Résolution du Parlement européen du 25 octobre 2018 sur la protection des intérêts financiers de l’Union – recouvrement d’espèces et d’actifs auprès de pays tiers en cas de fraude (2018/2006(INI))
Le Parlement européen,
– vu le 18e rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) sur l’année 2017,
– vu la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal(1),
– vu le règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen(2),
– vu la communication de la Commission du 7 avril 2016 concernant un programme d’action sur la TVA: Vers un espace TVA unique dans l'Union - L’heure des choix (COM(2016)0148),
– vu le rapport de la Commission du 3 septembre 2018 intitulé «29ème rapport annuel relatif à la Protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Lutte contre la fraude – 2017» (COM(2018)0553) et les documents de travail qui l’accompagnent (SWD(2018)0381-0386),
– vu la décision 2014/335/UE, Euratom du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l’Union européenne(3),
– vu le règlement (CE, Euratom) nº 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes(4),
– vu sa résolution du 23 octobre 2013 sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux: recommandations sur des actions et des initiatives à entreprendre (rapport final)(5) (résolution de la commission CRIM) et sa résolution du 25 octobre 2016 sur la lutte contre la corruption et le suivi de la résolution de la commission CRIM(6),
– vu le rapport spécial Eurobaromètre 470,
– vu la question posée à la Commission intitulée «Lutter contre la fraude douanière et protéger les ressources propres de l’Union européenne» (O-000066/2018),
– vu l’article 52 de son règlement intérieur,
– vu le rapport de la commission du contrôle budgétaire (A8-0298/2018),
A. considérant que la protection des intérêts financiers de l’Union devrait être un élément essentiel de la stratégie de l’Union, afin de conforter la confiance des citoyens en veillant à ce que leur argent soit utilisé correctement et efficacement;
B. considérant que la diversité des systèmes juridiques et administratifs des États membres complique la lutte contre la fraude et qu’il n’existe pas de législation uniforme au niveau européen en matière de lutte contre la criminalité organisée;
C. considérant que l’article 325, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que «les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers»;
D. considérant que la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne(7) prévoit des normes européennes minimales concernant le gel des avoirs en vue d’une éventuelle confiscation ultérieure, ainsi que la confiscation des biens dans des affaires pénales;
E. considérant que la proposition de règlement de la Commission du 21 décembre 2016 relatif à la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation (2016/0412(COD)) instaure des moyens standardisés de coopération entre les États membres;
F. considérant qu’aucun de ces instruments ne peut s’appliquer aux pays tiers;
G. considérant que le règlement (UE) 2017/1939, et notamment son article 104, prévoit des moyens de coopération avec les pays tiers;
H. considérant que l’article 3, paragraphe 4, de la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE nº 198) prévoit que chaque partie adopte les mesures législatives ou autres qui se révèlent nécessaires pour exiger, en cas d’une ou plusieurs infractions graves telles que définies par son droit interne, que l’auteur établisse l’origine de ses biens, suspectés d’être des produits ou d’autres biens susceptibles de faire l’objet d’une confiscation, dans la mesure où une telle exigence est compatible avec les principes de son droit interne;
I. considérant qu’au niveau régional et mondial, plusieurs conventions et mécanismes relatifs à la confiscation et au recouvrement des avoirs ont été élaborés par les Nations unies et le Conseil de l’Europe, notamment la convention des Nations unies contre la corruption du 31 octobre 2003, la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000, la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme du 16 mai 2005, la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990; que, pour diverses raisons, ces instruments ne permettent pas toujours un recouvrement efficace et rapide des avoirs volés;
J. considérant que cette question a été désignée par l’Union comme l’une de ses priorités dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune; que des projets pilotes et préparatoires sont mis en œuvre à cet égard;
K. considérant qu’en vertu des articles 1, 3 et 14 du règlement (UE, Euratom) nº 883/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF)(8), l’Office européen de lutte antifraude dispose d’un mandat d’enquête partout où les fonds de l’Union sont dépensés, y compris dans les pays tiers qui bénéficient d’une aide de l’Union;
