Politique étrangère: objectifs, instruments et réalisations
La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union européenne a été établie en 1993, puis renforcée par différents traités. Aujourd’hui, le Parlement contribue régulièrement au développement de la PESC, notamment en contrôlant les activités de ses acteurs et organes institutionnels: le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui est également Vice-président de la Commission européenne; le Service européen pour l’action extérieure (SEAE); les représentants spéciaux de l’Union européenne (RSUE) et les délégations de l’Union. Les pouvoirs budgétaires du Parlement peuvent également définir l’échelle et l’ampleur de la PESC.
PESC: développement par les traités
La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union européenne a été établie par le traité sur l’Union européenne (traité UE) en 1993 dans le but de préserver la paix, de renforcer la sécurité internationale, de promouvoir la coopération internationale et de développer et consolider la démocratie, l’état de droit et le respect des Droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le traité UE a introduit le système des trois piliers, la PESC étant le deuxième pilier. Le traité d’Amsterdam de 1997 a mis sur pied un processus de décision plus efficace en instaurant l’abstention constructive et le vote à la majorité qualifiée. En décembre 1999, le Conseil européen a créé la fonction de Haut Représentant pour la PESC. Le traité de Nice de 2003 a apporté certains changements visant à rationaliser les processus décisionnels et chargé le comité politique et de sécurité, qui avait été institué par décision du Conseil en janvier 2001, d’exercer le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion de crise.
Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, a conféré à l’Union une personnalité juridique et une structure institutionnelle pour son service extérieur. Il a en outre éliminé la structure des piliers qui avait été mise en place par le traité UE en 1993. Le traité a créé une série de nouveaux acteurs de la PESC, notamment la fonction de Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui est aussi Vice-président de la Commission européenne, et le nouveau président permanent du Conseil européen. En outre, il a institué le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et a renforcé la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), qui fait partie intégrante de la PESC (fiche 5.1.2).
La base juridique de la PESC est définie dans le traité UE et a été révisée dans le traité de Lisbonne. Le titre V (articles 21 à 46) du traité UE établit des dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union et des dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). La cinquième partie (articles 205 à 222) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) traite de l’action extérieure de l’Union. Les articles 346 et 347 de la septième partie s’appliquent également.
Pour l’avenir, le rapport final de la conférence de l’Union sur l’avenir de l’Europe, présenté aux présidents du Parlement, du Conseil et de la Commission le 9 mai 2022, proposait que «l’UE améliore sa capacité à prendre des décisions rapides et efficaces, notamment dans le cadre de la PESC, en s’exprimant d’une seule voix et en agissant en tant qu’acteur véritablement mondial, de manière à afficher un rôle positif dans le monde et en faisant la différence en réaction à toute crise».
Pouvoirs et instruments du Parlement en matière de politique étrangère
Malgré son rôle formel limité dans le processus décisionnel de la politique étrangère, le Parlement a soutenu le concept de la PESC depuis sa création et a cherché à en étendre la portée.
L’article 36 du traité UE impose au Haut Représentant de consulter le Parlement régulièrement sur les principaux aspects de la PESC et des choix réalisés à son titre, et d’informer le Parlement de l’évolution de la politique. Le Parlement procède deux fois par an à un débat sur les progrès réalisés dans le domaine de la PESC et adresse des questions ou formule des recommandations à l’intention du Conseil ou du Haut Représentant.
Le droit du Parlement d’être informé et consulté sur la PESC/PSDC a encore été renforcé par la déclaration de responsabilité politique de la haute représentante en 2010, jointe à la résolution du Parlement sur la création du SEAE. Cette déclaration prévoit, entre autres:
- de renforcer le statut des «consultations communes» qui permettent à un groupe de députés au Parlement européen de rencontrer leurs homologues du comité politique et de sécurité du Conseil, du SEAE et de la Commission pour débattre des missions civiles de PSDC prévues et en cours;
- d’affirmer le droit de la commission spéciale du Parlement d’avoir accès aux informations confidentielles relatives à la PESC et à la PSDC, qui repose sur un accord interinstitutionnel de 2002;
- de tenir des échanges de vues avec les chefs de mission, les chefs de délégation et d’autres hauts fonctionnaires de l’Union durant les réunions et les auditions en commission parlementaire, notamment, au sein de la commission des affaires étrangères (AFET) et avant leur entrée en fonction, des échanges de vues avec certains chefs de délégations de l’Union ou les représentants spéciaux de l’Union européenne (RSUE) récemment nommés dont le Parlement estime qu’ils occupent un poste d’importance stratégique;
- de charger le Haut Représentant de faire rapport devant le Parlement, au moins deux fois par an, sur l’état de la situation concernant la PESC/PSDC et de répondre aux questions.
