonniers politiques et les personnes détenues arbitrairement soient libérées;

3. est vivement préoccupé par le fait que, selon le groupe de travail sur la détention arbitraire du CDH, les privations arbitraires de liberté à Cuba analysées ces dernières années ne constituent pas des cas isolés; prend acte des conclusions énoncées dans les avis du groupe de travail concernant Cuba, qui mettent en évidence le problème systémique des détentions arbitraires, tels qu’ils ont été ratifiés dans les rapports nos 12/2017, 55/2017, 64/2017, 59/2018, 66/2018, 63/2019 et 4/2020;

4. dénonce le soutien, le financement et la promotion, par Cuba, des conflits politiques et sociaux dans la région ibéro-américaine; relève qu’en 2019, l’OEA a dénoncé les dictatures de Cuba et du Venezuela comme étant responsables de la déstabilisation actuelle des systèmes politiques de la région; observe en outre qu’elle a également dénoncé les liens et la collaboration du régime cubain avec les forces impliquées dans la déstabilisation des gouvernements et des démocraties des pays ibéro-américains et dans les violences subies au Chili, en Colombie, en Équateur et au Pérou, ainsi que le financement par Cuba des forces en question;

5. est préoccupé par le fait que l’accord de dialogue politique et de coopération n’a pas permis d’améliorer la situation de la démocratie et des droits de l’homme;

6. souligne que, en dépit de l’accord de dialogue politique et de coopération, les organisations de la société civile cubaines et européennes ont été systématiquement entravées dans leur participation aux dialogues sur les droits de l’homme entre Cuba et l’Union européenne, dans le cadre plus large du dialogue sur les droits de l’homme prévu par l’accord, tel que celui qui a eu lieu le 26 février 2021, en raison du refus du gouvernement cubain de leur accorder l’autorisation;

7. rappelle au SEAE que les États membres signataires et les projets de coopération de l’accord établissent la participation de la société civile comme étant essentielle au développement du dialogue dans le cadre de l’accord, mais que cela ne s’est pas concrétisé jusqu’à présent, ce qui en soi invalide l’objectif de l’accord et doit être corrigé immédiatement;

8. demande la cessation immédiate de toute aide financière de l’Union en faveur de Cuba, qui a été versée de manière constante et sans tenir compte des graves violations passées et présentes des droits de l’homme, et relève qu’il a été démontré que cette aide n’est en réalité jamais utilisée directement au profit de la population; est préoccupé par le fait que ni cette aide directe ni l’aide conditionnée par la mission diplomatique de l’Union à La Havane n’ont été destinées à améliorer le niveau de vie des Cubains, mais qu’elles ont plutôt été utilisées au profit du régime et de ses propres organisations et associations idéologiques et répressives;

9. exige que les conditions convenues dans l’accord de dialogue politique et de coopération soient appliquées et que le gouvernement cubain soit informé de la mise en œuvre du mécanisme par lequel l’Union européenne est tenue de dénoncer l’accord en cas de violations répétées et systématiques des obligations et engagements convenus; insiste pour que l’Union contrôle et surveille étroitement le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales à Cuba;

10. charge son Président de transmettre la présente résolution au gouvernement et à l’Assemblée nationale cubaine du pouvoir populaire, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à la Commission, au représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme ainsi qu’aux gouvernements des États membres de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes.

 

Dernière mise à jour: 9 juin 2021
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