L. considérant que, conformément à l’article 14 du règlement (UE, Euratom) nº 883/2013, l’Office européen de lutte antifraude peut conclure des arrangements administratifs de coopération avec les autorités compétentes des pays tiers, après avoir coordonné au préalable son action avec les services compétents de la Commission et avec le Service européen pour l’action extérieure;
1. souligne le problème permanent des fonds de l’Union perdus en raison de cas frauduleux de transfert de fonds vers des pays tiers;
2. souligne la nécessité, à titre préventif, de ne pas faire appel à des intermédiaires financiers opérant dans des juridictions non transparentes et non coopératives pour transférer des fonds;
3. souligne avec inquiétude qu’il est également possible que des fonds provenant de pays tiers soient transférés frauduleusement vers l’Union; souligne que les résultats de l’action préparatoire mise en œuvre par l’Institut interrégional de recherche des Nations unies sur la criminalité et la justice (UNICRI) et financée par l'Union européenne pour aider les pays du printemps arabe dans le recouvrement des avoirs devraient déboucher sur un programme plus large et permanent de l’Union pour la mise en œuvre du recouvrement des avoirs;
4. souligne la nécessité d’associer l’octroi de fonds à la publication des données relatives à la propriété effective afin de faciliter le recouvrement des avoirs en cas de fraude;
5. souligne qu’à ce jour, l’Union n’a conclu malheureusement des accords d’entraide judiciaire qu’avec quelques pays tiers tels que les États-Unis, le Japon, le Liechtenstein et la Norvège, bien que l’on soupçonne que des fonds sont également transférés vers d’autres juridictions; invite la Commission à encourager les efforts visant à obtenir des accords avec des pays tiers bénéficiant de fonds de l’Union;
6. déplore le fait que de nombreux États membres doivent actuellement compter sur des accords bilatéraux et qu’il n’existe pas d’approche de l’Union sur ce problème majeur; demande instamment une approche plus unifiée;
7. plaide pour que la demande d’adhésion de l’Union au Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe avance aussi rapidement que possible et pour que le Parlement soit tenu informé de l’évolution du dossier;
8. invite la Commission à durcir sa position dans les accords qu’elle signe avec des pays tiers en y ajoutant des clauses antifraude; regrette qu’il n’existe aucune donnée sur le montant des fonds de l’Union perdus chaque année en raison de cas frauduleux de transferts d’argent vers des pays tiers; invite la Commission à calculer le montant des fonds perdus de l’Union;
9. invite la Commission à réaliser une évaluation des risques posés par la législation de l’Union qui facilite les transferts d’argent illégaux en dehors de l’Union et à en supprimer les points sensibles;
10. invite la Commission à mettre en place une méthode normalisée de collecte de données permettant de détecter le transfert d’avoirs frauduleux vers des pays tiers, qui serait identique pour tous les États membres, dans le but de créer dès que possible une base de données centrale de l’Union; souligne qu’un tel mécanisme existe pour lutter contre le blanchiment d’argent et que ce mécanisme pourrait être élargi;
11. souligne que la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme du 16 mai 2005 ainsi que la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990 constituent des instruments importants qui facilitent la coopération avec les pays tiers en ce qui concerne le gel et le recouvrement des avoirs; se félicite de l’aboutissement des négociations sur la proposition de règlement relatif à la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation, et note que ses principaux éléments pourraient constituer une base utile pour la coopération avec les pays tiers dans le cadre des conventions internationales et des accords bilatéraux auxquels l’Union est partie;
12. déplore le fait que tous les États membres de l’Union n’ont pas accepté de faire partie du Parquet européen; souligne qu’il importe que le Parquet européen devienne l’élément central de tout futur mécanisme de recouvrement dans les pays tiers, et que cela nécessite qu’il soit reconnu à cet effet en tant qu’autorité compétente, conformément à l'article 104 du règlement sur le Parquet européen, dans les accords existants et futurs sur l’entraide judiciaire et le recouvrement des avoirs, en particulier les conventions du Conseil de l’Europe et des Nations unies;
13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et à l’Office européen de lutte antifraude.