En plus de ce dialogue politique, le Parlement exerce son autorité au moyen de la procédure budgétaire. En sa qualité de branche de l’autorité budgétaire de l’Union, le Parlement doit approuver le budget annuel pour la PESC. Un accord interinstitutionnel de décembre 2020 concernant la discipline budgétaire définit le cadre de l’approbation annuelle et de la structure de base du budget de la PESC, ainsi que des mécanismes de rapport. À partir d’une proposition de la Commission, le Parlement et le Conseil adoptent les textes législatifs qui définissent le cadre de financement de l’aide et de la coopération internationales de l’Union.
Le Parlement contrôle régulièrement les opérations du SEAE et lui présente des suggestions sur les questions structurelles, qui vont de son équilibre géographique et de la répartition hommes-femmes à son interaction avec les institutions de l’Union et les services diplomatiques des États membres. Le Parlement conduit aussi régulièrement des débats avec le Haut Représentant et les RSUE nommés pour certaines régions ou questions.
Le Parlement a en outre un rôle à jouer dans la surveillance de la négociation et de la mise en œuvre des accords internationaux. L’approbation du Parlement est requise avant que le Conseil ne puisse conclure de tels accords (fiches 5.2.1 et 5.2.3).
Structures internes du Parlement concernées par la PESC
Une grande partie du travail du Parlement sur la PESC est réalisée en commissions spécialisées, en particulier au sein de la commission AFET et de ses deux sous-commissions: la sous-commission «sécurité et défense» (SEDE) et la sous-commission «Droits de l’homme» (DROI). Leurs travaux sont complétés par ceux de la commission du commerce international (INTA) et de la commission du développement (DEVE). Ces commissions façonnent la PESC au moyen de la démocratie parlementaire et par les rapports et avis qu’elles rédigent, les recommandations qu’elles formulent et les échanges de vues qu’elles tiennent avec leurs homologues de pays tiers lors de missions. De plus, elles procèdent régulièrement à des échanges de vues avec les représentants d’organisations multilatérales régionales ou mondiales (notamment les Nations unies), avec les autres institutions de l’Union, avec les présidences du Conseil et avec les parlements nationaux des États membres.
Des travaux liés à la PESC sont également entrepris par les délégations parlementaires, dont le rôle consiste à maintenir et à développer les contacts internationaux du Parlement (par la coopération interparlementaire, notamment), en mettant en avant les valeurs fondatrices de l’Union, notamment la liberté, la démocratie, les Droits de l’homme, les libertés fondamentales et l’état de droit. Il y a actuellement 45 délégations interparlementaires permanentes, notamment des commissions parlementaires conjointes, des commissions de coopération parlementaire, d’autres délégations parlementaires, des assemblées parlementaires conjointes et des délégations aux assemblées multilatérales.
Influence du Parlement sur la PESC
La participation du Parlement à la PESC contribue à renforcer la responsabilité démocratique de celle-ci. Le Parlement est un ardent défenseur du paysage institutionnel post-Lisbonne, préconisant un rôle accru pour le Haut Représentant, le SEAE, les délégations de l’Union et les RSUE, ainsi qu’une politique plus cohérente et une PESC plus efficace, notamment en ce qui concerne les sanctions. Il a œuvré en faveur d’une plus grande cohérence entre les instruments politiques et financiers de l’Union pour les politiques extérieures, afin d’éviter les doubles emplois et l’inefficacité.
Le Parlement est consulté concernant la PESC, il exerce un contrôle sur celle-ci et il apporte sa contribution aux politiques stratégiques. Sa participation se traduit essentiellement par des débats réguliers avec le Haut Représentant en session plénière ou au sein de la commission AFET sur des sujets clés de politique étrangère, en particulier sur le rapport annuel sur la mise en œuvre de la PESC.
Dans sa résolution annuelle sur la mise en œuvre de la PESC en 2023, adoptée le 28 février 2024, le Parlement a donné des orientations au prochain exécutif de l’Union sur la définition des priorités en matière de politique étrangère pour la prochaine législature, en soulignant l’«environnement international de plus en plus instable». Il a reconnu plusieurs difficultés rencontrées en matière de politique étrangère, telles que la poursuite de l’agression russe contre l’Ukraine; l’intensification de la concurrence entre les grandes puissances, qui pourrait redéfinir l’équilibre mondial des pouvoirs; les efforts continus visant à déstabiliser l’ordre multilatéral établi et fondé sur des règles; le chevauchement croissant des crises externes et internes. En réponse à cette situation, le Parlement a souligné la nécessité pour l’Union de tirer parti de la volonté politique collective, de collaborer avec ses alliés et d’offrir des avantages tangibles au Sud global, en insistant sur la nécessité d’adopter une approche proactive et audacieuse. Pour mieux orienter la PESC, quatre objectifs ont été proposés:
- faire face aux conséquences de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine;
- adapter progressivement les structures, les instruments, les capacités, les financements et les procédures décisionnelles de l’Union;
- renforcer et défendre un multilatéralisme fondé sur des règles; ainsi que
- affirmer les intérêts de l’Union par la mise en place d’alliances stratégiques solides et de partenariats fondés sur les mêmes valeurs.
En outre, la dernière résolution annuelle du Parlement sur la mise en œuvre de la PSDC (fiche 5.1.2) et sa dernière résolution annuelle sur les Droits de l’homme et la démocratie dans le monde (fiche 5.4.1) définissent d’autres positions dans ces domaines.
Dans son expression la plus récente des orientations politiques concernant le cadre institutionnel de l’action extérieure de l’Union, le Parlement a proposé, dans sa recommandation du 15 mars 2023 sur le fonctionnement du SEAE et une Union plus forte dans le monde, que le Conseil, la Commission et le Haut Représentant «améliorent la coordination et l’intégration de la politique étrangère ainsi que la dimension extérieure des politiques internes de l’Union». Il a également demandé le renforcement de «la structure de coordination stratégique composée de tous les commissaires concernés, du Haut Représentant, de la Commission et des services du SEAE afin de garantir la cohérence, les synergies, la transparence et la responsabilité de l’action extérieure de l’Union». Le Parlement a également demandé que soient révisées en profondeur la décision du Conseil de 2010 instituant le SEAE et la déclaration de 2010 de la haute représentante sur la responsabilité politique. Le Parlement a recommandé à plusieurs reprises de recourir pleinement au vote à la majorité qualifiée pour certains domaines de la politique étrangère, tels que le régime mondial de sanctions de l’Union en matière de Droits de l’homme, à l’exception de la création de missions ou opérations militaires dotées d’un mandat exécutif, tout en préconisant l’emploi de l’abstention constructive en vertu de l’article 31, paragraphe 1, du traité UE.
En outre, il a demandé la fourniture effective d’une aide extérieure sous le nom d’«Équipe Europe». L’«Équipe Europe» a été créée pour faire face aux effets de la pandémie de COVID-19 dans le monde et se compose des institutions et des États membres de l’Union, ainsi que d’institutions financières et de banques européennes.
Le cadre stratégique de l’Union en matière de politique étrangère et le Parlement européen
Le 28 juin 2016, la haute représentante a présenté au Conseil européen la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne. Mettant l’accent sur la sécurité, son ambition pour l’autonomie stratégique et son approche raisonnée et pragmatique de l’environnement de l’Europe, la stratégie globale de l’Union marque un changement de philosophie important par rapport à la stratégie européenne de sécurité de 2003. De concert avec les États membres, les parlements nationaux, les experts et le grand public, le Parlement européen a participé au processus de consultation sur la stratégie mondiale.
Les aspects de la stratégie globale de l’Union en matière de sécurité et de défense ont été considérablement complétés par la boussole stratégique de l’UE, approuvée par le Conseil européen les 24 et 25 mars 2022. Du fait du défi stratégique pour la sécurité européenne et la stabilité mondiale que représente l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union a récemment opéré un changement de paradigme et lancé plusieurs nouvelles initiatives relatives à la PSDC et à l’industrie de la défense (fiche 5.1.2).
En outre, afin de fournir une option durable pour les investissements mondiaux dans les infrastructures et de relever le défi géopolitique posé par le modèle d’investissement et de gouvernance de la Chine, l’Union a présenté en 2021 une stratégie dénommée «Global Gateway». Cette initiative vise à mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans différents secteurs de la connectivité dans le monde, tout en promouvant les valeurs de l’Union et un corpus réglementaire mondial. Le Parlement a également mis en évidence la stratégie «Global Gateway» comme un moyen pour accroître la présence et la visibilité de l’Union dans le monde dans sa récente résolution sur la mise en œuvre de la PESC en 2023. Cette initiative repose en partie sur des fonds provenant de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale — Europe dans le monde (IVCDCI — Europe dans le monde), doté d’un budget d’environ 80 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Dans sa résolution du 12 décembre 2023 sur la mise en œuvre de l’IVCDCI — Europe dans le monde, le Parlement s’est félicité de la consolidation de la majeure partie de l’action extérieure de l’Union en un instrument unique. Toutefois, même si cela a simplifié l’action extérieure, et l’a rendue plus souple et plus efficace, le Parlement regrette que le processus ne soit pas accompagné d’une responsabilisation et d’une transparence suffisantes.
Pour plus d’informations sur ce sujet, veuillez consulter le site web de la commission des affaires étrangères (AFET).
Michal Malovec